“Les prisons ont été conçues par et pour les hommes, les besoins spécifiques des femmes ne sont pas pris en considération”

Le Conseil central de surveillance pénitentiaire (CCSP) a épinglé mardi lors de la présentation de son rapport annuel 2022 l’impact de la surpopulation carcérale sur les droits des personnes détenues. Selon l’organe de contrôle, en 2022, la population pénitentiaire a atteint des sommets jamais franchis jusqu’ici dans les prisons belges. Le nombre moyen de personnes détenues dans les 35 prisons surveillées était l’an dernier de 11.302, tandis que la capacité moyenne des prisons est de 9.641 personnes. Le taux moyen de surpopulation atteignait donc les 17%. Cette surpopulation affecte gravement les conditions de détention, porte atteinte à la dignité et aux droits des personnes détenues, pointe le CCSP.

 

► Lire aussi | Le SLFP annonce une grève de 48 heures dans toutes les prisons le 24 septembre

 

Mais il est rare très rare d’avoir des études sur les femmes. “Elles représentent une minorité en prison”, explique Marion Guémas, de l’ASBL I-Care, qui a publié son rapport Parle avec elles : quand des femmes détenues se racontent en prison. “En Belgique, c’est entre 4 et 5 % de la population carcérale, un peu moins de 500 femmes. Les prisons, historiquement, elles ont été conçues par et pour des hommes. Finalement, ces femmes, on les incarcère, mais sans vraiment se soucier de leurs besoins et parce qu’elles sont moins minoritaires on considère que leurs besoins sont peut être moins pressants. Il y a moins d’études et donc finalement, leurs besoins spécifiques ne seront absolument pas examinés et les conditions de détention pas adaptées.”

 

La population pénitentiaire a atteint des sommets en 2022

S’appuyant sur les observations faites par les commissions de surveillance, le Conseil cite les conditions matérielles indignes, parmi lesquelles les matelas au sol au nombre de 82 à 248 dans les prisons surveillées, le manque d’intimité et d’hygiène, la réduction du temps passé à l’air libre ou encore l’accès restreint aux soins médicaux.  Il évoque aussi l’insécurité, la difficulté de maintenir des contacts avec l’extérieur, la réinsertion rendue plus compliquée, l’aggravation des problèmes psychologiques, ainsi que l’augmentation des suicides et tentatives de suicide. Le CCSP souligne par ailleurs la pression exercée sur le personnel pénitentiaire, soumis à un plus grand niveau de stress et à une promiscuité plus importante. La majorité des établissements souffrent en outre d’une pénurie d’effectifs. Les commissions ont par conséquent relevé une forte augmentation des grèves du personnel pénitentiaire. Ainsi, 32 journées de grève ont été organisées en 2022.

L’institution, mise en place au printemps 2019, déplore à ce propos qu’il n’y ait pas de service minimum garanti lors de ces mouvements de grève. Ceux-ci ont un impact sur les conditions de détention, puisqu’ils impliquent la suppression des visites, des entretiens avec le service psychosocial et des activités notamment, explique-t-elle. Le rapport se penche également sur le droit de plainte. Depuis 2020, les personnes détenues peuvent porter plainte à l’encontre de certaines décisions les concernant. En 2022, 2.394 dossiers de plainte ont été ouverts, soit environ un tiers de plus qu’en 2021.

Les plaintes déclarées fondées représentaient environ 27% des dossiers clôturés. Elles étaient principalement dirigées contre les décisions disciplinaires, les mesures de sécurité particulières, les refus de visite, les décisions relatives au travail et les fouilles au corps.

En conclusion, le Conseil central de surveillance pénitentiaire fait remarquer que si la criminalité diminue, le recours à la prison ne cesse pourtant de croître. “Alors que nous nous sommes dotés de tant d’autres moyens pour sanctionner et que nous disposons aussi de nombre d’autres moyens pour garder un contrôle sur ceux qui doivent tôt ou tard comparaître en justice pour des infractions qui leur sont reprochées, le recours à la prison apparaît hélas toujours le moyen le plus utilisé“, a déploré le président du CCSP, Marc Nève. L’institution recommande de prendre des mesures appropriées et suffisantes pour mesurer et contrôler la croissance de la population carcérale et garantir des conditions de détention humaines et dignes aux personnes privées de liberté, sans pour autant augmenter la capacité carcérale existante. Il demande aussi que des mesures soient prises en concertation avec les acteurs concernés pour encourager le recours aux sanctions non-privatives de liberté. Il plaide enfin pour une sensibilisation des juges et des procureurs au rôle qu’ils ont à jouer dans la surpopulation carcérale.