Vers une vaccination obligatoire pour tous ? L’idée fait débat
L’idée de l’obligation vaccinale pour l’ensemble de la population fait débat, au niveau politique et médical.
Les autorités se dirigent-elles vers la mise en place d’une vaccination obligatoire pour l’ensemble de la population ? À quelques heures du Comité de concertation qui se tient ce mercredi après-midi, Elio Di Rupo et Rudi Vervoort ont notamment confirmé que le débat sera sur la table, bien qu’une réelle décision ne serait pas à attendre aujourd’hui. Car le gouvernement fédéral reste divisé sur la question.
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Largement favorables, on retrouve le PS, dont le président estime que “la vaccination obligatoire est la seule solution cohérente“, indiquait Paul Magnette ce mardi à SudInfo. Le Carolo est rejoint par les socialistes flamands de Vooruit, en la personne du ministre de la Santé, Frank Vandenbroucke, qui a indiqué sur VTM que “le débat sur la vaccination obligatoire doit commencer (…) il n’y a pas de temps à perdre“. Les socialistes sont rejoints, sur ce point, par le CD&V (“Je n’exclus plus la vaccination obligatoire“, avait déclaré fin octobre la ministre de l’Intérieur, Annelies Verlinden, à La Libre) et Groen (la vice-première ministre Petra De Sutter a appelé sur Radio 1, lundi, à ouvrir le débat afin d’éviter une “dichotomie dans la société“).
On retrouve néanmoins des positions moins claires chez Ecolo, dont le vice-premier ministre Georges Gilkinet indiquait au Soir “ne pas [être] en faveur d’une division de notre société (…) Si on parle de vaccination obligatoire des adultes, je suis en faveur d’une décision claire, éclairée par les avis scientifiques utiles et transparents pour tout le monde“. Quant au MR, il n’existe pour l’heure pas de position officielle des libéraux francophones sur la question, bien que “comme l’a dit Sophie Wilmès, on peut discuter de tout. Mais c’est vrai que nous, philosophiquement, on a toujours eu une réserve à rendre obligatoire [la vaccination] et à ne pas laisser la liberté de choix“, nous indiquait dans Toujours + d’Actu David Leisterh, président du MR bruxellois.
Extrait d’interview de David Leisterh, président du MR bruxellois, dans Toujours + d’Actu
Seule réelle voie dissidente au sein du gouvernement : celle du Premier Ministre Alexander De Croo (Open VLD), qui réaffirmait ce mardi que la mesure serait impossible à mettre en oeuvre.
Au sein de l’opposition fédérale, enfin, on retrouve un rejet clair du PTB (“Nous sommes contre“, indique Raoul Hedebouw, chef de groupe à la Chambre, à La Libre) et de DéFI (“Cela nous amènerait dans une société trop coercitive dans un moment où les clivages sont de plus en plus violents“, affirme le président amarante François De Smet à nos confrères), et une ouverture de la part du CDH (“Il faut ouvrir le débat sans tabou” explique Maxime Prévot, le président humaniste, à la RTBF) et de la N-VA (Bart De Wever a notamment indiqué au Morgen qu’l est “hypocrite” selon lui de ne pas oser débattre de l’obligation vaccinale).
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Les médecins de l’ABSYM majoritairement en faveur
Du côté médical, plusieurs voix s’élèvent également pour plaider en faveur d’une vaccination obligatoire. Interrogé sur DH Radio, l’infectiologue Nathan Clumeck (CHU Saint-Pierre) a notamment appelé à une obligation vaccinale : “Je pense qu’il est temps d’envisager la vaccination obligatoire. Le débat est mûr. En Belgique, les décisions prennent du temps, sans doute plusieurs mois. Si on va vers l’obligation vaccinale, ce sera pour la prochaine vague“, explique-t-il au micro de nos confrères. . Une position que l’expert a également reconfirmée à notre rédaction, ce mercredi.
