L’édito de Fabrice Grosfilley : Gaza, l’émotion, la raison

Comment éviter que le conflit dans la bande de Gaza ne finisse par provoquer de la haine et de la violence en Belgique également ?

Cette question, nous ne pouvons pas l’ignorer, tant la colère monte dans une partie de la population, notamment en région bruxelloise. Une colère qu’on peut estimer légitime, quand on est confronté aux images de ce qui se passe à Gaza.

Ces images d’enfants malnutris, qui ont perdu 10 ou 20 kilos, qu’il faut désormais tenter de sauver en les exfiltrant vers des hôpitaux situés à l’étranger. Ces images sont glaçantes, insupportables — et pourtant, elles se succèdent soir après soir dans nos journaux télévisés. On peut y ajouter la destruction systématique des immeubles et des infrastructures, le ciblage des hôpitaux, l’assassinat des journalistes pour empêcher l’information de circuler.

Ce matin, un appel des différents cultes présents en Belgique incite à rester vigilants et à éviter la polarisation des différentes communautés du pays. “Nous considérons qu’il est de notre devoir moral de faire entendre collectivement notre voix sur les violences qui ne cessent de s’intensifier, et en particulier sur la catastrophe humanitaire qui se déroule à Gaza. Ce qui se passe là-bas transcende les opinions politiques ou religieuses, et nous confronte à des questions fondamentales sur l’humanité, la justice et la responsabilité”,  écrivent les représentants officiels des religions dans un communiqué.

Ensemble, ils demandent donc l’instauration d’un cessez-le-feu et l’acheminement de l’aide humanitaire en toute sécurité. Mais ils précisent aussi : “Le conflit ne doit pas être importé ici et conduire à la polarisation ou à l’hostilité entre les communautés. Dans notre pays, des personnes de croyances et d’origines différentes essaient de vivre ensemble dans le respect. Cela devrait être encouragé.” Ils concluent : “nous appelons au dialogue, à l’entraide […] d’autant plus lorsque les opinions sont fondamentalement différentes.”  L’appel est signé par le Conseil musulman, le Consistoire central israélite, l’Église orthodoxe, les Églises protestantes et anglicanes ainsi que par la Conférence des Évêques.

Alors oui, on doit être attentif à ce que la condamnation, l’émotion, le sentiment de révolte qui peuvent nous animer ne se transforment pas en haine de l’autre. Savoir qu’évidemment, les citoyens de Belgique, quelle que soit leur confession, ne sont pas responsables de la politique mise en place par le gouvernement israélien.  Le fait que des personnalités juives rédigent et signent des appels au cessez-le-feu, et condamnent de manière très ferme et très explicite les exactions commises à Gaza, doit nous aider à garder la distance nécessaire.  Il y a de plus en plus de membres de la communauté juive qui sont horrifiés par ce qui se passe à Gaza.

Reste la question de savoir si notre réaction est à la hauteur de l’horreur. Hier, l’Union européenne a décidé de réviser l’accord d’association qui permet à Israël d’avoir un accès privilégié aux marchés de l’Union européenne. Très bien. Cela arrive sans doute un peu tard. Et cela ne doit pas nous empêcher de continuer à faire pression politiquement aussi. À l’ONU, ou ailleurs.  On se souvient qu’il y a moins de deux mois, Bart De Wever avait publiquement envisagé que la Belgique n’applique pas les mandats d’arrêt décernés par la Cour pénale internationale contre les dirigeants israéliens, en particulier contre Benyamin Netanyahou. Appliquer un mandat d’arrêt émis par une cour dont on a reconnu la compétence, c’est une obligation.  On mesure, avec de tels propos, qu’une partie de nos responsables politiques ne sont pas prêts à prendre réellement leurs distances avec l’État d’Israël.

Un petit détail — mais qui ne sera justement peut-être pas un détail de l’histoire : derrière les frappes israéliennes sur Gaza, on sait qu’il y a désormais une infrastructure basée sur l’intelligence artificielle. Celle-ci repère des militants présumés du Hamas grâce à une analyse des réseaux sociaux ou des contacts téléphoniques.  C’est le logiciel Lavender. Cette intelligence artificielle indique donc à l’armée israélienne où frapper — avec tous les risques d’erreur que cela comporte.  L’intelligence artificielle peut se tromper. Il faut admettre que la frappe en question puisse tomber sur un immeuble, une famille, un camp de réfugiés, et faire des dizaines de victimes, dont le seul tort était de se trouver au mauvais endroit, au mauvais moment.

Aujourd’hui, nous avons le nez sur les événements. Nous ne devons pas laisser la colère nous emporter. Nous ne devons pas laisser la haine nous submerger. Demain, nous aurons le temps d’analyser et de comprendre ce qui s’est passé. Il faudra tirer toutes les conséquences de ce qui est en train de se jouer.  Et on ne pourra pas dire qu’on ne savait pas ce qui se passe à Gaza.

BX1
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