Procès des attentats de Paris : la police belge mise sur la sellette

Depuis vendredi, 10 policiers belges sont entendus dans le cadre du procès des attentats de Paris. La première audition d’un enquêteur révèle des fautes commises dans le traitement du dossier de Brahim Abdeslam avant les attentats. Elles auraient été commises par la police locale et par la DR3, la brigade fédérale contre le terrorisme.

C’est par visioconférence que sont interrogés les 10 policiers belges dans le cadre du procès des attentats de Paris. Cette disposition doit leur permettre de préserver leur anonymat pour des questions de sécurité. Une disposition qui a provoqué une vague d’absentéisme parmi les accusés.

Durant 70 auditions, les policiers belges interviendront à visage découvert, mais pourront porter un masque buccal. Ils se présenteront sous leur nom de code en usage durant l’intervention et ne devront donc pas décliner leurs noms et prénoms, afin de protéger leur identité. Il s’agit là d’une requête du procureur fédéral belge Frédéric Van Leeuw, à laquelle le président de la cour d’assises spéciale de Paris, Jean-Louis Périès, a accédé vendredi dernier, malgré des débats houleux à ce propos tenus à huis clos en chambre du conseil avec des avocats de la défense et des parties civiles. Pour le procureur fédéral belge, l’anonymat des policiers belges était une condition sine qua non à leur participation au procès, tant pour assurer la sécurité de ces témoins que pour des raisons juridiques. Une loi belge de 2016, inspirée de la législation française, garantit en effet l’anonymat des unités spéciales et antiterroristes de la police fédérale belge. Les policiers antiterroristes français ont d’ailleurs témoigné à Paris sous couvert d’anonymat.

Pour les avocats de la défense, il s’agirait plutôt d’un moyen d’éviter les questions gênantes vu les erreurs dans l’enquête menée en Belgique. Vendredi, lors de la première audition d’un policier de la brigade antiterroriste de la police judiciaire fédérale, la DR3, les avocats sont revenus sur l’enquête concernant Brahim Abdeslam, le frère de Salah, qui s’est fait exploser à une terrasse de café.

Il y a eu des loupés dans les mois précédents les attentats. Certains mettent en cause la police locale de Molenbeek, d’autres la fédérale. En février 2015, c’est la police locale qui ouvre un dossier contre Brahim Abdeslam car il serait parti en Syrie. Il est contrôlé pour une infraction routière à son retour et les policiers mettent la main sur un document intitulé “la permission des parents pour faire le djihad”. Il est interrogé, mais sort libre.

Un manque de communication

Le policier fédéral dit ne pas avoir eu connaissance de ce fait avant le 14 novembre 2015. Mais la défense lui a rétorqué que son service était au courant avant. Plusieurs documents l’attestent. Pour l’avocate, Brahim Abdeslam aurait pu être arrêté avant les attentats. En mai 2015, un PV de la DR3 n’établit pas de lien entre Brahim et la Syrie. Un mois après, le Parquet classe l’affaire sans suite.

Or, la police de Molenbeek avait saisi le GSM de Brahim lors de son interpellation. La DR3 mettra 21 mois pour examiner son contenu, soit en novembre 2016. Elle verra alors qu’il était en contact avec Abdelhamid Abaaoud, le coordinateur des attentats du 13 novembre. L’enquêteur interrogé a reconnu que l’intérêt de saisir un téléphone était de l’analyser. Pour les avocats de la défense, les réponses des policiers sont évasives et montrent les fautes commises.

La police locale tout comme la fédérale ne souhaitent pas commenter une procédure toujours en cours. Les auditions des enquêteurs belges durent jusqu’au 9 décembre.

Vanessa Lhuillier avec Belga. Photo :BX1