Nethys : que va devenir Brutélé ? Une proposition de rachat examinée ce mardi

La vente de Voo par le groupe Nethys a des conséquences sur le cablo-distributeur Brutélé. Une réunion des négociateurs de la vente de Brutélé a lieu ce mardi soir et sera suivie d’un conseil d’administration. Les communes bruxelloises font bloc et certains bourgmestres ont interpellé Brutélé afin d’obtenir tous les documents nécessaires à une prise de décision en toute connaissance de cause.

Brutélé et Voo, c’est un peu les deux côtés d’une même pièce. La vente de Voo par Nethys au fonds de pension américain Providence a des conséquences sur l’intercommunale Brutélé. Et comme chez Enodia, personne chez Brutélé n’était au courant de cette transaction avant les révélations du journal Le Soir.

Pour rappel, Brutélé est une intercommunale composée de 30 communes dont 6 bruxelloises (Ixelles, Auderghem, Saint-Gilles, Evere, Woluwe-St-Pierre et Uccle). Avec Voo, elle compose le pôle télécoms de Nethys, estimé à 1,5 milliard d’euros.

En avril dernier, les communes s’étaient mises d’accord pour vendre leurs parts de Brutélé. “Il va y avoir des investissements conséquents à réaliser sur le réseau pour rester concurrentiel et nous pensons que ce n’est plus le rôle de pouvoirs publics, explique le bourgmestre de Woluwe-St-Pierre, Benoît Cerexhe (cdH). Ce n’est plus une mission d’intérêt public et nous voyons bien que le fonctionnement en intercommunale n’est pas l’idéal.”

Les bourgmestres bruxellois se sont donc concertés en début d’année afin de s’entendre sur la vente. Cette décision était dans l’air depuis de nombreuses années mais les sensibilités des différents partis avaient joué en faveur du statu quo. De plus, les communes wallonnes ne souhaitaient pas revendre leurs parts. Or, la décision doit être prise à l’unanimité.

“Aujourd’hui, c’est chose faite mais nous voyons bien que tout n’est pas encore transparent dans cette affaire, ajoute le bourgmestre d’Auderghem Didier Gosuin (DéFi). J’ai demandé en tant que bourgmestre dont la commune est actionnaire d’avoir accès à l’ensemble du dossier. Brutélé ne peut être opaque. Aujourd’hui Nethys a doublé Enodia en faisant cette promesse de vente à Providence. Stéphane Moreau s’est opposé à cette vente pendant 15 ans et maintenant, il veut que tout soit réglé pour le 24 octobre. Sinon, sa vente tombe à l’eau.”

Les bourgmestres relèvent de multiples incohérences dans ce dossier. La première est le manque de valorisation financière pour Brutélé. Les estimations ont visiblement été faites par le bureau PwC qui travaille pour Nethys et pour Enodia. “Il n’avait donc pas intérêt à valoriser Brutélé, nous explique-t-on en coulisses. Seulement, pour les communes, cela représente pas mal d’argent et il est hors de question qu’elles ne perçoivent pas le juste prix simplement pour que Stéphane Moreau ait un poste d’administrateur délégué dans une belle structure bien rentable ensuite.”

Les enchères sont lancées

Ce mardi 17 septembre, deux réunions importantes auront lieu chez Brutélé. Dans un premier temps, un représentant de chaque parti politique examinera la proposition de rachat de Brutélé par Enodia. On parle d’un montant de 250 millions mais certains estiment que cela n’est pas assez. Cette réunion était prévue de longue date dans le cadre du mandat accordé aux négociateurs pour vendre Brutélé. Seulement, les choses s’emballent.

Enodia n’est plus en position de force. “Il est vrai qu’il était plus simple de vendre à Enodia vu les synergies entre Voo et Brutélé, confie un administrateur. Cependant, il est possible de vendre à quelqu’un d’autre. Comme maintenant Stéphane Moreau est pressé de vendre, les communes vont pouvoir faire monter les enchères si elles le souhaitent.”

À Orange ou à Telenet? En tout cas, Telenet qui a été évincé dans la course au rachat de Voo, a affirmé ce mardi après-midi, vouloir faire une nouvelle proposition de rachat pour Brutélé.

Du côté des communes, on regarde cela de manière très attentive car le montant qu’elles pourraient percevoir avoisinerait les 10 millions d’euros. “Cela dépend de l’investissement de départ et du nombre d’abonnés mais on parle en tout cas de pas mal d’argent”, reconnaît un administrateur. Par contre, le futur acheteur devra d’abord attendre qu’Uccle vende son réseau à Brutélé pour pouvoir conclure la transaction. Lorsque les communes ont vendu leur réseau voici une quinzaine d’années, Uccle est restée propriétaire et touche une rente annuelle de la part de Brutélé. Pour liquider les actifs, elle doit donc céder son réseau.

La tutelle comme dernier rempart

En tout cas, quel que soit le parti politique, le message est identique. Les communes ne doivent pas pâtir de la vente de Brutélé. Elles demandent toutes une évaluation par un organisme indépendant. Elles tournent aussi leur regard vers la tutelle qui pourra déterminer si la vente de Voo par Nethys au fonds de pension est légale. “Aujourd’hui, l’intercommunale est sous la tutelle de Wallonie et il me semble sage d’attendre sa décision”, commente le bourgmestre de Saint-Gilles, Charles Picqué (PS) qui souhaite une valorisation de l’actif. “Nethys a mis la charrue avant les bœufs, conclut une administratrice. Comment Nethys a pu vendre quelque chose qui ne lui appartient pas ? Y-a-t-il eu un appel à candidature ? Nous n’en savons rien.”

Pour le moment, personne ne sait quand la tutelle rendra son avis mais du côté des communes bruxelloises, on le répète : il est impossible que tout soit réglé pour le 24 octobre. “Le conseil communal doit se prononcer sur la vente de Brutélé, ajoute Didier Gosuin. Je ne présenterai pas un dossier sans des garanties concernant l’emploi chez Brutélé, surtout que la moitié du personnel est statutaire. Et je ne convoquerai pas de conseil communal extraordinaire pour Brutélé.”

Vanessa Lhuillier – Photo: