PSG : le climatofootisme, l’édito de Fabrice Grosfilley
Ce mardi, Fabrice Grosfilley évoque dans son édito la polémique de la réponse de Kylian Mbappé et de son entraineur du PSG Christophe Galtier face à une question concernant le déplacement en train de leur plutôt qu’en jet privé pour un trajet Paris-Nantes.
« On a discuté pour savoir si on ne pouvait pas se déplacer en char à voile ». Une ironie condescendante, un fou rire irrespectueux, le Paris-Saint-Germain a fait ce lundi en conférence de presse la démonstration d’une évidente désinvolture face aux questions climatiques. La séquence est un modèle de ce qu’on appelle un bad buzz.
Cette séquence, vous l’avez probablement vue sur les réseaux sociaux où elle a été partagée des dizaines de milliers de fois. Christophe Galtier, l’entraîneur du Paris-Saint-Germain, répond à une interrogation sur un voyage Paris-Nantes que son équipe a effectué en jet privé alors que le TGV relie les deux villes en deux heures. Regard entendu vers Kylian Mbappé qui éclate de rire, et réponse pleine de mépris de l’entraîneur, “on a discuté avec la société qui s’occupe de nos déplacements pour pouvoir se déplacer en char à voile”.
Lorsque la presse insiste et se tourne vers Kylian Mbappé, l’attaquant répond qu’il ne pense rien et se lève. Fin de la blague et passons à autre chose. Sur son survêtement et sur le tee-shirt de l’entraîneur, bien visible, le logo du sponsor Qatar Airways. Alors, on ne dit pas que les clubs de football n’ont pas le droit de se déplacer en avion. Tout ce qui n’est pas interdit est autorisé. Et si l’empreinte carbone du PSG et des clubs de football en général n’est pas flatteuse, on peut s’interroger sur le Grand Prix de Francorchamps, et les sports automobiles en général, sur un grand concert qui rameute 100 000 personnes, sur le Tour de France et sa caravane publicitaire, etc.
Non, ce qui choque surtout, c’est la morgue affichée face à une question qui touche désormais à l’avenir de notre planète et aux conditions de vie de l’ensemble de l’espèce humaine. Galtier et Mbappé ont inventé le “climatofootisme”, une sorte de contraction du relativisme climatique et du “je m’en foutisme”. La Méditerranée brûle, le Pakistan disparaît sous les eaux, la mer se réchauffe, les glaciers fondent, tout cela est bien secondaire à côté d’un match du Paris-Saint-Germain. Galtier et Mbappé, en quelques secondes d’humour déplacé, ont indiqué à quel point leur vision du monde est étriquée. Un terrain de football de 90 mètres sur 120, les tribunes qui vont autour, les capitaux qu’on y investit et l’argent que cela ramène.
Le salaire de Mbappé, c’est 90 millions par an. Celui de Galtier : 10 millions. De quoi se construire quelques villas climatisées, à l’abri de toute montée des eaux, avec le hors-bord et la Ferrari qui vont avec. On est très loin du paysan pakistanais qui vient de tout perdre ou des peuples du Pacifique qui voient leurs îles disparaitre. Constat glaçant, sans mauvais jeu de mots. Dans le milieu du foot, et dans beaucoup d’autres milieux sans doute, la conscience climatique est inversement proportionnelle à l’épaisseur du portefeuille.
Un constat pour finir. Ce bad-buzz, c’est la question d’un journaliste politique qui le provoque. Parce que les journalistes sportifs, le nez sur leur sujet, n’ont sans doute pas vu le problème. Et ce sont les réseaux sociaux qui se sont indignés, la presse ne fait que suivre avec retard. Toute la question est maintenant de savoir si l’indignation peut déboucher sur quelque chose. Si un sponsor du foot osera débrancher la prise.
Sur le climat, ou sur les droits de l’homme et de la femme au Qatar, sur les 6 000 ouvriers qui seraient morts en y construisant des stades, sur les milliers d’autres qui n’ont pas été payés. Et sans aller aussi loin, sur les clubs de foot bien de chez nous qui éludent l’impôt, sur ceux qui tolèrent les chants racistes de leurs supporters, il y a beaucoup de raisons de s’indigner dans le football. Mais comme il y a aussi beaucoup d’argent et beaucoup de passion, notre indignation ne dure jamais longtemps. Il suffira de trois mots d’excuses et on passera à autre chose.
■ Un édito de Fabrice Grosfilley