L’édito de Fabrice Grosfilley : un procès presque normal

C’est une nouvelle étape importante : au procès des attentats du 22 mars, les représentants du parquet fédéral entament aujourd’hui la lecture de leur réquisitoire. La parole à l’accusation : deux procureurs, une femme, un homme se partageront cette lecture qui durera théoriquement cinq jours. Une demi-journée pour l’introduction, qui concernera tous les accusés. Puis accusé par accusé, ce qui leur est reproché, la demande de culpabilité ou d’acquittement. Cette lecture devra donc s’étaler toute la semaine et jusqu’au milieu de la semaine prochaine, puisque la cour ne se réunit pas le vendredi.

Sur le fond, on n’attend pas énormément de surprise. Les deux procureurs devraient confirmer les préventions retenues contre les dix accusés. C’est dans la tonalité, les mots employés, qu’on sentira l’intensité des charges et de la conviction plus ou moins inébranlable du ministère public. Ensuite, on entendra les parties civiles (les avocats des victimes). La plupart d’entre eux, mais pas tous, se sont entendus pour plaider collectivement. Cette plaidoirie collective devrait durer quatre jours. On aura ensuite des plaidoiries individuelles, puis ce sera le tour des avocats de la défense, qui représentent les accusés. Ces plaidoiries de la défense, sauf nouveau retard, devraient donc avoir lieu pendant la seconde quinzaine du mois de juin. Ce qui veut dire que début juillet, le jury populaire pourrait entrer en délibération et que le verdict pourrait donc tomber dans le courant du mois de juillet. On aura ensuite le débat sur les peines pour les accusés donc la culpabilité aura été prononcée.

Cela n’a l’air de rien, mais c’est la démonstration que ce procès avance. Qu’il avance même sereinement. Le contraste avec l’ouverture au mois d’octobre est même saisissant. À l’automne dernier, nous étions dans les cris et la polémique. La cage en verre, les transfèrements, les fouilles intégrales, est-ce que nous traitions ou pas les accusés dignement ?  J’emploie le “nous”, car c’est toujours en notre nom que la police et la justice agissent, et elles ne devraient jamais l’oublier. Ces accusés allaient-ils ou pas accepter de suivre les débats ? Parleraient-ils aux victimes ? Les écouteraient-elles ? Ces questions nous ont agité pendant des semaines. Aujourd’hui, à l’exception d’Ossama Krayem, on doit constater que les accusés assistent bien au procès. Qu’ils écoutent les débats, qu’ils y participent parfois. Que certains d’entre eux ont même eu des paroles pour les victimes. Nous sommes sortis du tumulte et de l’affrontement , nous sommes dans l’écoute des arguments et dans l’échange de points de vue. Ce changement d’ambiance, on ne le souligne pas assez, il est à mettre l’actif de tous les acteurs du procès, accusés compris, mais aussi et surtout de la présidente Laurence Massart qui a su prendre au bon moment les bonnes décisions pour ramener un peu de sérénité.  Cette sérénité qui permettra à la justice d’être rendue dans de bonnes conditions. Une vraie justice, pas une parodie de justice, pas une justice expéditive où les jeux sont joués d’avance. C’est ce qui fait toute la différence entre un pays démocratique et un système totalitaire.

Fabrice Grosfilley