Trafic de visas humanitaires : le “système Francken” unanimement condamné au parlement

Les députés ont, à l’exception de la N-VA, unanimement condamné mercredi le “système Francken” épinglé dans un rapport en ce qu’il a permis, en dehors de l’administration et des contrôles requis, l’ouverture d’un canal de migration opaque au départ de la Syrie.

Le rapport est “cinglant” pour celui qui se voulait “le chantre de la fermeté migratoire”, a estimé le député Georges Dallemagne (cdH).
Commandé par le successeur de Theo Francken à la tête du département de l’Asile et des Migrations, la ministre Open Vld Maggie De Block, ce rapport a mis au jour l’existence de procédures collectives de délivrance de visas humanitaires au départ du cabinet de l’ex-secrétaire d’Etat N-VA qui répondait à au moins treize intermédiaires particuliers, inconnus des autorités.

Contournant l’administration, ces procédures ont été mises sur pied sans effectuer les traditionnels contrôles d’identité permettant de garantir la sécurité publique et de mesurer la vulnérabilité des demandeurs. S’ils ont bien fait l’objet de contrôles OCAM et Sûreté, la Banque de données nationale générale de la police (BNG) n’a pas été consultée. Ces intermédiaires ne contrôlaient pas non plus la vulnérabilité des demandeurs au contraire de ce qu’avait effectué l’organisation Sant’Egidio lors d’opérations humanitaires précédentes.

Lire aussi : Theo Francken a ouvert un canal de migration opaque selon un rapport administratif

De 200 ans par an en 2014, le nombre de migrants passant par cette filière est passé à plus de 2.000 en 2018. Certains chiffres du rapport ont particulièrement interpellé les députés. Alors que les procédures classiques prévoient un enregistrement en Belgique des candidats qui sont accompagnés afin de demander la protection internationale, il n’en a rien été dans le cadre de ces procédures collectives de visas humanitaires.

Au total, la procédure concoctée par le cabinet Francken au départ de listes rédigées par des intermédiaires, a concerné 1.502 personnes parmi lesquelles 1.150 ont obtenu l’asile ou sont en bonne voie de l’obtenir. En revanche, 121 personnes qui ont obtenu le visa n’ont jamais demandé l’asile et ont disparu de la circulation. La députée Julie Fernandez (PS) s’en est inquiétée, se demandant notamment s’il s’agissait d’hommes, de femmes ou d’enfants.

Craintes pour la sécurité

Au-delà de la sécurité publique, elle craint aussi pour la sécurité de ces personnes. Cette crainte, elle la manifeste aussi à l’égard de 78 personnes qui ont obtenu un visa mais qui n’ont pas été le chercher. L’inquiétude est d’autant plus vive qu’il s’agit là de visas qui avaient été demandés par l’intermédiaire du conseiller communal malinois Melikan Kucam (N-VA) mis sous mandat d’arrêt pour trafic d’êtres humains, organisation criminelle, corruption passive et extorsion. 300 demandes de visas ont transité par lui. Moins de la moitié des personnes ayant obtenu un visa par son intermédiaire ont obtenu la protection internationale.

“Un système clientéliste”

Pour le député écologiste Wouter De Vriendt, c’est un “système clientéliste” que l’enquête administrative vient de mettre au jour. Les écologistes, les socialistes et le cdH demandent que Theo Francken soit à nouveau entendu. Pour l’ex-député N-VA Hendrik Vuye, avec ces chiffres, il apparaît que Theo Francken a “menti” sur toute la ligne et “manipulé la démocratie”. La demande de réentendre M. Francken sera formulée la semaine prochaine, un élu manquant au quorum cette semaine, et le seul élu N-VA présent en séance de commission, ayant quitté les lieux au moment où certains cherchaient à assurer le quorum.

Parmi les ex-partenaires de majorité de Theo Francken, on tombe des nues également même si pour Nahima Lanjri (CD&V), “le rapport confirme ce que nous craignions depuis des années”. Philippe Pivin (MR) s’est dit “interpellé par le grand nombre de personnes qui n’ont pas été enregistrées et qui sont passées par la Belgique pendant que dans d’autres salles du parlement, on s’attachait à renforcer la sécurité du territoire”. Katja Gabriëls (Open Vld) s’est réjouie que Maggie De Block ait mis fin au “système Francken”. Isolé, Koen Degroote (N-VA) a invité ses collègues à ne pas se muer en enquêteurs parlementaires ou judiciaires.

“Laisser faire la justice”

Réagissant après la réunion auprès de l’agence Belga, Theo Francken a appelé à “laisser faire la justice” et ne pas se laisser aller à “des petits jeux politiques”. Désormais député, l’ex-secrétaire d’État N-VA maintient la position qu’il a défendue devant ses collègues il y a quelques semaines : la nécessité d’agir au profit de la minorité chrétienne en danger dans la région. Il regrette que Maggie De Block et d’autres “utilisent ce dossier à des fins électorales”.

Avec Belga – Photo : Belga/Eric Lalmand

Partager l'article

13 mars 2019 - 19h05
Modifié le 13 mars 2019 - 19h47