L’édito de Fabrice Grosfilley : rechercher et découvrir
Dans son édito de ce jeudi 04 avril, Fabrice Grosfilley revient sur une découverte scientifique : la formation de vaisseaux sanguins particuliers dans le cerveau.
La zone de basse émission, le décret paysage, les fusillades, le code du bien-être animal, les inscriptions dans le secondaire… voici quelques-unes des informations auxquelles vous serez confrontées dans les minutes ou dans les heures qui viennent. Des débats qui sont en cours, qui captent notre attention ou finissent par nous lasser. Pour changer ce matin, je vous propose de laisser temporairement entre parenthèses cette actualité que nous suivons et décortiquons jour après jour. Et intéressons nous à une découverte scientifique. Elle est l’œuvre de chercheurs de l’Université Libre de Bruxelles et a été publiée hier dans la prestigieuse revue Nature.
Une équipe de chercheurs emmenée par le professeur Benoit Vanhollebeke du département de biologie moléculaire de l’ULB a découvert que les vaisseaux sanguins qui irriguent le cerveau se forment d’une façon particulière, différente des autres vaisseaux. Ils sont en effet équipés d’une enzyme spécifique qui contribue à leur développement. Cette découverte ouvre un nouveau champ d’exploration et de recherche, dont on ne peut pas encore prédire l’impact… mais il pourrait être considérable.
Jusqu’à présent, on pensait que les vaisseaux sanguins se formaient de manière similaire à travers tout l’organisme. Mais finalement, nos vaisseaux sanguins ne sont pas tous les mêmes. La vascularisation cérébrale, ce réseau de vaisseaux sanguins qui irriguent notre cerveau et lui permettent de fonctionner, est spécifique. Cela veut dire que les vaisseaux situés dans cette partie-là de notre corps ont développé des propriétés qui sont adaptées au fonctionnement de cet organe précis.
“L’identification de ce mécanisme nous permet d’espérer qu’il sera un jour possible de développer des approches thérapeutiques ciblant spécifiquement les vaisseaux cérébraux”, a expliqué Benoit Vanhollebeke à l’agence Belga,“c’est donc un enjeu clinique important dans de nombreuses pathologies neurologiques“. On peut penser à Alzheimer et aux accidents vasculaires cérébraux qui représentent la principale cause de mortalité à travers le monde, avec environ 18 millions de morts par an.
Le système vasculaire cérébral est très différent d’autres systèmes vasculaires (ceux du foie, du rein, du poumon…). Cette recherche a permis de mettre en exergue la présence d’enzymes spécifiques au cerveau et qui permettent à ces vaisseaux d’être particulièrement imperméables, d’avoir une sorte d’enveloppe renforcée, si on les compare à d’autres vaisseaux sanguins. Cette “barrière” permet de ne pas polluer le cerveau. Certains composants sanguins sont en effet toxiques. Les chercheurs appellent cela “la barrière hémato-encéphalique”, une sorte de filtre ou de frontière qui limite les échanges entre le sang et le tissu cérébral.
Cette découverte est ainsi importante pour comprendre ce qui se passe dans notre cerveau, mais aussi dans le système vasculaire d’une manière générale. On ne le souligne peut-être pas assez souvent. Ce genre de découverte est dû à la recherche fondamentale : des chercheurs payés par la collectivité (le plus souvent pas l’intermédiaire du FNRS, le Fonds National pour la Recherche Scientifique, ou ici aussi la Fondation Médicale Reine Elisabeth par exemple). C’est très différent de la recherche appliquée, lié à un laboratoire pharmaceutique par exemple.
Revenons à la politique pour conclure. Hier, le Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles a adopté un décret relatif au financement de la recherche justement. Le texte définit les objectifs à poursuivre et le contrôle des subventions. Il a été adopté à l’unanimité. C’est la preuve que nos élus sont parfois capables de transcender leurs intérêts partisans et leurs stratégies électorales, y compris dans un Parlement marqué par de vives tensions ces derniers jours, c’est rassurant. Et c’est peut-être aussi une des questions que l’on devrait se poser en cas de disparition de la Fédération Wallonie-Bruxelles. En cas de régionalisation, ou en cas de grosses difficultés budgétaires, qui financerait la recherche ? C’est peut-être un détail de savoir qui finance quoi. Ça l’est beaucoup moins si cela permet de savoir ce qui se passe dans notre cerveau et peut-être demain de guérir des milliers, voir des millions, de patients.
■ L’édito de Fabrice Grosfilley