Procès des attentats de Bruxelles : les procureurs reviennent sur les événements dans l’acte d’accusation
Les procureurs fédéraux procèdent jusqu’à jeudi à la lecture de l’acte d’accusation.
Le deuxième jour du procès des attentats commis à Bruxelles le 22 mars 2016 a débuté mardi sans la foule des grands jours. Alors que lundi, l’affluence avait obligé de nombreuses personnes – dont les membres de la presse – à attendre près d’une heure pour entrer dans le Justitia, les contrôles de sécurité se passaient sans encombre et les allées du palais de justice étaient presque vides dès le lendemain.
La présidente de la cour d’assises, Laurence Massart, a donné ce mardi la parole aux deux procureurs fédéraux pour la lecture de leur acte d’accusation. Cette lecture s’étalera sur plusieurs jours, jusqu’à jeudi, étant donné la longueur du document, environ 500 pages.
Dans ce procès hors normes, annoncé pour six à neuf mois d’audiences, dix hommes sont accusés, dont un, Oussama Atar, fait défaut. Il serait mort en Syrie. Les neuf autres sont Mohamed Abrini, Osama Krayem, Salah Abdeslam, Sofien Ayari, Bilal El Makhoukhi, Hervé Bayingana Muhirwa, Ali El Haddad Asufi, Smail Farisi et Ibrahim Farisi. Les huit premiers sont accusés de participation aux activités d’un groupe terroriste, d’assassinats terroristes sur 32 personnes et de tentatives d’assassinat terroriste sur 695 personnes. Le neuvième ne doit répondre que de participation aux activités d’un groupe terroriste.
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9h30 – Une jurée effective absente
L’audience a démarré par une mauvaise nouvelle : une jurée effective est absente et a remis un certificat médical. Elle doit être remplacée par un membre suppléant. Cela signifie qu’il reste désormais 12 jurés effectifs et 21 jurés suppléants sur les 24 prévus initialement.
9h43 – Osama Krayem n’assiste pas au procès
Parmi les inculpés, Osama Krayem a indiqué qu’il n’était pas en état de participer à son procès et demande de repartir en cellule. Une demande acceptée par la cour d’assises. L’accusé reste représenté par ses avocats.
11h23 – Plusieurs événements ont précipité les attentats du 22 mars 2016
La procureure Paule Somers a expliqué au travers de l’acte d’accusation du parquet dont la lecture est en cours depuis 10h15, que plusieurs éléments ont précipité la commission des attentats le 22 mars 2016 à Zaventem et à Bruxelles. C’est essentiellement l’identification de plusieurs suspects, au fur et à mesure que l’enquête sur les attentats à Paris avançait, qui a poussé les membres de la cellule terroriste encore en vie à agir.
Plusieurs suspects des attentats en France le 13 novembre 2015, à commencer par Mohamed Abrini et Salah Abdeslam, ont rapidement été identifiés et recherchés par les enquêteurs belges et français, a rappelé la procureure. Une première arrestation importante intervient ensuite le 26 novembre 2015, celle d’un autre suspect, Mohamed Bakkali. “Il est suspecté notamment d’avoir loué plusieurs appartements “conspiratifs” et d’avoir véhiculé les kamikazes”, précise l’acte d’accusation. Ensuite, le 4 décembre, un avis de recherche avec les photos de Najim Laachraoui et de Mohamed Belkaïd est diffusé dans la presse. Ils sont présentés comme coordinateurs probables des attentats à Paris et sont alors connus seulement sous leurs faux noms, Soufiane Kayal et Samir Bouzid.
Un peu plus de trois mois plus tard, le 15 mars 2016, a lieu ce qui est désormais connu sous le nom de “fusillade de la rue du Dries”. Lors d’une perquisition dans un appartement de la rue du Dries à Forest, les enquêteurs, qui pensaient y découvrir une planque abandonnée de la cellule terroriste, sont accueillis par des tirs de kalachnikov. Après un fort chabrol de plusieurs heures, l’un des trois terroristes qui sont retranchés dans cette habitation, Mohamed Belkaïd, est tué par les unités spéciales. Les deux autres sont Salah Abdeslam et Sofien Ayari. Ils ont réussi à prendre la fuite.
Le lendemain, 16 mars, certains médias divulguent alors les noms et les photos d’Ibrahim et Khalid El Bakraoui, comme étant ceux qui ont loué cet appartement à Forest. De nouveaux articles de presse seront publiés le 18 mars au sujet des deux frères, avec des informations les liant eux aussi aux attentats à Paris. Ce même jour, Salah Abdelsam et Sofien Ayari sont arrêtés rue des Quatre Vents à Molenbeek-Saint-Jean. Enfin, le 21 mars, la veille des attentats, le vrai nom de Najim Laachraoui est publié dans la presse à la demande des autorités judiciaires.
