L’édito de Fabrice Grosfilley : l’équilibre attendra

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On annonçait une montagne, ce sera finalement une souris. Le ministre du Budget de la Région Bruxelloise voulait un effort de 580 millions. Il en a obtenu entre 150 et 200. L’écart entre les deux chiffres dit bien qu’on n’aboutira pas à ‘l’équilibre budgétaire. C’est un euphémisme. Le déficit devrait être de l’ordre de 450 millions. Il faut encore y ajouter 500 millions d’investissements stratégiques qui ont été sortis du budget depuis le début de la législature (près d’un milliard au total, sur un budget annuel qui tourne autour de 10 milliards). Bref, la Région bruxelloise a le devoir de se serrer la ceinture. Elle n’a pour l’instant eu le cran que de faire le premier cran. Les autres devront suivre, ce sera de la responsabilité de l’équipe qui sera mise en place l’an prochain, après les élections de juin 2024.

Soyons de bons comptes. Il serait faux de dire que la Région bruxelloise ne fait pas d’économies. Le budget de fonctionnement des administrations sera bien raboté de 5% comme le demandait Sven Gatz. Le budget du personnel diminuera lui de 3%, ce qui veut dire que tous les départs dans la fonction publique bruxelloise ne seront pas remplacés. Des provisions mises de côté pour faire face à la crise énergétiques sont retirés du budget. Des subsides seront rognés. Les projets dans les cartons ne seront pas non plus tous réalisés où on étalera leur réalisation. Cela peut concerner aussi bien des projets dans la mobilité que dans le logement. Les tarifs de la STIB devaient également être indexés l’an prochain alors qu’ils avaient été neutralisés ces dernières années.  Tous ces efforts ne sont pas indolores. Les ministres ont estimé qu’aller plus loin faisait trop mal. Mal à la population bruxelloise en l’occurrence, derrière le budget, il y a des projets qui sont porteurs d’amélioration de la qualité de vie, créateur d’emplois, ou qui offrent des services utiles à la population.

Sans doute Sven Gatz a-t-il commis l’erreur de s’y prendre trop tard. Le dernier budget de la législature n’est pas celui où les ministres sont enclins à faire le plus d’effort. S’imposer des saignées alors qu’on doit affronter les élections quelques mois plus tard relève d’une stratégie électorale que personne ne pouvait vraiment endosser.  Ajoutons les dossiers tellement avancés qu’on ne peut plus y renoncer : le cas du métro 3 (tronçon sud), avec la station Toots Thielemans sous le Palais du Midi dont on a abondamment parlé, le nouveau tram pour desservir Neder-Over-Heembeek. On pourrait tout stopper, mais ce serait jeter par la fenêtre les centaines de millions déjà investis dans ces projets. Pour la partie deux du métro, la prolongation vers Schaerbeek et Evere, il est aujourd’hui évidement que la Région Bruxelloise se trouve face à une équation budgétaire délicate (euphémisme, bis). Et qu’il ne suffira pas de dire qu’on doit le faire, il faudra aussi prouver dans les prochains mois qu’on peut également réellement financer ce projet.

Bien sûr, il y a eu la crise de la Covid-19, la guerre en Ukraine et la crise de l’énergie. La population bruxelloise a besoin de soutien. Les dossiers qui coutent cher à la Région s’empilent :  les surcoûts du métro, la crise de l’accueil (qui sera malgré tout compensé financièrement par le fédéral en partie) et des mal-logés, les dépenses de sécurité, la nécessité de créer des logements, de développer les transports. Mais on ne peut pas vivre éternellement à crédit. Treize milliards : c’est l’endettement annoncé de la Région. Ce budget 2024 qui commence à faire mal, mais pas trop est un virage. Ce n’est que le début du virage, nous sommes comme ces cyclistes dans un vélodrome, engagés au début de la courbe sans avoir suffisamment réduit notre vitesse, nous devinons qu’à la fin du virage, nous risquons d’être en mauvaise posture.

Fabrice Grosfilley