Un rapport dénonce des pratiques de corruption au sein de la police fédérale

Dans une enquête interne, des membres de la police judiciaire dénoncent des situations relevant du manque d’éthique, voire de l’illégalité au sein de l’institution, affirment samedi Le Soir, Sudinfo et Het Nieuwsblad.

Cette enquête “Corespo Corruption DGJ” (pour “Corporate Responsability of Police”), a été produite par le service Intégrité, lui-même intégré au sein du commissariat général de la police fédérale. Près de 1.770 collaborateurs de la police judiciaire ont été sondés. Ses conclusions ont été remises à la direction du département dans le courant de l’été, ainsi qu’au commissaire général de la police fédérale, Eric Snoeck. Selon Le Soir, le rapport offre l’image d’une police perméable aux influences extérieures et insuffisamment encline à prendre le problème à bras-le-corps. La méthodologie de l’enquête a cependant été remise en cause par le commissaire général, raison pour laquelle elle n’a pas encore été rendue publique ou transmise aux syndicats.

Groen et N-VA demandent des auditions

Groen a demandé samedi à ce que des auditions avec les hauts responsables de la police et le ministre de l’Intérieur Bernard Quintin (MR) soient organisées à la Chambre, après ces révélations. Le parti écologiste flamand souhaite également savoir si, comme l’affirme un témoignage anonyme, un homme politique lié à une équipe de football locale aurait tenté d’exercer des pressions et de qui il s’agit. La N-VA, parti de la majorité Arizona, soutient cette demande.

Interrogé à la Chambre récemment, Bernard Quintin a indiqué avoir des doutes quant à la méthodologie et à la représentativité du rapport. “En plus de sa non-représentativité et de sa qualité discutable, quant à la forme, au contenu, au caractère scientifique, à l’expertise et aux standards professionnels, le rapport n’apporterait en substance aucune réponse à la question de recherche”, a ainsi répondu le ministre à une question du député Groen Matti Vandemaele. Il ressort du document que près de la moitié des enquêteurs s’inquiètent des influences, des pressions et des mensonges visant à orienter une enquête dans une certaine direction.

“Après avoir lu ce rapport, tous les voyants devraient être au rouge”, réagit samedi Matti Vandemaele. “Je veux entendre le ministre Quintin nous dire ce qu’il compte faire à ce sujet et pourquoi il n’a pas voulu partager ce rapport lorsque je le lui ai récemment demandé. Est-ce parce qu’il y est également question d’un homme politique qui voulait empêcher l’ouverture d’une enquête ? Cela ressemble fort à une tentative de dissimulation.” L’écologiste fait référence au témoignage anonyme d’un enquêteur concernant la demande d’un homme politique, lié à une équipe de football locale, de mettre fin à une enquête. “Les hommes politiques qui exercent une pression sur la police dans certaines affaires, ce sont des pratiques que l’on observe dans les régimes obscurs et dont il vaut mieux se tenir éloigné dans un État de droit démocratique.”

Pour Groen, les auditions avec le ministre Quintin et les hauts responsables de la police constituent le “strict minimum”. Si nécessaire, une commission d’enquête devra également être mise en place, estime le parti, selon qui il ne devrait pas être difficile de déterminer quel politicien a outrepassé ses fonctions. “Le rapport volumineux ne laisse aucun doute: une partie de nos agents se font manipuler et n’ont encore qu’une conscience très limitée de ce qui est acceptable ou non. Il s’agit là d’un problème démocratique dangereux: lorsque les services de police se corrompent, les fondements-mêmes de l’État de droit et de la démocratie sont remis en cause”, alerte encore le député Vandemaele. Il ajoute regretter que les milliers d’agents intègres doivent également subir les conséquences de ce rapport.

Cette demande d’auditions bénéficie du soutien de la N-VA, parti de la majorité. La députée Maaike De Vreese indique ainsi souhaiter entendre non seulement le commissaire général de la police fédérale, Eric Snoeck, mais aussi l’auteur du rapport. Elle demande également à pouvoir consulter le document. “Nous soutenons la demande du ministre en faveur d’un audit externe. Nous le demandons depuis longtemps. Les allégations contenues dans le rapport ne sont pas nouvelles. Nous ne pouvons pas les passer sous silence. Des mesures s’imposent.”

 “Le véritable scandale n’est pas le signalement, mais le silence qui l’entoure”

Les signalements de corruption ou d’ingérence par des inspecteurs de police restent trop souvent sans suite, dénonce dimanche l’ACV Politie. “Le véritable scandale n’est pas le signalement, mais le silence qui l’entoure”, estime le syndicat policier. La police fédérale a, elle, réagi en affirmant que le rapport présentait des lacunes sur le plan méthodologique, mais que toutes les recommandations avaient déjà été intégrées dans des plans d’action.

Parmi les constats, il y a celui selon lequel un répondant sur trois a déjà été confronté à la corruption ou à l’ingérence. “Ces chiffres ne prouvent pas que le milieu professionnel est corrompu, mais que nos collaborateurs sont vigilants. Le véritable problème est que leurs signalements finissent trop souvent dans un tiroir afin d’éviter toute +publicité négative+”, déplore Alain Peeters, porte-parole de l’ACV Politie.

Pour lui, le rapport met le doigt sur un constat douloureux: trois participants sur dix ont déclaré être insatisfaits du suivi des signalements. Il renvoie à cet égard au témoignage d’un enquêteur qui a déclaré qu’un homme politique lié à un club de football local avait exercé des pressions. “Lorsqu’un inspecteur signale une fuite vers le milieu de la drogue ou des pressions politiques dans un dossier, comme dans l’exemple du club de football, on l’envoie trop souvent balader. Pire encore : les lanceurs d’alerte sont considérés comme des “traîtres”, tandis que les coupables restent en place”, fustige le représentant du syndicat chrétien flamand.

Les policiers honnêtes restent dès lors dans l’ombre tant que la crainte d’une atteinte à l’image de la police est plus forte que la volonté de faire le ménage, analyse encore Alain Peeters.
L’ACV Politie soutient donc la demande d’auditions parlementaires sur le rapport, mais exige surtout des mesures concrètes de la part du ministre de l’Intérieur Bernard Quintin et des hauts responsables de la police.

Il faut aussi mettre en place une véritable protection des lanceurs d’alerte et un contrôle externe est nécessaire, plaide l’organisation syndicale. Elle se dit en faveur d’un changement de culture, dans le cadre duquel l’attention serait déjà portée, pendant la formation des cadres, sur le traitement correct des signalements de violations de l’intégrité. “Nous n’acceptons pas qu’un système défaillant ternisse l’image de milliers de policiers intègres et honnêtes. Il est grand temps d’agir : les responsables politiques doivent maintenant montrer s’ils choisissent l’étouffement ou l’État de droit”, conclut Alain Peeters.

Belga

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