“Ces événements ont précipité la commission des attentats à Bruxelles. Identifiés au grand jour et craignant d’être arrêtés à leur tour, les membres survivants de la cellule terroriste, reformée après les attentats à Paris, décident d’agir le 22 mars 2016”, ont écrit les procureurs. Cette réalité ressort en effet de documents retrouvés dans un ordinateur abandonné par les kamikazes, à proximité de la rue Max Roos à Schaerbeek. L’accusé Mohamed Abrini a par ailleurs déclaré que “l’étau se resserrait”.
12H15 – Le déroulement des faits du 22 mars 2016 relatés minute par minute
Le procureur Bernard Michel a poursuivi, devant la cour d’assises de Bruxelles, la lecture de l’acte d’accusation du parquet dans le procès des attentats. Il est arrivé, en fin de matinée, au déroulement des faits le 22 mars 2016 et les a relatés, presque minute par minute. Il a énuméré, sans trop entrer dans les détails, mais sans détour non plus, le chaos matériel et humain que les trois explosions ont provoqué, les deux premières à l’aéroport, la troisième sur le réseau des transports en commun bruxellois.
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13h02 – L’ordinateur découvert rue Max Roos à Schaerbeek a fourni de nombreuses informations
Les procureurs fédéraux ont détaillé, dans leur acte d’accusation, toutes les informations essentielles contenues dans un ordinateur, découvert dans une poubelle devant l’immeuble de la rue Max Roos à Schaerbeek, où plusieurs membres de la cellule terroriste se sont planqués durant des mois. Les procureurs ont entamé la lecture de cet acte mardi matin, devant la cour d’assises de Bruxelles, qui mène le procès des attentats du 22 mars 2016.
L’identité des trois kamikazes des attentats à Bruxelles est rapidement connue grâce aux empreintes digitales. Ibrahim El Bakraoui est l’auteur de la première explosion à Zaventem, et Najim Laachraoui celui de seconde. Khalid El Bakraoui est l’individu qui s’est fait exploser dans le métro. Dans les premières heures après les attaques, la police a également pu compter sur un témoignage essentiel, celui du chauffeur de taxi qui a véhiculé les deux kamikazes de l’aéroport ainsi qu’un troisième individu qui les accompagnait. Il révèle l’adresse où il les a pris en charge : le numéro 4 de la rue Max Roos à Schaerbeek. Les enquêteurs vont notamment y mettre la main sur un ordinateur au contenu éloquent.
Outre de la documentation sur le djihad et le califat, ainsi que des fichiers au sujet de la fabrication d’explosifs, l’appareil contenait des documents relatifs à différents lieux, susceptibles d’êtres des cibles pour un attentat.
Les policiers ont également sorti de l’ordinateur saisi à Schaerbeek de nombreux fichiers audio, dans lesquels les kamikazes exposent clairement leurs motivations et l’avancement de leur projet meurtrier à l’attention d’un certain “Abou Ahmed”, qu’ils appellent aussi “l’émir”, laissant penser que les attentats ont été coordonnés depuis l’étranger. Ces conversations révèlent surtout la raison pour laquelle les terroristes ont décidé d’agir dans la précipitation, le 22 mars, à Bruxelles.
15h00 – La fusillade de la rue du Dries
Le parquet a repris, vers 14h15, la lecture de son acte d’accusation et est revenu sur la découverte d’une cache du commando soupçonné d’être derrière les attentats du 22 mars 2016, rue du Dries à Forest. Les enquêteurs étaient tombés, dans cet appartement, sur Salah Abdeslam, activement recherché depuis les attentats de Paris de novembre 2015, mais également Mohamed Belkaid (qui perdra la vie dans la fusillade) et Sofien Ayari. Ayari et Abdeslam seront interpellés quelques jours plus tard.
Mohamed Belkaid, de nationalité algérienne, est parti combattre en Syrie en avril 2014 où il a adhéré au groupe État islamique. L’enquête sur les attentats de Paris révèle qu’il est arrivé en Belgique le 10 septembre 2015, avec Najim Laachraoui, tous deux véhiculés par Salah Abdeslam depuis la Hongrie. Sa photo a été publiée en décembre 2015 (sous son faux nom Samir Bouzid), il se cachait depuis. Son ADN est retrouvé dans les caches de Jette et de la rue Henri Bergé. Abrini désigne Belkaid comme “l’émir de Forest”. Il est décédé dans la fusillade.
