L’édito de Fabrice Grosfilley : partenariat public-privé
C’est un pavé dans la mare, ou plutôt un coup de pelleteuse dans le tunnel auquel on ne s’attendait pas. En indiquant hier matin dans Bonjour Bruxelles qu’il avait lancé des études et pris des contacts autour d’un partenariat public-privé pour financer l’extension du Métro 3, Sven Gatz a sans doute pris certains de ses partenaires par surprise. On ne s’attendait pas à une telle communication alors que le parlement ne se réunit plus et que le gouvernement de Rudi Vervoort est de facto en affaires courantes. En indiquant qu’il a pris des contacts, voire même qu’il a commencé à négocier un tel partenariat, le ministre du Budget est dans son rôle. Cela fait des mois que tout le monde dit qu’il lui appartient de trouver une solution pour financer ce projet, mais la communication à 15 jours de l’élection peut paraître étonnante, pour ne pas dire suspecte. Elle est en tout cas de nature à relancer le débat et à alimenter la réflexion des uns et des autres alors qu’on sait que la poursuite ou non de ce projet sera l’une des grandes questions qui se posera lors de la formation du prochain gouvernement régional.
Hier matin, Sven Gatz a donc dit sur l’antenne de BX1 qu’il avait “commencé à travailler” avec la Commission européenne et la Banque européenne d’investissement (BEI) sur ce dossier. Que des comparaisons avaient été faites avec des grandes villes qui ont aussi financé leur métro par le biais d’un partenariat public-privé (on peut citer Londres, Dublin, Barcelone ou encore Melbourne). Pour rappel, le partenariat public-privé est un montage financier qui consiste à faire appel à des investisseurs privés pour financer un projet, et à étaler son remboursement par le public sur une plus longue période. Sven Gatz parlait hier d’un remboursement à 30 ans. Évidemment, le partenaire privé prélève au passage une commission qui rend l’opération intéressante. L’intérêt pour le commanditaire public est de ne pas devoir passer par un emprunt classique qui a pour effet d’augmenter la dette. Le niveau d’endettement de la région bruxelloise, qui est déjà très élevé, et le prix élevé de ce métro 3 (on parle désormais de 4,7 milliards) rendent le financement par emprunt assez scabreux.
Derrière ces propos de Sven Gatz, il y a en réalité une étude réalisée par un bureau de consultance que les confrères de L’Écho et du Soir ont pu se procurer. Une étude qui confirme donc que la piste de ce financement public-privé est possible, mais avec deux bémols. Et ces bémols sont importants, on peut même les interpréter comme des réserves ou une forme d’avertissement. Le premier écueil réside dans le montant de ce partenariat. Ce serait le plus élevé jamais réalisé en Belgique. Il est deux fois plus élevé que le réaménagement du ring d’Anvers qui avait été financé avec le même mécanisme. Puis, le deuxième écueil, ce sont les contraintes techniques, les incertitudes qui existent lorsqu’on se lance dans un tel projet. Sur quel sous-sol va-t-on tomber ? Sur quelle tuile va-t-on tomber lorsqu’on commencera à creuser les tunnels ? Là, le rapport souligne que le nombre d’entreprises capables d’un tel chantier est limité, et que pour faire face à l’inconnu, elles ont donc tendance à gonfler les prix. Il faudrait donc être plus précis sur les risques techniques et surtout définir comment on va répartir les surcoûts en cas de problème. Est-ce que c’est le privé ou le public qui les prendra à sa charge ? Bref, le partenariat public-privé est possible, mais c’est loin d’être la panacée, et le coût final du projet risque bien d’être encore plus élevé que les 4,7 milliards annoncés aujourd’hui.
Dit autrement, la piste du partenariat public-privé ne sera sans doute pas suffisante pour sauver le projet. Il faudra aussi sans doute commander de nouvelles études techniques pour essayer d’être un peu plus sûr de ce qu’on se prépare à faire dans le sous-sol bruxellois. Le Palais du Midi, ça va une fois, mais sans doute pas deux. Et il faudra aussi voir comment réduire le coût du projet. Retirer une station ou deux ? Jusqu’à présent, les promoteurs du projet s’y refusent. Revoir la taille de ces stations, ça en revanche, c’est possible. Fini les halls avec guichets et sandwicheries ou marchands de journaux. Un simple escalator qui arrive directement sur le quai serait un moyen de dégonfler l’addition. Et évidement on tendra la main en direction du gouvernement fédéral, mais sans garantie de résultat.
Cette idée de partenariat public-privé devrait donc se combiner à d’autres décisions pour rendre le projet d’extension du métro un peu plus soutenable. Mais politiquement, on voit qu’il est en train de devenir la nouvelle pierre angulaire de ce débat qui oppose les partisans et les opposants au projet de métro. Il est intéressant de noter que le partenariat public-privé est depuis longtemps défendu par le Mouvement Réformateur, que l’idée a été défendue aussi très récemment par Pascal Smet pour Vooruit. Ce concept est en revanche imbuvable pour le PTB. On attend désormais le positionnement du PS et d’Ecolo, mais on voit bien qu’il y a une petite musique qui est en train de se mettre en place autour de ce concept. Et qu’avant de valider son titre de transport dans le futur Métro 3, les partis qui souhaitent entrer dans la prochaine majorité devront peut-être d’abord valider ou non cette idée de partenariat.