L’édito de Fabrice Grosfilley : poubelles et communication

Des sacs blancs éventrés. Des sacs bleus qui ne devraient pas être là. Des sacs oranges sortis le mauvais jour. Depuis le début de la semaine, le ramassage des sacs-poubelles est donc le sujet de conversation numéro 1 en Région Bruxelloise. Avec une série de bourgmestres et d’échevins qui frappent fort. Des photos qu’on publie sur les réseaux sociaux. Des demandes de collecte de rattrapage. Des prophéties catastrophes où on affirme que certains sacs vont rester en rue pendant une semaine. Bref, en matière de déchet, Bruxelles serait en train de connaitre une situation à la parisienne ou à la napolitaine lorsque les déchets de ces deux grandes villes n’étaient plus ramassés.  À Paris, il y a quelques mois pour cause de grève des éboueurs. À Naples, dans les années 2000, notamment en 2007, lorsque les décharges étaient saturées faute d’infrastructures suffisante. Bref en matière de déchets, on ne serait pas loin de l’alerte enlèvement.

Honnêtement, on n’en est pas là. Pour ceux qui comme moi traversent chaque jour plusieurs communes, la situation semblent relativement sous contrôle à ce stade (ça ne fait que 3 jours, vous me direz). Il y a certes des sacs qui ne sont pas sortis le bon jour, à la bonne heure. On voit effectivement des sacs blancs éventrés par les corneilles ou les renards. Mais la bonne foi nous oblige à préciser que c’était déjà le cas avant cette réforme. Il y a toujours eu un problème de poubelles sorties le mauvais jour, ou mal protégés. Et ces sacs plastiques à l’odeur alléchante et à portée des animaux, ce n’est évidement pas ce qu’on fait le mieux. Une véritable amélioration passerait par l’emploi de conteneurs rigides ou l’installation de bulles de collectes, mais ce n’est pas le début du jour.

Faut-il laisser le bénéfice du doute à cette réforme des collectes ? La réponse est très politique. Ceux qui sont dans l’opposition ou qui ont déjà un œuf à peler avec Bruxelles-Propreté ou avec le ministre de l’Environnement Alain Maron se saisiront de ce nouvel os à ronger qui leur est si facilement offert. Ils stigmatiseront l’impréparation, le manque de communication, un dispositif insuffisant… ils pourront aussi souligner le manque d’enthousiasme du personnel de l’Agence Bruxelles-Propreté où les syndicats menacent de faire grève  (de là à penser qu’il pourrait même y avoir un sabotage interne, c’est un pas que nous ne franchirons pas). Du côté du ministre ou de la direction de l’agence, on demandera de la patience. On soulignera qu’il n’est pas anormal qu’un tel changement ne se fasse pas en un jour. Que ce sont surtout les habitants qui doivent prendre conscience que le calendrier a changé et que chacun doit faire un petit effort, que la propreté, c’est l’affaire de tous, une question de civisme, et qu’il est politiquement un peu facile de vouloir tout faire porter sur quelques épaules.

Point de vue extérieur de journaliste en essayant de ne pas tomber dans l’irrationnel : non, la situation n’est pas catastrophique.  Que les dysfonctionnements fassent l’objet de nombreux commentaires est surtout le signe que la campagne électorale approche. En revanche, il y a bien un point sur lequel on doit s’arrêter et sur lequel Alain Maron, gouvernement bruxellois dans son ensemble et les administrations feraient bien de méditer. C’est le problème de la communication : distribuer quelques prospectus (dont la lisibilité et la mise en page sont discutables)  à l’évidence cela ne suffit pas. Quand on veut faire connaitre quelque chose à tous les Bruxellois, il faut mettre le paquet. Des spots à la télé et à la radio, des affiches sur les bus, des distributions de tracts sur les marchés, des vidéos sur les réseaux sociaux, du porte-à-porte… on n’a rien vu de tout cela. Si on veut vraiment faire circuler l’information dans une population aussi diversifiée et éclatée que la population bruxelloise, il faut un dispositif conséquent qui allie de la communication de masse pour toucher tout le monde, et de la communication ciblée pour entrer dans chaque quartier et chaque communauté. Cela a un prix… et visiblement, on n’est pas toujours prêt à le payer. C’était vrai au moment de l’épidémie de Covid-19 quand il fallait communiquer sur les mesures sanitaires ou sur les campagnes de vaccination. C’est vrai maintenant pour les sacs-poubelles. Et cela risque de l’être encore pour d’autres dossiers à l’avenir.

Fabrice Grosfilley