L’édito de Fabrice Grosfilley : vous avez été élus pour gouverner
Inextricable. Peut-être même ingouvernable. Voici l’image que renvoie l’échiquier politique bruxellois depuis les élections du 9 juin. 73 jours après les élections, les négociations en vue de former un nouveau gouvernement sont toujours au point mort. Aucune réunion programmée pour mettre tous les partenaires autour d’une table. Pire, aucune majorité claire désignée du côté néerlandophone.
Nous avons connu dans le passé des législatures où les Bruxellois étaient les premiers à former leur majorité (seulement battus par les négociations supersoniques de la communauté germanophone), et s’arrangeaient pour boucler les accords avant l’échéance du 21 juillet. Les sprinters du passé se sont transformés en marathoniens écrivais-je dans un éditorial de juillet. A la réflexion, l’image ne semble pas correcte, car les marathoniens courent, eux.
Soyons de bon compte : l’été a permis de clarifier la donne côté francophone, puisque le PS a officiellement accepté de rentrer dans le schéma de négociations proposé par David Leisterh après avoir obtenu que celui-ci revoit et muscle sa note de départ. Le PS qui ne souhaitait pas acheter un chat dans un sac, a donc été amadoué par le formateur libéral qui a franchi le premier palier. Ceci n’est pas un accord, mais c’est la promesse de discussions possibles et d’une volonté de gouverner.
Coté néerlandophone en revanche, la situation est toujours bloquée. Elke Van den Brandt, formatrice incontestable vu son score électoral, n’a pas trouvé de majorité. Si Groen, Open VLD et Vooruit semblent prêts à gouverner ensemble (et reconduire ainsi la configuration de la législature précédente coté NL), il manque un siège (il en faut 9 sur 17 pour former une majorité dans le collège néerlandophone) et le CD&V ne veut pas, à ce stade, l’apporter. Sans majorité néerlandophone, pas de négociations possibles. Sans négociations, pas de gouvernement. On en est là, le statu-quo s’éternise.
On a souvent craint que dans le passé ce soit le Vlaams Belang ou la N-Va qui ne paralysent un jour la formation d’un gouvernement bruxellois. On doit faire le constat que le blocage vient aujourd’hui de partis considérés comme traditionnels. A quelques jours de la rentrée scolaire, il devient urgent que nos élus sortent de l’impasse. Il revient donc à Benjamin Dalle et Sammy Mahdi de nous éclairer définitivement. « Tu veux ou tu veux pas ? Si tu ne veux pas tant pis, je n’en ferai pas une maladie » disait une célèbre chanson de Marcel Zanini. Si c’est non pour le CD&V, n’en faisons donc pas une maladie et ouvrons la négociation à ceux qui peuvent renforcer la majorité. Il n’est pas responsable que le CD&V avec un seul député puisse bloquer la formation d’un gouvernement.
La liste de Fouad Ahidar ou la N-Va de Cieltje Van Achter doivent donc être dès aujourd’hui invités à se joindre aux négociations. Ceux qui posent leur véto à l’un ou à l’autre (voire aux deux) jouent contre l’esprit de la démocratie proportionnelle et bafouent le résultat du 9 juin. Avec respectivement 3 et 2 sièges, Team Fouad Ahidar et la N-VA sont démocratiquement représentatifs et ne peuvent pas être boudés. S’ouvrir à ces partenaires s’impose aux autres formations néerlandophones. Même si on comprend la réticence de Vooruit, qui deviendra le plus petit partenaire néerlandophone, et perdra du coup son strapontin ministériel (il n’y a que 3 places au gouvernement pour 4 partis) si on appelle la N-VA. Même si on peut entendre les réticences idéologiques de l’Open VLD ou du MR si on doit s’appuyer sur Team Ahidar. Les exclusives qui bloquent le processus de négociations ne sont plus tolérables, qu’elles viennent du côté néerlandophone ou francophone.
On adressera donc ce message à tous les partis : on peut bien sûr estimer que ce système de double collège appartient au passé et qu’il faut le réformer. Mais vous avez été élus pour gouverner. En bloquant depuis des semaines les négociations vous êtes en train de donner raison à ceux qui pensent que la Région bruxelloise n’est pas assez adulte pour se prendre elle-même en main. Ce n’est pas le mandat que vous avez reçu des électeurs.