L’édito de Fabrice Grosfilley : rue Saint-Michel, notre innocence perdue
Ce vendredi, Fabrice Grosfilley évoque dans son édito la camionnette qui a foncé sur une terrasse où se trouvaient des consommateurs.
Le centre-ville de Bruxelles a craint le pire aujourd’hui. À l’arrivée, 6 blessés légers, on peut pousser un ouf de soulagement.
Des tables et des parasols renversés. Des cordons de police pour tenir les curieux à distance, des véhicules de secours pour soigner les blessés. Un périmètre de sécurité, et même un hélicoptère pour les besoins de l’enquête. Cet après-midi, au centre de Bruxelles, on a retenu très fort notre souffle en apprenant qu’un livreur avait foncé à vive allure sur une terrasse de café. Un acte délibéré qui s’est produit rue Saint-Michel. Une rue de l’hyper-centre qui relie la place des martyrs au boulevard Adolphe Max en traversant la rue neuve.
Évidemment, quand on dit qu’une camionnette a volontairement foncé sur une terrasse, cela ravive de très mauvais souvenirs. L’attentat de Nice le 14 juillet et celui du marché de Noël à Berlin, tous les deux en 2016. Ces traumatismes nous sont revenus immédiatement à l’esprit. À Bruxelles, heureusement, le bilan est beaucoup plus léger. Six blessés qui ont pu être soignés sur place, personne n’a dû être hospitalisé. Ce qui n’empêche pas d’être en état de choc quand on est la victime de ce genre d’agissements.
Notre phobie de l’acte terroriste a été inévitablement ravivée ce vendredi. Quelques rumeurs en ce sens ont d’ailleurs couru à Bruxelles. Ce n’était que des rumeurs, et on vous conseillera toujours de vous en méfier. Quelques heures plus tard, la camionnette était retrouvée rue du méridien à Saint-Josse. Le chauffeur identifié, l’enquête avançait relativement vite.
Quelles sont les conclusions qu’on peut tirer de cet incident ? À l’heure où j’écris cet éditorial (il est lu à 17 sur l’antenne de BX1) il est très difficile de commenter une enquête qui n’est pas achevée. S’obliger à être prudent, c’est une règle de base que je vais tenter de m’appliquer à moi-même. On peut quand même avoir deux ou trois éléments en tête. Le premier est que Bruxelles se serait bien passé de cette mauvaise publicité. Parmi les blessés légers figuraient des touristes. Il est vital pour notre économie que ceux qui déambulent à Bruxelles se sentent en sécurité. La période du lock-down en 2015 s’était soldée par des baisses de chiffres d’affaires qui se comptaient en centaines de millions d’euros (on a avancé le chiffre de 350 millions au total). Il est ainsi heureux qu’il y ait eu aujourd’hui plus de peur que de mal.
Deuxième constatation : un véhicule reste toujours un danger potentiel pour celui ou celle qui se trouve sur son passage. C’est d’autant plus vrai que le véhicule est imposant et lancé à vive allure. Si l’on veut une ville apaisée, où les piétons ne sont plus sur les trottoirs, mais sur la chaussée, en train de prendre un verre ou en train de marcher, il faut pouvoir les protéger, et peut-être qu’interdire l’accès de ces quartiers aux véhicules lourds aux heures de grandes affluences doit être envisagé.
Enfin troisième et dernière observation. Si nous avons été si nombreux à penser spontanément à un attentat terroriste, c’est parce que nous avons été profondément marqués par les attaques que nous avons dû subir, au musée juif, à la station Maelbeek, à l’aéroport, mais aussi à Paris, à Nice, Berlin, etc. En ce sens, nous avons perdu une forme d’innocence qui était peut-être la nôtre avant tous ces événements.
■ Un édito de Fabrice Grosfilley