L’édito de Fabrice Grosfilley : références malheureuses

Faire référence au nazisme, c’est rarement une bonne idée. Renvoyer son adversaire politique à cette période du nazisme est une manière de fermer le débat : on ne discute pas avec un parti nazi, on le combat. En publiant un photomontage associant la N-VA à l’extrême-droite, les supporters de Sarah Schlitz ont donc fait pire que bien. L’utilisation de photos renvoyant à une exposition qui évoquait le nazisme entretenait la confusion (même si cette exposition est l’évènement de départ de cette polémique et que c’était donc explicable).  En likant cette publication, la désormais ex-secrétaire d’État à l’Égalité des chances a commis une bourde qui ne pouvait que lui être fatale. Publier un autre tweet, publier des communiqués pour s’excuser et repréciser sa pensée devenait bien inutile. Déjà mise en cause pour avoir fait figurer son nom sur une communication gouvernementale, la secrétaire d’État se savait sous surveillance. Quand on est en difficulté, on ne doit pas tendre le bâton pour se faire battre.

Bien sûr, on peut évoquer une forme de “bashing” (en français, des critiques répétées systématiquement contre un individu, prenant même parfois un caractère obsessionnel) contre Sarah Schlitz, ou contre les écologistes en général. Les réseaux sociaux, les interventions des autres formations politiques, en particulier ceux classés à droite de l’échiquier, n’ont pas été tendres ou amicaux, parfois même franchement irrespectueux et délibérément agressifs : c’est vrai. Il existe sur les questions du féminisme, de l’égalité des chances, de l’acceptation des transsexuels, du droit des homosexuels, du racisme, de la lutte contre les discriminations en général, des raidissements qui sentent fort le réflexe conservateur pour ne pas dire la pensée ouvertement réactionnaire. Mais ce n’était pas une raison. Sander Loones attaquait Sarah Schlitz, c’est son rôle de député de l’opposition. Elle devait répondre sur son comportement et démontrer qu’elle n’avait rien à se reprocher et non pas viser le parlementaire ou son parti en tentant de le discréditer. Ce n’est pas comme cela que le débat politique fonctionne. À plus forte raison en Belgique, où les perceptions des opinions publiques francophones et néerlandophones, peuvent parfois être très éloignées l’une de l’autre. Quand on est membre du gouvernement fédéral, on doit en tenir compte. Il y avait dans la communication de Sarah Schlitz des accents de sincérité qui cachaient mal une forme de maladresse qui finissait par ressembler à un manque de professionnalisme. Être dans un cabinet ministériel, ce n’est pas piloter une ASBL.

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Ecolo va donc devoir remplacer Sarah Schlitz. Depuis hier, beaucoup de rumeurs circulent. On cite les noms des Bruxelloises Margaux de Ré et Rajae Maouane. On évoque le glissement de ces compétences dans le portefeuille de Zakia Khatabi. On verra bien. L’enjeu n’est pas aussi anodin ou purement politicien qu’il n’y parait. Parce que la compétence de l’égalité des chances n’est plus une compétence accessoire. Cela ne doit pas être un secrétariat d’État pour faire joli (ou simplement un tremplin pour une future campagne électorale). Parce que les discriminations sont une réalité. En matière d’origines, de genres, d’orientations sexuelles, nous avons toujours des progrès à faire. Et c’est le rôle du ou de la secrétaire d’État en charge de cette matière de faire en sorte que la condition des discriminés s’améliore. Et c’est aussi sa tâche de faire en sorte que ceux qui discriminent prennent conscience des actes qu’ils posent et de discours qu’ils produisent. Vous me direz ce n’est qu’un ministère de la parole… mais c’est par la parole qu’on change les mentalités, et cela passe par un travail de fond, pas par des provocations.

Dans un autre contacte, on a entendu ce mercredi au conseil communal de Schaerbeek une référence à l’Allemagne d’Hitler, comme le rapporte la Capitale et la RTBF Bruxelles. Avec un conseil une fois encore chahuté, des opposants qui se font entendre et qui tournent ostensiblement le dos à l’orateur quand celui-ci leur déplait, une forme de “haie du déshonneur”.  “Ça ressemble à Berlin en 1934″, lâche alors Adelheid Byttebier, l’échevine (Groen) de la mobilité. Le PS schaerbeekois s’empare de la comparaison, demande la démission de l’élue, le ton monte, l’échevine finit par présenter ses excuses. Ce n’est jamais une bonne idée de faire référence au nazisme. On n’est jamais bien compris, cela manque toujours de nuances, en particulier dans un contexte électrique comme celui d’un conseil communal, lorsqu’on y a parle de stationnement ou de mobilité. Ce n’est jamais une bonne idée donc (et un certain François De Smet a largement développé l’idée en son temps, avant d’entrer lui-même en politique), mais cet incident pose quand même la question de l’ambiance dans laquelle travaillent désormais les élus communaux. Être entouré de manifestants qui mettent la pression, et on parle parfois de pression physique, qui crient, qui insultent, vocifèrent ou même menacent, n’est pas une manière démocratique de travailler. Ce n’est donc pas une bonne idée de parler de nazisme. Il n’est pas interdit en revanche de dire que cette mise sous pression des conseils communaux n’est pas acceptable. Qu’il faut revenir à de la sérénité dans les débats et que faire la police du conseil communal pour que les élus et les idées de chacun soient respectés est une nécessité. Il faut le dire sans emphase, ni excès, mais il faut le dire quand même. On voit beaucoup trop de conseils communaux devenir des tribunaux populaires ces derniers mois en Région bruxelloise. La liberté d’expression n’implique pas de manquer de respect à des élus, ni de verser dans le lynchage verbal de l’adversaire. Le populisme et la violence généralisée, même verbale ou virtuelle, ce n’est donc pas du nazisme…  Mais cela revient quand même, pour celui qui est visé et pour celui qui observe la scène avec un minimum de recul, à vous dégoûter de la démocratie.

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Fabrice Grosfilley