L’accord européen “nous permet de reprendre enfin le contrôle de la migration”, réagit de Moor

L’accord sur le nouveau pacte européen sur la migration nous permet de reprendre enfin le contrôle de la migration, réagit Nicole de Moor, secrétaire d’État à l’Asile et la Migration, après l’accord européen sur une vaste réforme de la politique migratoire. “Il s’agit d’une réforme radicale et nécessaire de la politique européenne en matière de migration et d’asile. Il est nécessaire de mieux contrôler qui peut migrer vers l’UE et qui ne le peut pas, et il est logique que tous les pays européens fassent enfin des efforts équitables pour accueillir les personnes qui se voient accorder l’asile”, souligne de Moor.

Après des années de discussion et une nuit entière d’ultimes tractations, les eurodéputés et représentants des États membres ont trouvé mercredi matin un accord, dénoncé par les défenseurs des droits humains, sur l’épineuse réforme du système migratoire européen.

La réforme prévoit un “filtrage” des migrants à leur arrivée et une “procédure à la frontière” pour ceux qui sont statistiquement les moins susceptibles d’obtenir l’asile, qui seront retenus dans des centres pour pouvoir être renvoyés plus rapidement vers leur pays d’origine ou de transit. Cette procédure s’appliquera aux ressortissants de pays pour lequel le taux de reconnaissance du statut de réfugié, en moyenne dans l’UE, est inférieur à 20%.

“Notre procédure d’asile et nos centres d’accueil accueillent trop de personnes qui n’ont rien à y faire”, selon le cabinet de Nicole de Moor. “Il s’avère que moins de la moitié des demandeurs d’asile dans notre pays ont besoin de protection. Concrètement, cette procédure frontalière obligatoire pour notre pays permettrait de résoudre le problème de l’afflux de demandeurs d’asile en provenance de la République démocratique du Congo (RDC), entre autres. Cette année, 1.062 Congolais ont déjà demandé l’asile dans notre pays. Peu d’entre eux sont reconnus comme réfugiés après examen par le Commissariat général aux réfugiés et aux apatrides (CGRA). Seuls 14% d’entre eux se voient accorder l’asile dans notre pays. Cela veut dire que les demandeurs ne viennent pas d’une zone de conflit mais veulent migrer pour des raisons économiques. Ce n’est pas à cela que sert la procédure d’asile ; d’autres procédures doivent être suivies si l’on veut venir travailler ou étudier en Belgique.”

La réforme discutée à Bruxelles conserve la règle actuellement en vigueur selon laquelle le premier pays d’entrée dans l’UE d’un demandeur d’asile est responsable de son dossier, avec quelques aménagements. Mais pour aider les pays méditerranéens, où arrivent de nombreux exilés, un système de solidarité obligatoire est organisé en cas de pression migratoire. Les autres États membres doivent contribuer en prenant en charge des demandeurs d’asile (relocalisations) ou en apportant un soutien financier. Selon la secrétaire d’État, “depuis des années déjà, la Belgique fait bien plus que sa juste part. La contribution équitable de notre pays au titre de la solidarité obligatoire s’élève en principe à 3,2 % du total. Appliquée à l’afflux dans l’Union européenne cette année, la part équitable de notre pays s’élèverait à 11.400 demandeurs d’asile (période janvier-novembre). Cela représente environ un tiers du nombre réel de demandes d’asile dans notre pays au cours de cette période (31.500). Il n’est que logique que chaque pays d’Europe fasse sa juste part du travail. De cette manière, nous rendons le système viable pour tous et nous pouvons offrir une meilleure protection qu’aujourd’hui aux personnes qui fuient la guerre et les persécutions.”

 

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Europe forteresse pour Ecolo, absence de grand changement pour la N-VA

L’accord suscite des réactions diverses chez les eurodéputés belges. Cet accord “consolide l’Europe forteresse basée sur la détention aux frontières, l’externalisation de la politique migratoire vers des États tiers qui violent les droits des exilés. Il est conclu au mépris des droits humains et de la solidarité”, a ainsi dénoncé, dans un communiqué, l’eurodéputée Ecolo Saskia Bricmont. “En instaurant des procédures d’asile accélérées aux frontières ; en conservant le critère Dublin de pays de première entrée ; en autorisant la prise d’empreintes des enfants dès l’âge 6 ans ; en généralisant la détention, y compris des enfants, dans des camps aux frontières ; en permettant que la coopération avec les États tiers ou la construction de murs comptent comme solidarité entre États membres et en l’absence de mécanisme de contrôle du respect des droits fondamentaux aux frontières, ce Pacte crée les conditions de futures crises de l’accueil comme nous la connaissons en Belgique. Et il aggrave les violations des droits fondamentaux des personnes exilées”, a-t-elle détaillé. “Ce que d’aucuns célèbrent comme une victoire historique d’un deal longtemps bloqué, n’est que la triste confirmation de l’Europe forteresse. Ce n’est pas notre choix pour l’Europe”, a enfin résumé l’eurodéputée écologiste.

Du côté de la N-VA, l’eurodéputée Assita Kanko souligne, elle, les “améliorations” qu’apporte le texte par rapport à la situation actuelle tout en regrettant l’absence de “grand changement de paradigme dont l’Europe a besoin”. “Ce pacte renforce la politique migratoire actuelle, mais il est loin d’être suffisant pour faire face à la vague migratoire qui se dirige vers l’UE. Il faut aller plus loin, c’est-à-dire opérer un véritable changement de paradigme et externaliser la politique d’asile vers les pays tiers. Regardez ce que le Royaume-Uni a fait avec le Rwanda, regardez ce que la Première ministre italienne a négocié avec l’Albanie. Ces pays ont compris comment procéder. Pourquoi ne pourrait-on pas le faire au niveau européen ?”, s’est-elle interrogée.

 

Un “recul pour les décennies à venir”, selon Amnesty

L’accord “fera reculer le droit européen en matière d’asile pour les décennies à venir et entraîneront de plus grandes souffrances humaines”, a réagi de son coté Amnesty International.

“Le résultat probable est une augmentation des souffrances à chaque étape du parcours d’une personne vers l’asile dans l’UE”, selon Amnesty. “De la façon dont ils sont traités par les pays extérieurs à l’UE, en passant par leur accès à l’asile et à l’assistance juridique aux frontières européennes, jusqu’à leur accueil au sein de l’UE, cet accord est conçu pour rendre plus difficile l’accès des personnes à la sécurité.”

L’ONG s’inquiète d’un accord qui entraînera la détention d’un plus grand nombre de personnes aux frontières de l’UE, notamment des familles avec enfants et des personnes vulnérables. “Les garanties seront réduites pour les demandeurs d’asile dans l’UE, et davantage de personnes seront dirigées vers des procédures d’asile aux frontières inférieures aux normes.” Amnesty doute par ailleurs que le pacte puisse efficacement soutenir les États où les gens arrivent pour la première fois en Europe, notamment l’Italie, l’Espagne ou la Grèce. “Au lieu de donner la priorité à la solidarité via les relocalisations et le renforcement des systèmes de protection, les États pourront simplement payer pour renforcer les frontières extérieures ou financer des pays hors de l’UE pour empêcher les personnes d’atteindre l’Europe.”