“Nous n’avons plus de juges de paix, c’est un véritable drame. Le pouvoir politique doit prendre ses responsabilités”

Paul Dhaeyer, nouveau président du tribunal de première instance de Bruxelles, était l’invité de Fabrice Grosfilley dans Bonjour Bruxelles. 

Ancien président du tribunal de l’entreprise francophone de Bruxelles, Paul Dhaeyer prêtera serment dans ses nouvelles fonctions ce mardi 3 juin à 15h, même s’il est déjà en poste depuis plusieurs mois. Un nouveau défi, avec la prise en charge d’une grosse équipe ( une cohorte 160 magistrats)et des nouvelles matières radicalement différentes pour lui. “Le Tribunal de Première Instance Francophone c’est le tribunal de la vie quotidienne” glisse-t-il. 

Un manque criant de juges de paix et de greffiers 

Le TPI c’est un cas particulier. Le cadre théorique est complet. Mais j’ai évidemment des malades de longue durée. Et j’ai aussi 3 magistrats délégués à la Cour d’appel car elle souffre d’un manque criant de magistrats et ceux-ci ne sont pas remplacés. Il me manque surtout des greffiers car leur nombre est insuffisant par rapport à celui des magistrats. Et chez les juges de paix là c’est un drame car nous n’avons plus de juges de paix et le greffe y est même rempli à hauteur de seulement 30%. C’est un réel problème. Certaines justices de paix doivent parfois fermer“.  

Et de citer un exemple très concret. “La section jeunesse travaille avec des moyens totalement rudimentaires. Vous savez j’ai découvert qu’une collègue venait au boulot en boitant avec des béquilles. Elle travaillait depuis plusieurs semaines avec un bassin cassé. Car si elle ne venait pas bosser elle se demandait qui allait s’occuper de tous ces jeunes en danger. Et des exemples comme cela je peux n donner dans toutes les sections.

“Le pouvoir politique doit prendre ses responsabilités. Ce n’est pas un problème de vocation, c’est un problème d’accord politique.”

Néanmoins, les choses avancent. Renforcer les Chambres de comparution immédiate ? C’est fait. Renforcer le tribunal de la jeunesse ? Fait également insiste notre invité. 

Et que pense-t-il de l’idée de Julien Moinil, procureur du Roi à Bruxelles, d’une Chambre de la toxicomanie ? “Il a parfaitement raison. C’est une excellente idée car il s’agit d’accompagner non pas seulement les gens qui consomment de la drogue mais aussi les gens qui commettent des délits en raison de leur grande toxicomanie autrement que par la voie pénale classique. Le problème c’est qu’il manque 47 employés administratifs au parquet et des greffiers au tribunal. Et par ailleurs il manque des moyens dans les maisons de justice dans chaque communauté linguistique pour suivre ces dossiers. Mais on travaille d’arrache pied pour préparer ce dispositif. Dès qu’on aura les moyens ce sera prêt.

On a été demandé quelques moyens au ministre de la justice. C’est pas grand chose. Les magistrats gèrent avec très peu de moyens. Il est du devoir des exécutifs d’exécuter les lois qu’ils votent et donc de fournir les moyens nécessaires pour que ca fonctionne. Le parcours de réintégration est prévu par le nouveau code pénal. Mettre les toxicomanes en prison, ça ne marche pas.

La justice protège-t-elle la police ?

Un accident à Ganshoren impliquant un véhicule de police et un jeune roulant en trottinette s’est déroulé lundi soir. L’enquête a été confié au Comité P. Ce fait tragique, le jeune est décédé, relance certaines polémiques. Que donnera réellement cette enquête ? Les magistrats sont-ils du côté des policiers ? “Je m’inscris totalement en faux par rapport à cette idée. C’est exactement l’inverse. J’ai été dans le passé substitut au parquet de Bruxelles et l’un des magistrats en charge des dossiers du Comité P. On n’est pas injuste avec la police mais on est particulièrement attentifs à ces dossiers parce quel a police, comme les magistrats, doit avoir une attitude exemplaire. On ne se protège pas les uns les autres. Nous sommes effectivement sévères avec la police lorsqu’elle commet des infractions. Mais je rappelle que tout policier a également les mêmes droits de la défense que tout citoyen et bénéficie de la même présomption d’innocence. Il ne faut pas non plus tomber dans l’excès d’inverse“. 

“Il y a un ras-le-bol dans la magistrature pour ce mépris depuis 30 ans”

 Depuis plusieurs semaines, un mouvement de grogne des magistrats s’est mis en branle avec différentes actions et des rencontres avec le Ministre des Pensions Jan Jambon. Est-il solidaire de ce mouvement ? 

Les magistrats ne font pas grève au sens ou l’on l’entend. Ils ont exprimé leur mécontentement. Et de manière rationnelle. Il y a des actions très ciblées menées dans certaine sections. Le but était d’attirer enfin l’attention du politique. Pas tellement sur la question des pensions des magistrats, qui est un problème d’accord de gouvernement et donc un problème d’attractivité pour attirer des gens de haut niveau, ça c’est le problème du salaire global. Mais il y a surtout un ras-le-bol général car la magistrature est définancée“.

Je ne comprends pas l’attitude des différends gouvernements depuis plusieurs années car la justice rapporte des sous, permet à l’Etat de fonctionner et donc assure la justice sociale. C’est un bien mauvais calcul que de vouloir faire des économies sur la justice”. 

Terrorisme à Bruxelles : une situation enfin stabilisée ?

Un rapport français sur l’islamisation de la société a récemment défrayé la chronique chez nos voisins français. Quid en Belgique ? 

Il ne faut pas tout mélanger. Radicalisation et islamisation, ce n’est pas la même chose même s’il y a des liens, plus on est radicalisé, plus il y a des risques de passage à l’acte. Il faut être vigilant car les guerres au Moyen-Orient finissent toujours par nous revenir comme des boomerangs. Mais pour ca il faut que les services de renseignement disposent des moyens de fournir ces renseignements et que les tribunaux possèdent les moyens de juger ces dossiers. Mais je rassure les citoyens, nous ferons ce qu’il faut pour les juger. Mon message aux politiques est de ne pas toujours parier sur l’extraordinaire bonne foi des magistrats pour faire leur boulot, il faudra aussi tenir un jour des conditions de travail des uns et des autres“.

Ecouter l’interview en intégralité de Paul Dhaeyer, nouveau président du tribunal de première instance de Bruxelles, dans Bonjour Bruxelles.  

Romuald La Morté

BX1
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