L’édito de Fabrice Grosfilley : le vif du sujet
Cette fois, on entre dans le vif du sujet : le financement ou non du métro 3, les changements en matière de pensions avec la non-indexation des pensions les plus hautes, des allocations de chômage plus dégressives et limitées à deux ans, l’exigence de passer un examen pour acquérir la nationalité belge, ou encore la transition énergétique avec la réduction de nos émissions de gaz à effet de serre. Un à un, tous les ministres du gouvernement Arizona sont invités à se présenter devant les parlementaires pour détailler leurs orientations politiques, département par département. Ces auditions ont lieu en commission, suivant le schéma traditionnel : une déclaration du ministre, les questions des députés, puis une nouvelle prise de parole du ministre. Rien que pour cette journée de mercredi, sept commissions sont au programme.
Ces moments d’explication sont importants, car ils permettent de fixer concrètement ce à quoi ressemblera la politique du gouvernement Arizona. Nous avions eu les grandes lignes du programme avec l’installation du gouvernement et le discours de politique générale du Premier ministre Bart De Wever. Ici, nous avons la déclinaison. C’est l’occasion de remarquer quelques nuances et, surtout, d’observer les différences de style entre ministres. Il suffit de jeter un coup d’œil à ces notes d’orientation pour s’en rendre compte. Certains ministres se contentent d’exposer leur philosophie avec de grandes phrases générales : peu de mesures concrètes, pas de chiffres, pas de calendrier, juste un état d’esprit. D’autres, en revanche, sont très précis sur ce qu’ils vont faire et annoncent déjà les réformes qu’ils proposeront au vote dans les prochains mois.
C’est ainsi que nous avons appris hier que Bernard Quintin, ministre fédéral en charge du fonds Beliris, n’avait pas l’intention de payer davantage pour le métro 3 et que la mise en service du premier tronçon serait retardée. C’est ainsi que nous apprendrons aujourd’hui, par la voix de Jan Jambon, ministre des Finances et des Pensions, qu’il va mettre un terme au bonus pension mis en place sous la précédente législature, ou encore qu’un projet de leasing social pour aider les travailleurs aux revenus modestes à acquérir une voiture électrique sera proposé par le ministre de la Mobilité.
Un moment important de la journée sera l’audition de David Clarinval, ministre de l’Emploi et de l’Économie. Jobs étudiants, flexi-jobs, annualisation du temps de travail : le vice-Premier ministre libéral est en charge d’un département crucial, puisque l’enjeu est de dynamiser le taux d’emploi. Le bilan en matière de création d’emplois est traditionnellement l’un des indicateurs permettant d’évaluer l’efficacité d’un gouvernement. De plus, ces mesures concernent très directement de nombreux citoyens. Ceux qui travaillent vont découvrir que le cadre dans lequel ils évoluent est appelé à changer. Ceux qui ne travaillent pas vont réaliser que le système de protection sociale risque d’être moins protecteur demain qu’hier.
Un élément que je souhaite souligner ce matin, c’est la transparence de l’exercice. Tous ces débats ont lieu à la Chambre, en commission. Ils sont publics, on peut donc y assister si l’on en a le temps. Mais surtout, toutes ces notes d’orientation sont disponibles en ligne. Il suffit de se rendre sur le site de la Chambre, de consulter l’agenda du jour et, commission par commission, de trouver ces notes. C’est un outil précieux pour les politiques eux-mêmes, bien sûr, mais aussi pour les journalistes, les syndicalistes, les organisations représentatives des différents secteurs et, évidemment, pour les citoyens. Si un domaine vous intéresse en particulier, vous pouvez dès aujourd’hui faire cet exercice : aller sur le site de la Chambre et consulter la note d’orientation qui vous concerne. C’est sans doute l’illustration de l’un des avantages d’une démocratie parlementaire : la transparence et l’accès aux débats. Cela n’empêchera pas les décisions d’être prises, mais ceux qui s’y opposent peuvent en être clairement informés et tenter de les contester.
Si vous suivez l’actualité, vous pouvez mesurer la différence avec ce qui se passe actuellement aux États-Unis, par exemple, où le président signe des décrets seul dans son bureau : suppression des financements pour la recherche, licenciement des fonctionnaires, abolition du ministère de l’Éducation. Avec Donald Trump à la Maison-Blanche, la signature présidentielle précède le débat. Certes, le débat aura lieu plus tard, lorsque la Chambre des représentants devra confirmer ces mesures ou devant les tribunaux en cas de contestation. Mais c’est une manière de procéder très différente, qui montre à quel point le poids de l’opposition aux États-Unis est aujourd’hui marginal et en passe d’être marginalisé plus encore.
Une dernière réflexion : nous avons un débat, nous avons des informations, nous avons de la transparence sur ce qui se passe au niveau fédéral. Au niveau bruxellois, en revanche, nous n’avons rien du tout. C’est aussi la preuve que, pour qu’un système politique fonctionne, il faut que les élus décident de le faire fonctionner. Pour l’instant, en Région bruxelloise, nous en sommes loin. D’exclusive en exigence, de bras de fer en refus de négocier, notre système politique est à l’arrêt. Avec le risque de donner tous les arguments à ceux qui pensent que la Région bruxelloise est ingouvernable ou que nos élus sont des incapables. Il faut avoir les nerfs solides pour résister à ces discours populistes. Il faut vraiment aimer Bruxelles pour continuer à suivre cette négociation qui n’avance pas. Comme si, à Bruxelles, le premier ennemi de la démocratie n’était ni le manque de transparence ni la menace d’un pouvoir autoritaire. À Bruxelles, en 2025, celle qui fait le plus de mal à l’idéal démocratique, c’est la classe politique elle-même.
Fabrice Grosfilley