Le journal de bord de Sébastien du Samusocial (6 avril) : “Et si le matériel nous manque ?”
Sébastien est directeur du (nouveau) Samusocial. Il partage avec nous quelques extraits de son quotidien et de celui des équipes de terrain, ces travailleurs de l’ombre qui vivent en première ligne le défi actuel : rester présents pour aider les personnes sans abri alors que l’épidémie de Covid-19 a complètement bouleversé l’organisation des activités du dispositif d’aide.
Les premières grèves de travailleurs se sentant en danger ont commencé dans la grande distribution. Toujours cette angoisse par rapport à du matériel de protection manquant. La cacophonie autour du matériel est amplifiée par un manque de clarté sur qui doit porter quoi. Ou sur la protection réelle offerte par les masques.
MSF nous a encore fourni des FFP2 avant-hier soir. De quoi tenir 10 jours. Nous continuons à chercher toutes les voies d’approvisionnement possible via nous fournisseurs. Or la plupart des travailleurs qui en réclament au sein du Samusocial ne répondent pas aux critères fixés par les autorités sanitaires. Difficile de contredire l’argument de donner la priorité aux soignants dans les hôpitaux.
Et pourtant, nos soignants traitent aussi des cas, certes pas en hospitalisation, mais presque. Et, dès ce jour, nous aurons aussi des cas confirmés. À ce stade, accepter ou refuser d’offrir un masque n’est plus un argument médical, mais un geste symbolique de reconnaissance. Offrir un masque à nos infirmiers, même au prix fort, c’est leur passer le message que nous sommes conscients du risque qu’ils prennent et que nous sommes prêts à tout pour le réduire au maximum.
Souvent, en faisant les courses, je me demande d’ailleurs comment tous ces gens que je croise font pour avoir des FFP2 ou des masques chirurgicaux ? Que ce soient les hôpitaux, ou les soignants dans les maisons de repos, le monde pleure pour avoir ces masques en suffisance, mais à côté de ces larmes, on voit le commun des mortels se débrouiller pour en trouver et les porter. Alors, oui, certains peuvent s’offusquer de ne pas voir notre population apporter ces masques aux soignants, mais on peut aussi s’étonner que la notion « d’article 15 » (cet article qui désigne au Congo le sens de la débrouille pour se procurer des choses), fonctionne mieux à l’échelle de la population que les structures d’approvisionnement national ou régional pour les structures publiques. Une partie de notre matériel de protection a été obtenu via nos réseaux propres. Récemment, nous avons lancé une grosse commande pour anticiper les 2 mois à venir. Des auditeurs minutieux nous le reprocheront peut-être d’ici 6 mois, quand ils contrôleront nos comptes. Peut-être nous demanderont-ils alors : pourquoi n’avez-vous pas attendu l’approvisionnement des autorités ?
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Photo : Roger Job/Samusocial