Le procès de “L’Affaire Climat” débute ce jeudi en appel
Dans son jugement rendu en 2021, le tribunal civil de Bruxelles a constaté que l’Etat belge et les entités fédérées n’ont pas pris les mesures nécessaires pour prévenir les effets du changement climatique. Mais le verdict n’allait pas assez loin aux yeux de l’association citoyenne.
La cour d’appel de Bruxelles entamera demain, jeudi, le procès de l’ASBL L’Affaire Climat, intenté contre les entités fédérales et régionales belges. Douze audiences sont prévues, menant les débats jusqu’au 6 octobre. Le 17 juin 2021, le tribunal civil de Bruxelles avait rendu un jugement déclarant que la politique climatique belge viole le devoir légal de diligence et les droits humains. Mais L’Affaire Climat et 58.686 citoyens qui se sont joints à son action ont estimé que le tribunal n’était pas allé assez loin dans sa décision, et ont donc interjeté appel.
Le tribunal avait constaté que ni l’État fédéral ni les entités fédérées n’ont pris toutes les mesures nécessaires pour prévenir les effets du changement climatique, attentatoires à la vie des citoyens, comme les y obligent pourtant les articles 2 et 8 de la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH). Il avait estimé que les autorités gouvernementales belges portent une atteinte grave aux droits fondamentaux des citoyens en n’agissant pas efficacement face au réchauffement climatique, comme elles devraient pourtant le faire en vertu de leurs engagements sur la scène mondiale. Néanmoins, le tribunal avait rejeté la demande d’Affaire Climat d’enjoindre aux quatre autorités (l’État et les trois Régions) de réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) de 48% – ou à tout le moins de 42% – en 2025, puis de 65% – ou à tout le moins de 55 % – en 2030 et, enfin, de 100% en 2050.
“Oui, le climat a sa place en justice”
Le tribunal avait argué que l’imposition d’une mesure et d’un rythme de réduction des émissions de GES, ainsi que la répartition interne des efforts à faire, n’incombaient pas au pouvoir judiciaire. “Nous pensons que le tribunal se trompe au sujet de la séparation des pouvoirs”, avait expliqué lors d’une conférence de presse en novembre 2021 Me Carole Billiet, avocate des demandeurs. “Oui, le climat a sa place en justice, parce que la protection des droits subjectifs et personnels des citoyens sont au cœur du contentieux climatique. Aucun citoyen ne doit subir les dommages causés par le manque de prudence de quelqu’un d’autre. C’est indéniablement du ressort de la justice.”
Si les demandeurs ont décidé d’interjeter appel du jugement, c’est parce que les autorités gouvernementales belges n’ont pas réagi à l’issue de la décision. Et un peu plus de deux ans après ce jugement, il doit désormais être tenu compte de nouvelles estimations, contenues dans les derniers rapports du GIEC (Groupe d’experts des Nations Unies sur l’évolution du climat), selon les plaignants. L’ASBL L’Affaire Climat et les quelque 58.000 citoyens à ses côtés demanderont ainsi à la cour d’appel de Bruxelles d’ordonner aux autorités politiques de réduire les GES de 61% d’ici 2030 (par rapport à 1990).
Empreinte carbone actuellement trop élevée
“Ce taux de réduction a été avancé par des climatologues indépendants comme le plancher absolu à atteindre nécessairement pour un pays comme la Belgique. La société civile et les syndicats, réunis au sein de la Coalition Climat, approuvent également cette obligation de réduction minimale pour la Belgique”, a-t-elle expliqué dans un communiqué le 6 septembre. L’objectif de réduction que prévoit la législation européenne pour la Belgique est plus bas, à savoir 47% d’ici 2030, mais cet objectif n’est que le résultat d’un compromis politique et totalement inadéquat, soutient L’Affaire Climat. Selon elle, pour que la planète reste viable moyennant un réchauffement maximal de 1,5°c, l’empreinte carbone de la Belgique est actuellement beaucoup trop élevée. “Les changements de comportement individuels ne suffisent pas à inverser la tendance. Seules des politiques décisives menées par les gouvernements, les grandes entreprises et les institutions financières peuvent y parvenir”, a-t-elle déclaré.
Avec Belga