L’édito de Fabrice Grosfilley : méthode Coué et grand fossé

Un concours de méthode Coué.

C’est à cela qu’on a assisté hier soir, à la sortie des négociations bruxelloises. La méthode Coué consiste à répéter ce que l’on voudrait qu’il advienne, plutôt que ce qui est. Une technique d’autosuggestion qui permet de franchir les obstacles en s’autoconditionnant… quand ça marche. Et qu’on pourrait rapprocher du déni de réalité quand cela ne fonctionne pas.

Méthode Coué, donc, pour Georges-Louis Bouchez et Ahmed Laaouej, qui présentent un bilan diamétralement opposé du résultat des discussions qu’ils ont eues hier après-midi. Près de quatre heures de réunion tout de même, mais au cours desquelles on n’a pas réellement engrangé d’accord — ni sur le budget, ni sur la méthode de travail. Pour rappel Georges-Louis Bouchez en succédant à David Leisterh a imposé un virage qui consiste désormais à parler d’une déclaration de politique régionale (en clair : un accord de gouvernement) et plus seulement d’un budget pluriannuel.

« Cela s’est très bien passé. En tout cas, tout le monde était à table, ce qui est déjà bien à Bruxelles, et pour le reste, on a pu fixer une méthode de travail. »

Ce sont les propos tenus devant la presse par Georges-Louis Bouchez à l’issue de la réunion.


Le président du MR a annoncé que des groupes de travail se réuniraient dès aujourd’hui et qu’une nouvelle plénière du groupe central était convoquée pour mercredi. Il a également confirmé l’élargissement de la discussion à des matières non-budgétaires, même s’il n’y a toujours pas, dans ce groupe des six, de double majorité permettant l’installation d’un gouvernement.

« La discussion sur le partenaire flamand viendra en temps voulu », a-t-il ajouté.

Du côté d’Ahmed Laaouej, sorti quelques minutes plus tôt, ce n’était pas du tout la même musique. 

Le président de la fédération bruxelloise du PS a répété qu’il était prêt à parler du budget, mais pas à entrer dans une discussion sur un accord de gouvernement.

« Un accord de gouvernement qui ne reposerait pas sur un accord budgétaire reviendrait à bâtir un château sur du sable »,
a-t-il commenté, ajoutant encore qu’« il ne peut être question de compter sur les communes pour augmenter les taxes. »

Bref, Georges-Louis Bouchez et Ahmed Laaouej ne sont d’accord ni sur la méthode de travail, ni sur les orientations budgétaires. Les deux hommes se parlent, mais ne s’écoutent pas.
D’après les témoignages que nous avons pu recueillir auprès d’autres négociateurs, c’est exactement ce qui se passe : cause toujours, tu m’intéresses.

Le MR s’invite au tribunal

Pour illustrer ce fossé grandissant entre les deux plus gros partis de la Région bruxelloise, un incident très révélateur a failli passer sous les radars, mais il a été relevé par l’agence Belga.
Cet incident concerne un différend entre la Société du Logement de la Région bruxelloise (SLRB) et le gouvernement bruxellois — plus précisément le ministre du Budget, Sven Gatz, désormais remplacé par Dirk De Smet.

C’est une histoire de gros sous : la SLRB réclame à la Région le paiement d’une somme de 66 millions d’euros, correspondant à la construction et à la livraison de 446 logements sociaux.
Le ministre refuse de payer, estimant qu’il n’en a pas les moyens et que cela sort du cadre des affaires courantes. L’affaire devait donc être plaidée hier devant le tribunal de première instance.

Et là, petite surprise : le député bruxellois Louis De Clippele (MR) a déposé une requête en intervention. En clair, il a tenté de s’inviter dans le dossier, estimant que la Région n’a pas les crédits suffisants pour honorer la créance réclamée par la SLRB.

Cette intervention d’un député dans un litige gouvernemental est une première.
On pourrait même y voir une entorse à la séparation des pouvoirs, puisque le député tente clairement d’intervenir dans une décision de justice où ses intérêts personnels ne sont pas en jeu.

Hier, le juge a pris acte de cette demande et a repoussé sa décision de quinze jours, le temps d’analyser la requête. Le député a donc réussi à reporter le versement espéré par la SLRB. C’est une première victoire. Pour la suite, on a du mal à imaginer les conséquences d’un arrêt qui donnerait raison au requérant et encouragerait à l’avenir les parlementaires (d’opposition, comme c’est le cas ici) à intervenir dans les litiges mettant en cause un gouvernement qu’ils ne soutiennent pas.

Or la SLRB, c’est le logement social — un dossier cher au PS.
L’affaire a déjà provoqué de fortes crispations au sein du gouvernement de Rudi Vervoort.

Cette péripétie juridique nous apprend une chose (en attendant la décision de justice) : le MR ne laisse rien passer sur le plan budgétaire. Quitte à employer la voie juridique lorsqu’il n’a plus de prise sur la voie politique.
Cela ne risque pas d’aider le PS et le MR à renouer le dialogue.

Fabrice Grosfilley 

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