L’édito de Fabrice Grosfilley : pacte d’excellence, le politique reprend la main
C’était l’un des points centraux du Pacte pour un enseignement d’excellence : reporter à la 4e secondaire le moment où les élèves doivent faire un choix qui va conditionner en grande partie leur vie future. L’orientation, vers l’enseignement général ou le qualifiant.
L’idée du Pacte, c’était donc de retarder ce virage vers le technique ou le professionnel, qui est déjà le choix d’une profession, et donc d’un projet de vie pour de nombreux élèves. En 3e secondaire, théoriquement, on a 16 ans, parfois 17 ou 18 si on a redoublé. Repousser d’un an la grande bifurcation devait permettre à un maximum d’élèves issus des milieux les moins favorisés de poser le bon choix. Un moyen de corriger les inégalités et d’essayer de tirer les élèves — tous les élèves — vers le haut.
Hier, Valérie Glatigny et Élisabeth Degryse, ministre de l’Enseignement et ministre-présidente de la Fédération Wallonie-Bruxelles, ont donc annoncé la réintroduction de cours à option au niveau de la 3e secondaire. Les élèves devront choisir deux options, à raison de quatre périodes par semaine pour chacune d’elles. Ces options pourront relever soit de la voie de transition — pour aller vers l’enseignement général —, soit de la voie qualifiante — pour aller vers l’enseignement technique et professionnel. Les élèves pourront aussi choisir une voie « polyvalente », combinant quatre périodes de transition et quatre périodes de qualifiant.
En théorie, ceci n’est pas une orientation. En fin de 3e, un élève qui décide d’aller vers le général ou vers le qualifiant pourra toujours le faire, quels que soient les choix d’options, mais il devra pour cela passer devant un jury où il devra défendre son projet. En pratique, on comprend bien que si vous avez pris en début de 3e une option mécanique ou électricité, il y a de fortes probabilités que vous vous retrouviez l’année suivante dans la même filière.
Cette orientation qui ne dit pas son nom, on peut la considérer comme le verre à moitié plein ou à moitié vide. La ministre de l’Enseignement, Valérie Glatigny, avait déjà dit dans le passé qu’elle craignait que l’allongement du tronc commun ait le tort de faire perdre une année à des élèves qui avaient un projet clair. Depuis le début, en réalité, le Mouvement Réformateur n’était pas chaud pour cet allongement du tronc commun. Il lui reprochait de maintenir artificiellement, dans la filière générale, des élèves en échec scolaire pour qui l’enseignement qualifiant semblait plus adapté.
Depuis l’annonce de cette réforme dans la réforme, hier midi, les réactions sont nombreuses. On retiendra celle des syndicats d’enseignants, avec une franche hostilité de la CGSP Enseignement — le syndicat socialiste —, qui estime que le gouvernement MR-Engagés fait “le choix de renforcer la dualité de l’école, de favoriser l’orientation précoce des plus faibles”, et qui a carrément boycotté la réunion prévue hier midi au cabinet de la ministre. Le SEGEC, Secrétariat général de l’enseignement catholique, a eu une approche plus nuancée : « Il y a moyen de vivre avec ce genre de propositions », a commenté son secrétaire général, Alexandre Lodez, à l’agence Belga, estimant que les trois voies proposées pour les huit périodes de cours étaient “intéressantes.”
Du côté des parents, on est aussi assez critique : on parle d’une rupture de la dynamique du tronc commun et on regrette que le comité d’accompagnement du Pacte d’excellence, qui réunit tous les acteurs concernés, n’ait pas été consulté. C’est probablement un reproche qui reviendra souvent dans les prochains jours ou les prochaines semaines. Ce Pacte d’excellence avait été le résultat d’un grand compromis et d’une longue concertation entre tous les acteurs de l’école : fédérations de parents, pouvoirs organisateurs, directions d’école, syndicats d’enseignants — tout le monde avait participé à la discussion.
En décidant de réformer la réforme, le MR et les Engagés tournent le dos à cette méthode participative. Hier, sur la 3e secondaire et sur la manière dont les prochaines générations d’élèves seront orientées, c’est donc clairement le politique qui a repris la main et qui décide tout seul. Pour le meilleur et pour le pire.





