L’édito de Fabrice Grosfilley : tous contre le MR ?

Tous contre le Mouvement Réformateur. C’est un peu comme cela qu’on pourrait résumer le débat des têtes de listes à la Chambre que nous avons organisé hier soir à Bx1. Un débat que vous pouvez retrouver sur notre site web si vous l’avez raté. Pendant 90 minutes, c’est donc la tête de liste libérale à la Chambre, Valérie Glatigny, qui a été la plus souvent attaquée par les autres participants. Régulièrement prise à partie, elle a répondu avec une certaine pugnacité, mais l’impression d’ensemble est bien celle-là : le MR seul face à tous les autres. Il faut noter que l’opposition varie en fonction des sujets abordés. Défi a par exemple dénoncé fortement le blocage de la réforme fiscale par les libéraux. Le PS et Les Engagés ont attaqué le Mouvement Réformateur sur sa responsabilité dans le manque de financement passé de la police et de la justice. Ecolo et le PTB se sont montrés en pointe sur la question du Proche-Orient et de la reconnaissance de l’État palestinien que le MR ne veut pas concéder maintenant.

On peut voir dans ces confrontations successives la rançon du succès. Puisque les sondages mettent le Mouvement Réformateur nettement en tête des intentions de vote, il devient la cible des autres formations politiques. “Il faut faire redescendre le MR sur terre” semble la consigne du moment. Mais il y a sans doute quelque chose de plus profond. C’est l’opposition programmatique qui existe désormais entre le Mouvement Réformateur et les autres. Le blocage de la réforme fiscale, l’hostilité à un impôt sur la fortune sont des lignes de démarcation qui mettent effectivement le MR d’un côté et les autres en face. C’est moins net quand on parle d’énergie, par exemple, où les positions du MR sont assez proches de celles de Défi ou des Engagés. Mais globalement, on a assisté ces dernières années à un glissement à droite du Mouvement Réformateur. Cela fait sa singularité et n’est sans doute pas pour rien dans ses bons scores dans les sondages. Cela l’isole et le rend moins compatible, en revanche, lorsqu’il s’agit de créer des coalitions et de négocier des accords de gouvernement. Mais comme le paysage néerlandophone est plus à droite que le paysage francophone, c’est un isolement relatif qui se ressent surtout au niveau régional, et beaucoup moins lorsqu’on parle du niveau fédéral.

Ce qui était vrai dans ce débat consacré aux matières fédérales hier ne le sera pas forcément dans les débats consacrés aux matières régionales. Ce soir, on parlera emploi et formation, par exemple sur BX1. La semaine prochaine, nous aurons un débat sur la mobilité. Voici deux thèmes où le MR ne sera probablement pas aussi isolé. Au contraire même. Sur la mobilité, par exemple, il est probable que ce soit Ecolo qui se trouvera dans la position de celui qui sert de punching-ball. Au “tous contre le MR” répondra probablement un “tous contre Ecolo” lorsqu’on changera de thématique.

Quelles conclusions tirer de ces débats ? Peut-être qu’au fédéral, la majorité des partis francophones n’ont pas spécialement envie de gouverner avec le parti de Georges-Louis Bouchez. À la Région bruxelloise, peut-être qu’une majorité de partis n’ont plus trop envie de gouverner avec Ecolo et Groen. Mais évidemment, il ne faut pas aller trop vite. Entre ce qu’on a envie de faire et ce qu’on peut faire, il y a une différence. Peut-être qu’il sera impossible de se passer du Mouvement Réformateur au niveau fédéral. À l’inverse, peut-être que le PS et d’autres se diront qu’ils préfèrent malgré tout gouverner avec Ecolo en Région bruxelloise malgré leur opposition frontale sur le thème de la mobilité. Parce que finalement, ils sont peut-être en réalité encore plus éloignés du MR quand on rentre dans le détail des programmes, et que sur le logement ou l’aménagement du territoire, ils sont finalement plus proches des verts que des bleus. Il faut donc se méfier de cette petite musique qui ressort des débats électoraux. Elle est malgré tout audible et nous berce jour après jour. En résumé il y a deux formations qui polarisent le débat. D’un côté le MR, de l’autre les écologistes. Les autres partis, qui sont au centre ou ailleurs, et qui en fonction des thèmes se rapprochent ou se distancient, feront finalement pencher la balance d’un côté ou de l’autre. Et évidemment, les électeurs ont leur mot à dire. Il y aura des coalitions qui seront mathématiquement possibles, d’autres qui ne le seront pas.

Dernière remarque : ce matin, Bart Dhondt et Fabian Maingain se livrent à un bras de fer par communiqué interposé. L’un est échevin de la Mobilité à la Ville de Bruxelles, l’autre échevin en charge de la Vie Economique. Le premier publie une première évaluation du plan Good Move dans le pentagone, au centre-ville. Baisse du nombre d’accidents de la circulation, amélioration de la qualité de l’air et de la pollution sonore, et pas d’impact sur les chiffres d’affaires des commerces du centre-ville. Bart Dhondt aligne des chiffres en faveur de Good Move. “Une malhonnêteté intellectuelle, des données manipulées et incomplètes, on ne peut pas tirer de conclusions à ce stade,” réagit Fabian Maingain dans un communiqué au vitriol. Bart Dhondt et Fabian Maingain sont dans la même majorité. Ils siègent dans le même collège échevinal. On mesure ici que leur cohabitation dans une prochaine majorité communale n’ira pas de soi (on en reparlera en octobre, mais notez cela : les débats régionaux donnent le ton de la campagne communale à venir). Ça, c’est l’effet “campagne électorale”. Ceux qui devraient être vos alliés sont parfois vos meilleurs ennemis. Ce qui se dit dans une période électorale, sur un plateau de télévision ou par voie de communiqué, est donc à relativiser. Avec un bémol : il faut savoir ne pas taper trop fort. Sinon ça laisse des traces, et vos partenaires ou adversaires s’en souviendront plus tard.

Fabrice Grosfilley