L’intelligence artificielle, une opportunité pour les universités et les entreprises bruxelloises

Ces lundi et mardi, Paris accueille le 3ᵉ sommet international consacré à l’intelligence artificielle. Avec ChatGPT pour les Etats-Unis et DeepSeek pour la Chine, l’Europe fait figure de Petit Poucet dans ce domaine. Alors qu’en est-il de la Belgique et de la Région bruxelloise en particulier ? Peut-on se faire une place dans le domaine de l’IA ? En tout cas, les pouvoirs publics ont décidé de tout mettre en place pour ne pas passer à côté de ce qu’on qualifie déjà de 4ᵉ révolution industrielle.

Les Etats-Unis et la Chine ont six longueurs d’avance, mais ce n’est pas pour cela qu’il ne faut pas monter dans le train. Tel pourrait être l’état d’esprit des dirigeants européens face à l’intelligence artificielle et à des programmes tels que ceux développés par Open IA et son célèbre ChatGPT. Dimanche, à la veille du 3ᵉ sommet international sur l’IA, le président français, Emmanuel Macron, a annoncé un investissement de 109 milliards d’euros par son pays grâce à des fonds américains, canadiens, aux Emirats arabes unis ou encore des entreprises françaises comme Thalès. La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen a également fait part d’un investissement européen supplémentaire de 200 milliards d’euros dans les prochaines années afin de contrer l’hégémonie des deux principaux acteurs mondiaux.

Cependant, ces montants semblent bien dérisoires face au géant américain qui souhaite investir 500 milliards de dollars. En 2024, le chiffre d’affaires généré par l’IA se montait à 184 milliards de dollars. Il pourrait atteindre les 1.000 milliards selon certaines projections à l’horizon 2030.

Pas question de passer à côté pour l’Europe. “Avec l’arrivée de Trump et surtout la prise de contrôle d’Elon Musk, nous devons nous poser des questions qui nous semblaient impensables il y a quelques mois, explique Laurent Hublet, fondateur de BeCentral.  Si Elon Musk prend le contrôle de ChatGPT, quels seront les garde-fous ? Quelles réponses donnera l’IA ? Quelle sera notre indépendance technologique ? La concentration des richesses chez quelques personnes peut engendrer ce manque de concurrence. Un des premiers éléments est ainsi l’accès à une énergie décarbonée bon marché pour permettre aux entreprises de développer l’IA. C’est une technologie très gourmande en énergie. Il faut créer des unités de calcul à côté des centrales nucléaires.”

Bruxelles, terre d’universités

Evidemment, ces unités ne seront pas dans la capitale, mais ce n’est pas pour cela qu’elle ne peut pas tirer son épingle du jeu. La Région bruxelloise fait partie intégrante du programme fédéral AI4Belgium, lancé en 2019 et qui regroupe les trois Régions, avec son volet DigitYser. A cela s’ajoute d’autres acteurs comme DigitalCity, NextTech ou le pôle emploi formation des métiers du numérique. Plusieurs appels à projet pour aider les entreprises à intégrer l’intelligence dans leur pratique sont lancés régulièrement par l’agence régionale Innoviris.

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Des communes ont aussi été pionnières dans l’utilisation de l’IA. C’est notamment le cas de Woluwe-Saint-Pierre qui a mis en place un chatbot pour ses citoyens. Ils peuvent poser les questions à l’administration en ligne.

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Mais surtout, depuis longtemps, Bruxelles est une terre de recherches universitaires. La VUB et l’ULB possèdent toutes les deux des laboratoires à la pointe en matière d’intelligence artificielle. Des grands chercheurs reconnus mondialement se trouvent dans la capitale, notamment au Machine Learning Group de l’ULB. Il y a aussi des entreprises privées et même le public qui souhaitent investir dans ce domaine.

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Une opportunité en termes d’emploi

Pour la Belgique, le SPF Economie estime que l’IA va permettre la création nette de 200.000 emplois en 2030. Quelque 235.000 postes devraient disparaître, 400.000 muteront, ce qui représente environ 310.000 personnes à convertir. Le défi est de taille. “Cela concerne tous les métiers, ajoute Laurent Hublet. La diversité de formation est aussi importante et il ne faut pas que des ingénieurs. Je pense que nous pourrons relever ce défi. Cependant, ce n’est pas la Belgique seule qui pourra le faire. L’Europe doit être unie. J’aurais aimé qu’Emmanuel Macron fasse son sommet à Bruxelles, pour le symbole.” 

Aujourd’hui, 1 Belge sur 5 pense que l’intelligence artificielle aura un impact sur son emploi. Evidemment, toutes les entreprises n’ont pas besoin de l’IA, mais elle se glisse parfois dans des applications très basiques. Par exemple, les articles que Google actu proposent sont personnalisés en fonction des précédentes recherches de l’utilisateur. C’est de l’IA.

Selon le SPF Economie, ce sont surtout les domaines encore peu numérisés comme l’enseignement, les soins de santé ou les services qui seront les plus touchés par l’intelligence artificielle. Or, à Bruxelles, ces secteurs occupent près de 80% des travailleurs. La transition risque d’être compliquée pour certains. Des emplois seront détruits, d’autres créés comme à chaque révolution industrielle. Reste à faire en sorte de ne pas reproduire les erreurs de la fin de l’industrie textile ou du charbonnage.

Vanessa Lhuillier – Photo: Belga/Nicolas Maeterlinck