Retour en classe en maternelle et en primaire : la colère des directions d’école

Classe en préparation 2018 - Illustration BX1

La décision prise mercredi soir par le comité de concertation de rouvrir les classes maternelles à partir du 2 juin et toutes les primaires à partir du 8, suscite la colère de certaines directions d’école, en particulier dans le réseau libre.

Nous ne sommes pas opposés à une réouverture des écoles, mais pas dans ces conditions: Trop c’est trop… voire tout simplement impossible“, réagit ainsi le collège des directeurs du libre primaire à Bruxelles et en Brabant wallon (Cobra) dans une lettre ouverte à la ministre de l’Education, Caroline Désir (PS), qu’il souhaite pouvoir rencontrer.

Sans s’opposer au principe de la réouverture, ils regrettent de ne pas avoir été consultés. “Nous nous sentons considérés comme de simples “serviteurs” du politique et de l’administration pour mettre en place des mesures impraticables imaginées par des personnes n’y mettant jamais les pieds. “, continue le Cobra, qui représente 200 directions d’écoles catholiques. “Après avoir travaillé sans relâche depuis le début du confinement, après avoir tout mis en œuvre pour respecter les consignes sanitaires strictes décidées pour la rentrée des 6e primaires le 18 mai dernier, ces directeurs disent ne pas comprendre le revirement soudain et mené sans concertation.” Il leur faut maintenant “réinventer une nouvelle fois nos écoles avec des mesures relevant de l’impossible.” Et en conclure : “Vous nous demandez de faire des miracles.” Sous le feu de leurs critiques, encore : le choix laissé aux parents quant au retour à l’école de leurs enfants, qui réduirait “à zéro tous l’énergie investie par les directions pour faire revenir les enfants à l’école.

Directeur de l’école Saint Antoine, à Forest, Pierre Laurens, s’adresse lui aussi à la ministre de l’Education dans une “carte noire.” Il y explique son investissement dans l’organisation de son établissement selon le cadre prévu jusqu’hier. Et il ne cache pas sa colère après la décision de ce mercredi, qu’il dit avoir apprise par la presse, et au calendrier intenable qui leur est imposé : “Aujourd’hui, je suis écœuré du mépris que le gouvernement a face à l’école et ses acteurs. Un peu comme le  monde des soins de santé face à la manière dont ils sont traités. Chers ministres, chers élus, chers experts, et j’en passe… il est urgent que vous sortiez de votre bulle et que vous veniez passer une semaine complète sur le terrain afin que vous vous rendiez enfin compte de l’aberration de certaines de vos décisions, prises depuis votre tour d’ivoire, bien loin des gens qui vous ont donné un mandat. Il est aussi temps de repenser notre état et nos structures afin de pouvoir faire face aux vagues suivantes.”

Incompréhension

Dans l’officiel, l’humeur n’est pas fort différente. “Il est clair que les directeurs ne sont pas très contents. Beaucoup sont dans une forme d’incompréhension“, commente Dominique Luperto, secrétaire général du Conseil de l’enseignement des communes et des provinces (CECP). “Ces dernières semaines, ils ont dû fournir un travail inouï pour mettre en place les conditions sanitaires drastiques (masques, gel, fléchage, réaménagement des locaux, …). Et puis, quinze jours plus tard, on leur dit: ‘on oublie tout’. Il est clair qu’ils ont l’impression qu’on les utilise comme des marionnettes. Ceci dit, sur le fond, tout le monde est d’accord pour dire qu’il faut faire rentrer les élèves, mais sur la forme et la mise en œuvre de la décision, c’est clair qu’il y a une forme de colère“.

Pour Dominique Luperto, l’assouplissement des mesures sanitaires décidé mercredi soir pourrait dissuader beaucoup de parents de renvoyer leurs progénitures à l’école. Or, celui-ci rappelle qu’avec les mesures drastiques en vigueur jusqu’à présent, seuls 30 à 40% des élèves de 1re et 2e primaire avaient retrouvé leur banc d’école. Avec des normes désormais moins sévères, le risque est grand à ses yeux de voir ce pourcentage diminuer.

De plus, les enseignants étant appelés à retravailler à plein temps en présentiel, ceux-ci n’auront plus le temps de préparer des travaux à domicile pour ceux qui resteront chez eux, ce qui risque de renforcer les écarts d’apprentissage entre élèves.

Quant au calendrier arrêté par les autorités -qui laisse deux jours ouvrables à peine aux directions-, Dominique Luperto juge celui-ci fort court. Plusieurs pouvoirs organisateurs communaux lui ont d’ailleurs déjà fait savoir qu’ils n’organiseraient pas la rentrée dès le 2 juin, mais progressivement à partir du 3 pour les 1re maternelles, le 4 pour les 2e et le 5 pour les 3e maternelles, avant une reprise générale des primaires prévue le 8.

Avec Belga