Les acteurs de l’école s’impatientent d’y voir plus clair sur l’avenir du tronc commun
Les vacances, c’est (presque) fini. Élèves et enseignants vont reprendre la semaine prochaine dans une certaine fébrilité le chemin de l’école pour une nouvelle année scolaire. Et les syndicats des enseignants avertissent déjà, “il y aura des actions”.
Pour les acteurs institutionnels de l’école, c’est plutôt l’impatience, voire l’inquiétude, qui dominent à l’occasion de cette rentrée et après une première année de législature MR-Engagés passablement chahutée. Après l’annonce de la fin de la nomination des profs, il y a eu les remous autour des mesures d’économies dans l’enseignement qualifiant. Et au printemps dernier l’idée controversée de la ministre de l’Education Valérie Glatigny (MR) de mettre “sur pause” l’allongement du nouveau tronc commun polytechnique vers la 3e secondaire, prévu normalement pour 2028. A la mi-mai, la libérale avait sondé le monde de l’école sur le sujet lors d’une “mise au vert” à Bruxelles. Mais depuis lors, plus rien alors que l’horloge continue inexorablement de tourner.
“On n’a toujours pas d’information à ce stade”, se lamente un acteur. “On attend. Et on attend surtout des textes!“, se désespère un autre. Depuis des mois, pouvoirs organisateurs, directions d’écoles et enseignants préparent en effet cet allongement: il y a des cours à réorganiser, des enseignants à réaffecter, parfois des locaux à réaménager, des dépenses à engager… Tous veulent dès lors savoir au plus vite sur quel pied danser. Interrogé sur ses intentions en la matière, le cabinet Glatigny n’a pu répondre mardi aux sollicitations de Belga. En coulisses, les contours de cette future 3e année secondaire semblent toutefois bien se dessiner. “Des réunions sont actuellement en place au sein de la majorité. Les propositions seront soumises dès ce mois de septembre“, rassure la cheffe de groupe des Engagés au Parlement de la FWB, Mathilde Vandorpe, spécialiste des questions d’enseignement.
Pas encore de réponses
On l’a bien senti ces derniers mois, MR et Engagés ne sont pas tout à fait sur la même longueur d’ondes au sujet de l’avenir de la 3e secondaire, ce qui freine logiquement les décisions. L’accord de majorité rédigé l’an dernier évoque l’objectif d’en faire une année davantage “orientante”, avec un “socle allégé d’activités communes”. Certains acteurs y voient le risque d’une réintroduction dès la 3e de cours à option qui orienteraient clairement les élèves vers tel ou tel type d’enseignement (général, technique ou professionnel). Ce qui reviendrait de facto à raccourcir le tronc commun jusqu’à la fin de la 2e secondaire… Mathilde Vandorpe veut dissiper ces craintes: “Ce qui a été décidé lors de la mise au vert avec les acteurs, c’est de mener le tronc commun jusqu’au bout de la 3e, comme prévu par le Pacte d’excellence, mais d’offrir aux élèves des activités non pas orientées, mais orientantes, c’est-à-dire des activités qui ne les enferment pas dans un parcours de formation. Si un élève devait choisir par exemple de suivre un cours mécanique en 3e, cela ne l’empêcherait pas pour autant de changer et de faire éventuellement du latin en en 4e année“.
Outre l’allongement du tronc commun, d’autres questions en lien avec cette réforme phare du Pacte d’excellence sont aussi en attente de réponses, comme l’avenir du premier degré différencié destiné aux élèves qui ont raté leur CEB (certificat d’études de base). Le tronc commun tel que prévu par le Pacte prévoit normalement sa disparition après une période de transition, mais la majorité s’interroge sur l’opportunité de le maintenir. Enfin, un autre chantier d’envergure reste à finaliser sous cette législature: la redéfinition des trois années de l’après tronc commun, à savoir le nouveau contenu des 4e, 5e et 6e années du secondaire.
Le gouvernement MR-Engagés est aussi attendu sur un autre dossier brûlant: celui de la pénurie d’enseignants, élevé au rang de “priorité politique n°1” en début de législature. Dans cette optique, quatre groupes de travail rassemblant gouvernement, syndicats et pouvoirs organisateurs avaient été mis sur pied en janvier dernier pour aborder un large éventail de sujets. L’objectif de cette concertation était notamment de favoriser une plus grande mobilité des profs entre les réseaux d’enseignement, évoquer les contours du CDI que le gouvernement entend offrir aux futurs enseignants en remplacement de leur nomination, ou encore s’accorder sur une nouvelle grille barémique pour les enseignants désormais formés en quatre années, contre trois précédemment.
“Glatigny est nocive, Les Engagés laissent faire”
Selon les syndicats, ces discussions n’ont toutefois abouti à rien ou presque. “C’était du foutage de gueule“, lâche Luc Toussaint, le président de la CGSP-Enseignement. “On n’a absolument pas été entendu. Il (le gouvernement) s’est toujours retranché derrière l’accord de majorité et la situation budgétaire de la Fédération. C’était un vrai dialogue de sourds!“, peste le syndicaliste. L’an passé, on s’en souvient, les syndicats enseignants avaient mené avec succès plusieurs actions de grève pour dénoncer différents projets de réforme du gouvernement. “Il n’y a pas de nouvelles actions prévues à ce stade mais il n’y a aucun doute qu’il y en aura au cours de cette année“, avertit déjà Luc Toussaint. Les syndicats des enseignants comptent notamment rejoindre les actions décidées au niveau interprofessionnel les 24 septembre et 11 octobre prochains, indique de son côté Roland Lahaye, secrétaire général de la CSC-Enseignement.
Le syndicat programme aussi la distribution à la rentrée d’une nouvelle gazette pour sensibiliser l’opinion publique sur les menaces qui pèsent, selon les syndicats, sur l’enseignement. Un autocollant ayant pour slogan “Protégeons l’enseignement” a par ailleurs été imprimé à 17.000 exemplaires qui seront distribués en Wallonie et à Bruxelles dès la rentrée. Pour Roland Lahaye, les projets de la majorité MR-Engagés pour l’enseignement vont avoir des effets très néfastes pour l’école, et aggraver la pénurie des enseignants: “Je le dis sans détour, Glatigny est nocive pour l’enseignement! Et le pire, c’est que Les Engagés laissent faire. Mais à quoi est-ce qu’ils servent?“
Avec Belga – Photo Belga (archives)





