Boxes des accusés, absences… : l’audience préliminaire au procès des attentats de Bruxelles lance les débats
L’audience préliminaire du procès des attentats du 22 mars 2016 s’est ouverte ce lundi devant la cour d’assises de Bruxelles, délocalisée au Justitia, l’ancien siège de l’Otan, à Haren. D’importantes mesures de sécurité ont été mises en place autour du site pour l’occasion.
Cette première audience préliminaire du procès des attentats de Bruxelles a pour but de déterminer, avec l’ensemble des parties, la liste des témoins à entendre. C’est aussi lors de cette audience que d’éventuels problèmes de procédure touchant à la recevabilité des poursuites sont soulevés, via le dépôt de conclusions, auxquelles la présidente répond ensuite.
Tous les accusés étaient présents, à l’exception d’Oussama Atar, présumé mort, à l’ouverture de cette audience. Mohamed Abrini, Osama Krayem, Sofien Ayari, Smaïl Farisi et Ali El Haddad Asufi ont finalement décidé de retourner “en cellulaire”, la plupart dénonçant les conditions dans lesquelles ils comparaissent, derrière des boxes vitrés.
Dans un premier temps, Salah Abdeslam avait fait un choix opposé, disant à la présidente “je souhaite assister à l’audience” avant de se rétracter. “J’ai décidé de refuser de comparaître par solidarité avec les co-accusés”, a-t-il expliqué quelques minutes plus tard, en dénonçant la présence des boxes vitrés. “C’est inéquitable alors qu’on nous a promis un procès équitable.”
La défense fustige les boxes des accusés
Un premier problème du genre semble déjà se poser dans ce procès : celui de la configuration du box des accusés. Ces boxes vitrés individuels et fermés pour les accusés ne sont munis que d’un dispositif d’aération et d’une fente qui doit permettre le passage de documents.
► Notre reportage : Procès des attentats de Bruxelles : le box des accusés pose toujours problème à la défense
Pour les avocats des accusés, ce type de boxes entrave les droits de la défense parce qu’il empêche un contact spontané avec leurs clients, et parce qu’il viole la présomption d’innocence, car l’image d’individus enfermés induit le sentiment qu’ils sont d’office coupable. Les services de police estiment, eux, que ces boxes sont nécessaires pour assurer une sécurité optimale.
“Le zoo c’est à partir du 10 octobre, et avec des véritables êtres humains”, a commenté Me Sébastien Courtoy, avocat de Smaïl Farisi. “Si c’étaient des animaux qu’on avait mis dans ces cages, Gaia les aurait déjà fait abattre.” “Ils sont enfermés. Ils sont entourés d’une structure métallique ostentatoire, privés de tout contact humain, dans un isolement sonore. Ils ont besoin d’un dispositif à l’intérieur pour pouvoir entendre ce qui se dit dans la salle !”, a décrit pour sa part Me Virginie Taelman, qui défend l’accusé Bilal El Makhoukhi. “Qui est en mesure d’endurer cela pendant neuf mois, quatre jours sur cinq et du matin au soir ?”, s’est-elle interrogée.
“Détruisez ces trucs !”, a même demandé Me Eskenazi, avocat de Mohamed Abrini à la présidente de la cour Laurence Massart. “On ne peut pas tenir un procès dans ces conditions”, a-t-il clamé. Il prévient, si les boxes ne sont pas démontés : “je me lèverai et je partirai. Je ne participerai pas à ça !”
“La moins mauvaise des solutions”
Pour le parquet fédéral, ces boxes vitrés sont “la moins mauvaise des solutions“. La Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) ne prohibe pas en soi les boxes en verre, mais les admet seulement sous des conditions strictes, a notamment estimé le parquet. “Les boxes vitrés sont nécessaires pour que les débats longs et tendus qui nous attendent, inédits en Belgique, se passent dans les meilleures conditions”, a déclaré Bernard Michel, procureur fédéral.
“La parole (des avocats de la défense, NDLR) est certes libre, mais quand on parle de torture et de traitement inhumain et dégradant, c’est un vocabulaire inaudible pour les victimes”, a souligné Me Maryse Alié, qui défend les intérêts du collectif de victimes Life4Brussels. “La proximité (avec les accusés si les boxes vitrés devaient être démontés, NDLR) peut inquiéter certaines victimes”, a confié devant la cour Me Adrien Masset, qui représente l’association de victimes V-Europe.
C’est la présidente de la cour d’assises qui tranchera la question d’ici ce vendredi 14h00, a-t-elle annoncé.
► Découvrez notre dossier sur tous les accusés et le rappel des faits à l’aube du procès
Demandes de libération des frères Farisi
Avant l’audience préliminaire, le tribunal a déjà tenu une audience à huis clos sur la demande de libération d’Ibrahim Farisi. La cour a cependant refusé de se saisir de la question, qui a été renvoyée devant la chambre des mises en accusation. L’intéressé, poursuivi pour avoir hébergé des terroristes, devrait comparaître devant cette juridiction vendredi.
Une demande de libération de son frère Smail Farisi avait également été déposée, mais elle n’avait pas encore été traitée lundi matin. Elle devrait l’être plus tard dans la journée.
Les deux frères clament leur innocence. Tous deux ont estimé n’avoir rien à faire là. “Il y a cinq jours, j’étais chez moi, et là je suis au procès de Nuremberg. Je ne suis pas Klaus Barbie”, s’est emporté Smaïl Farisi.
► Voir aussi notre dossier : Attentats de Bruxelles : le parquet ordonne l’arrestation des frères Farisi, Smail Farisi interpellé
Début du procès en octobre
Le procès doit commencer le lundi 10 octobre avec la composition du jury. Les débats sur le fond débuteront ensuite le jeudi 13 octobre. L’ensemble du procès devrait durer de six à neuf mois. Dix accusés sont poursuivis.
Les attaques avaient fait 32 morts et quelque 340 blessés le 22 mars 2016 à Brussels Airport et dans le métro bruxellois.
■ Reportage de Camille Tang Quynh, Charles Carpreau et Loïc Rey.
Avec Belga – Photo: Belga/Eric Lalmand