L’édito de Fabrice Grosfilley : rêver d’espace

Dans son édito du mercredi 24 janvier, Fabrice Grosfilley revient sur la conquête de l’espace

La tête dans l’espace. Avoir dans notre imaginaire collectif l’image d’un ou d’une Belge qui posera un jour le pied sur la lune, ou d’un ou une autre Belge qui irait explorer la planète mars, ces rêveries ont pris un soupçon de consistance hier avec la signature d’un accord entre la Belgique et les États-Unis. Ces accords Artemis signés hier soir dessinent le cadre juridique de ces futures missions spatiales. Un document qui émet des recommandations sur la manière dont on va explorer ces planètes, et surtout l’exploitation que l’on pourrait en faire. L’obligation de déclarer ce que l’on fera sur la Lune, ou ailleurs, la collaboration entre les grandes puissances qui explorent l’espace, ou encore la lutte contre les déchets de l’espace, tout cela se trouve dans ce document. Une sorte de code la route vers Jupiter, en attendant d’avoir des Nations-Unies de l’espace.

Si cette signature a eu lieu en grande pompe hier soir, et si cela a convaincu les journaux télévisés de lui accorder une large place, c’est surtout parce que cela ouvre la voie à une collaboration accrue de la Belgique avec la NASA. Plus précisément une collaboration entre des entreprises belges et l’agence américaine. La Sonaca, Thales, Celestia, sont quelques-uns des noms concernés. Car l’Europe même si elle donne l’impression de ne pas faire la course en tête, laissant les premiers rôles aux Américains, russes, chinois et autres indiens, investit dans l’espace. Et à l’intérieur des investisseurs européens, la Belgique est la 5eme contributrice au budget de l’agence spatiale européenne (ESA). D’après Thomas Dermine, nous serions même les plus gros investisseurs dans le spatial si on considère le chiffre des investissements par habitant. Petit pays, on dit parfois petit esprit, mais la tête tournée vers le ciel, c’est une caractéristique belge.

L’espace n’est pas seulement une affaire d’investissement et d’exploration pour le futur lointain. C’est aussi l’amélioration de nos conditions de vie dans un avenir proche. Les GPS, l’internet par satellite, les observations météos, tout cela se passe déjà à des dizaines de kilomètres au-dessus de nos têtes. Il faut y ajouter désormais un enjeu de défense. Pour le renseignement d’abord. Pour le déploiement d’armes de l’espace ensuite. La militarisation de l’espace est une réalité depuis les années 1960. Le bouclier anti-missile dont se sont dotés certains états reposent sur la convection de système terrestre avec des satellites. Les États-Unis et la Chine se sont aussi dotés d’armes capables de viser des satellites. Cela permet d’abattre le satellite de l’ennemi et le priver de sa capacité de renseignement. Des études sur des armes spatiales sont également en cours. Des lasers, ou des rayons X qui permettraient à un satellite de viser son voisin, ou également des brouilleurs qui permettraient de perturber les communications.

L’espace est donc un terrain de recherche et de connaissance, mais aussi un lieu de concurrence économique, un enjeu militaire et peut-être demain un enjeu climatique. C’est peut-être depuis l’espace qu’on parviendra à freiner les rayons du soleil qui contribuent au réchauffement. Les amateurs de science-fiction verront encore plus loin avec la colonisation d’une autre planète aux conditions de vie hospitalières. Mais cela nous emmène vers un horizon que nous ne connaitrons probablement pas, revenons sur terre. Être présent dans l’espace c’est donc un investissement qui peut se révéler crucial dans quelques dizaines d’années. Toute la question est de savoir si nous avons les moyens de cette ambition. Quand 3 bruxellois sur 10 courent un risque de pauvreté, quand 56 000 familles sont en attente de logement social, quand on se demande comment payer l’extension du métro, on peut rêver d’espace… Et si on ne doit évidement pas opposer les dépenses d’aujourd’hui et les investissements pour demain, parce que les deux sont nécessaires, il est aussi utile de rappeler que l’espace ce sera avant tout un enjeu de coopération et de collaboration pour nous. Parce que rêver la Belgique puisse y jouer toute seule un rôle majeur relève, pour le coup, de la science fiction.

Fabrice Grosfilley 

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24 janvier 2024 - 11h06
Modifié le 24 janvier 2024 - 11h06