Sur ce point, l’infectiologue rejoint également l’avis des fédérations hospitalières. Dans un communiqué de presse conjoint, les fédérations Gibbis, Santhea, Unessa et Zorgnet-Icuro appelaient lundi à envisager la vaccination obligatoire. “Les coupoles hospitalières demandent également d’envisager la vaccination obligatoire de l’ensemble de la population et de ne plus repousser le débat sociétal en la matière“, expliquaient-ils notamment.
Du côté de l’ABSYM, l’association belge des syndicats médicaux, près de 74,5% des médecins en faisant partie ont indiqué être en faveur d’une vaccination obligatoire, selon un rapport publié ce mardi. “Leurs arguments, c’est que, pour le moment, pour combattre le Covid, on a pas grand chose : les gestes barrières, le masque, qui sont très efficaces. Et on a la vaccination, car elle empêche assez bien la circulation du virus, puisque la charge virale, même si on est infecté et vacciné, est en principe moindre, dans la plupart des cas“, nous explique le Dr Luc Herry, président de l’ABSYM.
Quant à ceux qui s’y opposent, “c’est l’obligation qui les gênent d’une part, et ne pas mettre en lutte les gens qui désirent se faire vacciner et ceux qui ne le désirent pas pour telle ou telle raison“, ajoute-t-il.
Interview du Dr Luc Herry, président de l’ABSYM
Reste que certains experts médicaux sont en défaveur d’une vaccination obligatoire. “Dans le contexte actuel, ce serait une erreur, une arme à double tranchant (…) L’obligation entraînerait un clivage de la population“, estime notamment le professeur de Santé publique Yves Coppieters (ULB), interrogé mardi par L’Echo. Interviewé au mois de septembre par la RTBF, son collègue épidémiologiste Marius Gilbert estimait lui que l’obligation serait “une solution de facilité“. Tandis que Catherine Linard, géographe de la santé à l’UNamur évoquait hier chez nos confrères l’importance du débat, même si une obligation ne permettrait pas de changer la situation de quatrième vague actuelle.
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Quelles bases légales ?
Mais si la vaccination doit devenir obligatoire, à quelles bases légales pourrait-elle se référer ? Rappelons que, pour l’heure, seul un vaccin est obligatoire en Belgique pour toute la population : celui contre la polio, depuis 1967.
Aucun autre vaccin n’a jamais été rendu obligatoire pour tous les Belges. Si celui contre le Covid venait à le devenir, il faudrait évidemment faire attention à toute une série de points. “Pour adopter une obligation vaccinale, il faut répondre à plusieurs conditions : il faudrait adopter une loi au niveau du Parlement fédéral, il faudra justifier cette obligation en précisant quel est l’objectif poursuivi, et ensuite il y aura un test de proportionnalité à effectuer pour vérifier si le moyen utilisé (donc, l’obligation) permet d’atteindre l’objectif poursuivi par les autorités, et si c’est le moins attentatoire aux libertés. Là, il y a une question qui se pose, c’est de savoir si c’est le bon moyen, et en fonction de quelle justification est apportée“, nous explique Vanessa De Greef, chargée de recherche FNRS au Centre de Droit public de l’ULB et vice-présidente de la Ligue des Droits Humains.
“On a récemment reçu une confirmation par la Cour Européenne des Droits de l’Homme qu’une obligation vaccinale ne posait pas de problème par rapport à l’ingérence que cela peut créer dans le droit au respect à la vie privée. Il y avait en effet un recours qui avait été introduit, et on a une confirmation où elle dit vraiment qu’il y a ici un concept de solidarité sociale, qui fait que l’objectif étant de protéger la santé de tous les membres de la société, une telle obligation peut se justifier, y compris pour protéger les plus faibles qui ne peuvent pas, eux, être vaccinés“, ajoute-t-elle.
Interview de Vanessa De Greef, chargée de recherche FNRS au Centre de Droit public de l’ULB et vice-présidente de la Ligue des Droits Humains
ArBr – Photo : Belga (illustration)