Salah Abdeslam et Sofien Ayari se sont enfuis par les toits des habitations voisines et seront arrêtés quelques jours plus tard, le 18 mars 2016. Ils ont tous les deux été condamnés pour la fusillade de la rue du Dries, à 20 ans d’emprisonnement pour tentative d’assassinat de policiers et pour détention d’armes prohibées, avec la circonstance aggravante qu’il s’agit d’infractions terroristes.
Selon l’enquête, l’appartement a été loué le 2 décembre 2015, soit après les attentats de Paris. Selon Mohamed Abrini, il est regroupé dans cette cache vers le 10 janvier 2016, avec Salah Abdeslam, Osama Krayem, Sofien Ayari, Mohamed Belkaid et Najim Laachraoui.
15h17 – Arrestation de trois accusés
Les procureurs fédéraux sont revenus sur les arrestations, le 8 avril 2016, d’Osama Krayem, Hervé Bayingana Muhirwa et Mohamed Abrini.
Le 31 mars 2016, la Sûreté de l’État informe les autorités judiciaires que, selon son analyse, Naim El Hamed est en réalité une fausse identité utilisée par Osama Krayem. Elle précise le 2 avril que celui-ci utilise deux comptes Facebook et le 7 avril qu’il possède deux numéros de téléphone belge. L’identification de l’adresse IP utilisée par M. Krayem pour communiquer par Facebook mène les enquêteurs au domicile d’Hervé Bayingana Muhirwa, rue du Tivoli à Laeken. Le domicile de M. Bayingana Muhirwa est alors placé sous surveillance et les enquêteurs aperçoivent Mohamed Abrini le 7 avril 2016. Le lendemain, Osama Krayem fait son apparition.
Le 8 avril 2016, à 11h30, Osama Krayem et Hervé Bayingana Muhirwa sont arrêtés boulevard du Midi à Bruxelles par les unités spéciales de la police fédérale. Les deux individus se trouvaient dans la voiture d’Hervé Bayingana Muhirwa, que ce dernier conduisait. Mohamed Abrini est arrêté le même jour.
Les analyses ADN confirment qu’Hervé Bayingana Muhirwa, Mohamed Abrini et Osama Krayem ont vécu dans l’appartement. L’ordinateur retrouvé – qui avait été signalé volé – a essentiellement été utilisé par Hervé Bayingana Muhirwa mais, entre le 24 mars et le 8 avril 2016, également par Mohamed Abrini et Osama Krayem.
15h37 – L’appartement de l’avenue des Casernes
Khalid El Bakraoui est parti, le matin du 22 mars 2016, d’un appartement situé avenue des Casernes, à Etterbeek, accompagné d’Osama Krayem qui portait, lui aussi, un sac à dos rempli d’une charge explosive. Osama Krayem rebroussera finalement chemin tandis que Khalid El Bakraoui fera exploser sa charge dans une rame de métro à la station Maelbeek, tuant 16 personnes.
Selon l’enquête cette appartement de l’avenue des Casernes a été occupé dès octobre 2015. L’analyse des images montre qu’Ibrahim El Bakraoui apparaît pour la première fois le 3 octobre 2015, en compagnie de Smail Farisi et d’Ali El Haddad Asufi. Aux mois d’octobre et novembre 2015, on aperçoit également Ibrahim El Bakraoui et Mohamed Bakkali (condamné à 30 ans de prison pour les attentats de Paris, dont il est considéré comme le logisticien).
Les frères El Bakraoui y logent durant le mois de janvier 2016 et Smail Farisi y est vu presque quotidiennement. Les frères y vivent toujours en février 2016 mais à partir du 29 février, Ibrahim n’y est plus aperçu. Ensuite, jusqu’au 15 mars, Khalid El Bakraoui vit seul dans le studio.
Le 23 mars 2016, les frères Farisi déménagent les affaires abandonnées dans l’appartement. Le déménagement se termine les 24 et 25 mars. Le 2 avril, Smail Farisi et un ami réparent la serrure de la porte d’entrée. Dans la nuit du 2 au 3 avril 2016, Mohamed Abrini se présente à l’appartement.
17h00 – Fin de l’audience
La deuxième journée du procès des attentats commis à Bruxelles le 22 mars 2016 s’est terminée peu après 17h00. La lecture de l’acte d’accusation se poursuivra ce mercredi vers 9h00.
■ Reportage de Camille Tang Quynh, Nicolas Scheenaerts et Pierre Delmée
Avec Belga – Photo : Belga/Jonathan De Cesare