L’édito de Fabrice Grosfilley : la culture, pour dire qui nous sommes
L’avenir de la ville passe-t-il par la culture ? Ce secteur qui fit partie des activités oubliées pendant la crise de la covid19 est-il à la fois le poumon et le lien qui nous permettra de nous de nous en sortir ? C’est la question que la candidature de Bruxelles comme capitale européenne de la culture est en train de nous poser.
La culture à Bruxelles ce sont des théâtres, des musées, des salles de concert et de cinéma. Mais ce sont aussi et surtout des milliers de professionnels. Des musiciens, des compagnies de théâtres, des danseurs, des plasticiens, des techniciens du cinéma. Si on voit la culture au sens large on peut y ajouter des graphistes, des enseignants, des designers, des conteurs, on oublie pas non plus tout ceux qui sont étudiants et qui sont des artistes en devenir, et tout ceux pour qui cela n’est pas forcément une activité professionnelle, mais plutôt une passion, dans laquelle ils investissent du temps, parfois beaucoup de temps et même un peu d’argent.
La culture c’est donc 4 et 5% du produit intérieur brut, de Belgique un chiffre d’affaire d’environ 50 milliards, et un gisement d’emploi équivalent à 250 000 postes de travail. Garder une part importante de cette activité en région Bruxelloise est un enjeu économique. C’est un pari qui ne va pas de soi. Anvers ou Liège sont aussi très remuantes sur le plan culturel. Et il suffit de regarder ce qui se passe au niveau des festivals de l’été pour comprendre que la concurrence vient de partout. Les artistes aiment se produire à Bruxelles il n’est pas rare qu’ils s’installent à Charleroi, à la Louvière ou ailleurs pour créer et répéter. La plupart de nos théâtre sont déjà fermé, alors qu’on est pas encore au mois de juillet. Bref il y a du boulot, alors que si on parle de poumon pour la culture, c’est parce que ce poumon apporte de l’air à notre économie. Si le poumon fonctionne moins bien le cœur de la ville battra moins fort.
La culture c’est aussi du lien. Surtout dans ce pays qui a parfois du mal à en être un. Surtout dans une ville ou on est à la fois francophone, néerlandophone, anglophone, arabophone Avec des gens qui brassent des millions et d’autres qui peine à trouver de quoi de manger. Avec ceux qui vont à l’opéra, 90 euros la place, et ceux qui préfèrent le hip hop. Ceux qui adorent l’art abstrait, et d’autre pour qui la culture c’est un jeu sur son smartphone. C’est là sans doute tout le pari : trouver une culture qui serve de trait d’union, qui puisse se partager, qu’on puisse discuter. Un culture qui ne soit pas un bastion, à laquelle on adhère parce qu’on en possède les codes ou qu’on rejette parce qu’on les possède pas.
Pour Bruxelles c’est une question existentielle. Quand la Flandre et la Wallonie voient Bruxelles comme un boulet, un marché, une opportunité, une extension, ou une vulgaire escabelle dont on se sert pour paraitre plus grand qu’on est. La culture Bruxelloise quand on ne la réduisait pas à son expression folklorique type Bossemans et Coppenolle, on a souvent pensé que c’était l’addition, au mieux la synthèse, de la culture flamande et de la culture wallonne. Ca pourrait être ça, à condition qu’on y ajoute une touche de culture française, berbère, italienne, turque, polonaise, suédoise, lituanienne et demain Ukrainienne.
Quand un président de parti dit qu’il ne sent pas en Belgique quand il traverse une commune bruxelloise c’est sans doute parce que son image de la culture est en rupture avec la Bruxelles de 2022. L’enjeu de cette quête culturelle c’est exactement cela. Ne pas laisser les autres dire à quoi nous devrions ressembler. Mais être capable de dire nous même à quoi Bruxelles ressemble vraiment.