Plus d’une centaine de réseaux criminels cartographiés en Belgique par Europol
L’agence européenne de police criminelle Europol a présenté vendredi la première cartographie européenne des réseaux jugés les plus dangereux. Plus d’une centaine de ces 821 réseaux transfrontaliers sont aussi actifs en Belgique, selon la ministre belge de l’Intérieur, Annelies Verlinden.
“Nous savons qui ils sont, comment ils s’organisent, quelles activités ils mènent, comment et où ils opèrent, avec quels autres réseaux criminels ils rivalisent, et quelles représailles ils commettent contre la police et la justice“, a assuré la directrice d’Europol, Catherine De Bolle, lors d’une conférence de presse à Bruxelles.
Elle estime que ces 821 réseaux dépassent les 25.000 membres, pour 112 nationalités différentes.
“Tous ces réseaux sont désormais inscrits sur le radar de la justice et de la police, et sous enquête au niveau national ou international“, a ajouté la Belge. Elle souligne l’apport des enquêtes sur les messageries cryptées ces derniers mois.
Le trafic de drogues et de migrants très représenté
La criminalité organisée se décline surtout en Belgique dans le trafic de drogues – cocaïne, drogues synthétiques, etc.-, mais aussi dans le trafic de migrants vers le Royaume-Uni, ainsi que la contrebande, en ligne ou non (comme les cigarettes). Le trafic d’êtres humains et les mariages gris figurent aussi parmi les activités des réseaux cartographiés dans le pays.
Des États voisins ont en outre averti la Belgique de l’activité sur son territoire de réseaux criminels pratiquant l’extorsion et le chantage sur des entreprises ou des petits commerces, surtout ceux disposant de cash comme des restaurants ou des night-shops, a détaillé Mme Verlinden. L’intimidation peut déboucher sur de la violence matérielle ou physique.
Une autre caractéristique des réseaux criminels actifs en Belgique est leur multinationalité. Il s’agit surtout de ressortissants belges et néerlandais, mais aussi albanais ou associés à d’autres pays des Balkans occidentaux, de Turquie, du Maroc, etc.
Ces données consolidées pour la première fois dans une cartographie commune aux 27 États membres de l’UE et à 17 autres pays associés seront utilisées intensément par les services de police et de justice, a assuré la ministre de l’Intérieur.
Certains actifs depuis plus de dix ans
“Les enquêtes et les opérations pourront maintenant se concentrer plus efficacement sur les réseaux criminels les plus menaçants et sur les individus les plus pertinents pour, à partir d’eux, démanteler le réseau entier“, selon Annelies Verlinden. Le blanchiment d’argent et le trafic d’armes seront aussi mieux appréhendés, grâce à une meilleure coopération transfrontière.
Au niveau européen, la moitié des réseaux identifiés sont actifs dans le trafic de drogue, nombre d’entre eux étant poly-criminels. Suivent la fraude (125 réseaux), le vol organisé (63), le trafic de migrants (48), etc.
L’un des points d’attention porte sur l’abus par les réseaux identifiés de structures commerciales légales, qui les maintiennent sous le radar: 86% d’entre eux infiltrent des entreprises – jusqu’au plus haut niveau – ou créent leur propre commerce légal dans l’UE pour masquer leurs activités ou blanchir leurs profits, selon Europol. C’est surtout le cas dans la construction, l’Horeca et la logistique, avec un blanchiment qui s’ensuit dans l’immobilier ou les secteurs à forte densité de cash.
“Ce travail montre aussi le haut niveau de résilience de ces réseaux, dont certains sont actifs depuis plus de dix ans, même quand leurs dirigeants ont été mis en prison“, a fait observer la commissaire européenne aux Affaires intérieures, Ylva Johansson.
Face à ces réseaux criminels, le ministre belge de la Justice, Paul Van Tigchelt, a insisté sur le projet d’un réseau de procureurs spécialisés, porté par la présidence belge du Conseil de l’UE. “Ils pourront utiliser cette cartographie pour mieux coordonner leur action à un niveau européen“.
Le commissaire européen à la Justice Didier Reynders a quant à lui mis l’accent sur la capacité de ces réseaux à menacer des ministres ou des juges, jusqu’au sein du nouveau Parquet européen. Comme ses prédécesseurs, il a largement détaillé les mesures et projets en cours pour contrer la criminalité transfrontière organisée. Ainsi, le futur réseau de procureurs spécialisés sera-t-il ancré à Eurojust, l’agence européenne de coopération judiciaire.
■ Paul Van Tigchelt, ministre de la Justice
Belga – Photo : Belga