Les groupes Rossel et IPM annoncent la signature d’un protocole de fusion
Les groupes de presse Rossel et IPM ont annoncé lundi, via un communiqué commun, la signature d’un protocole de fusion de leurs activités. La holding de la famille le Hodey, propriétaire notamment de La Libre Belgique et de La DH, entrera à hauteur de 10% dans le capital du groupe Rossel par l’apport de ses activités presse. Rossel reprendra les activités de presse écrite du groupe IPM. L’opération reste soumise à l’approbation de l’Autorité belge de la concurrence.
Les deux groupes présentent ce rapprochement comme “indispensable” pour garantir la pérennité d’un journalisme professionnel et indépendant en Belgique francophone. “Cette intégration est une réponse pragmatique, volontariste et ambitieuse face aux nouveaux modes de consommation de l’information dominés par les réseaux sociaux, ainsi que face à la révolution de l’intelligence artificielle“, expliquent-ils.
■ Explications d’Emilie Vanhemelen dans Bonjour Bruxelles
Le nouveau groupe sera structuré en trois pôles distincts : un pôle au sein de Rossel autour du Soir, un pôle IPM Presse autour de La Libre Belgique, La DH et le magazine Moustique, et un nouveau pôle régional wallon rassemblé autour du groupe Sudmedia, avec L’Avenir et Sudinfo. Interrogés par L’Echo, Bernard Marchant (Rossel) et François Le Hodey (IPM) assurent que toutes les éditions locales de L’Avenir et Sudinfo seront préservées, malgré certains doublons géographiques.
Economies
L’objectif de ce projet de fusion reste néanmoins de faire des économies. IPM et Rossel affirment que ce modèle repose sur la conviction que le pluralisme est une richesse et qu’il est économiquement vertueux. “Seule une offre éditoriale différenciée permettra de toucher l’ensemble des publics, dans leur diversité culturelle, sociale, politique et géographique“, poursuivent-ils. “L’union de ces deux groupes familiaux permettra de garantir à long terme une presse pluraliste, indépendante et accessible à tous.”
L’activité audiovisuelle d’IPM, à savoir Fun Radio et LN24, n’est pas concernée par cette fusion avec le groupe Rossel.
L’AJP et les syndicats réclament des éclaircissement
L’Association des journalistes professionnels (AJP), les délégations syndicales, les Sociétés de journalistes de La Libre Belgique, Le Soir et L’Avenir, ainsi que la coopérative Notre Avenir ont réclamé lundi des éclaircissements. Ces acteurs demandent une rencontre rapide avec les directions afin d’obtenir des garanties sur l’indépendance des titres.
Les signataires appellent notamment l’Autorité belge de la concurrence à instaurer des garde-fous pour empêcher toute nouvelle synergie rédactionnelle. “Ce n’est pas seulement la survie des entreprises et de l’emploi qui est en jeu, mais l’accès à une information diversifiée, de qualité et respectueuse de la déontologie“, alertent-ils. Syndicats et représentants du secteur s’inquiètent également des impacts concrets de cette fusion à court et moyen termes sur l’emploi, tant pour les salariés que pour les indépendants. Ils demandent des engagements clairs en matière d’innovation, de négociations avec les acteurs technologiques, et de développement de modèles économiques viables dans un environnement bouleversé par l’intelligence artificielle.
“Les éditeurs présentent leur regroupement comme la seule voie de survie, mais après 25 ans de transition numérique, nous constatons que le modèle économique reste encore largement tributaire du papier et peine à répondre pleinement aux enjeux présents et à venir.”
Enfin, l’AJP et les syndicats pointent la responsabilité des responsables politiques, qu’ils accusent d’avoir supprimé “avec une légèreté déconcertante” la concession bpost pour la distribution des journaux, tout en restant passifs face à la domination croissante des Gafam (Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft).
Face à un “tsunami pour le pluralisme des médias”, le PS demande un débat démocratique
La fusion officialisée entre les groupes de presse IPM et Rossel constitue “un véritable tsunami dans le paysage médiatique francophone”, estime le PS qui demande qu’un débat démocratique soit mené sur le sujet au parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles (FWB).
“Les représentants des personnels et de plusieurs rédactions, ainsi que l’Association des journalistes professionnels, avaient exprimé ces dernières semaines de vives inquiétudes face à un possible rapprochement. On est ici un cran plus loin encore que ce qui avait été anticipé“, souligne le parti sans pour autant nier les “difficultés structurelles auxquelles sont confrontés les médias”. “Réduire cette opération à sa seule dimension économique est inacceptable. La presse et les médias, régulièrement qualifiés de 4e pouvoir, jouent un rôle trop fondamental dans une démocratie pour qu’une telle concentration se déroule sans débat public approfondi“, poursuit Martin Casier, le chef du groupe PS au parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles.
“Ce coup de tonnerre vient s’ajouter à ceux donnés par le MR de supprimer des télévisions locales, et de couper dans les budgets de la RTBF. C’est la diversité de l’information qui est directement menacée. Concentrer le pouvoir médiatique, c’est uniformiser les voix, raréfier les opinions différentes. Limiter la nuance et les analyses“, renchérit, sur X, la cheffe de groupe du PS au parlement wallon, Christie Morrerale. Pour les socialistes, c’est clair: “il faut un véritable débat démocratique sur cet enjeu, pas seulement un avis des autorités en charge de la concurrence“.
Des auditions parlementaires ont d’ailleurs été officiellement demandées. La question sera discutée ce jeudi en Conférence des Présidents du parlement de la FWB. “Vu l’enjeu démocratique”, le PS espère enfin que toutes les formations politiques soutiendront cette démarche, “afin que les auditions puissent être organisées rapidement”. “Il faut entendre tous les acteurs concernés sur les conditions nécessaires pour garantir le maintien de l’emploi, la liberté de la presse et le pluralisme des médias. Et le monde politique devra prendre ses responsabilités si de nouvelles formes de soutien aux médias sont nécessaires pour garantir ces principes essentiels“, conclut le parti.
Pour Ecolo, “la menace sur un des piliers de notre démocratie est réelle”
“La menace sur un des piliers de notre démocratie est réelle. Les gouvernements doivent rencontrer les parties prenantes afin de définir comment les pouvoirs publics peuvent soutenir la meilleure option pour un réel pluralisme des médias“, a réagi Ecolo.
“Le pluralisme des médias et l’indépendance de la presse sont des piliers dans une démocratie. D’autant plus lorsque celle-ci est attaquée de toute part“, ont souligné les Verts. “L’indépendance éditoriale doit également être garantie vis-à-vis des propriétaires des médias. En ce sens, des rédactions autonomes pour chaque titre existant aujourd’hui sur notre territoire doivent continuer d’exister malgré la fusion annoncée“, ont-ils insisté.
“Depuis des mois, Ecolo attire l’attention de la ministre des Médias en Fédération Wallonie-Bruxelles Jacqueline Galant sur la situation difficile que connaissent nos médias non seulement à cause de la concurrence des Gafam, mais aussi par la fin du soutien du gouvernement fédéral pour distribuer les journaux papier“, a par ailleurs rappelé Ecolo. “La menace sur un des piliers de notre démocratie est réelle. Devant le projet de fusion des groupes de presse, les gouvernements ne peuvent rester au balcon. Ils doivent rencontrer les parties prenantes afin de définir comment les pouvoirs publics peuvent soutenir la meilleure option pour un réel pluralisme des médias et pour l’emploi. Ils doivent agir“, a enfin exhorté le parti.
Belga