L’édito de Fabrice Grosfilley : deux semaines pour… confirmer un accord

Entre le soulagement et l’exaspération. Ce sont les deux états d’esprit entre lesquels on oscille ce lundi, après l’annonce d’un premier accord enfin engrangé ce week-end dans le cadre des négociations bruxelloises. Oui, six partis sont enfin d’accord pour négocier un budget pour les quatre années à venir. Et ils sont même d’accord maintenant pour dire que ce budget devrait réduire le déficit régional d’un milliard d’euros, avec 750 millions à aller chercher du côté des économies, et 250 millions à récupérer du côté des recettes fiscales, via une meilleure ventilation et une meilleure perception des taxes régionales.

Il aura fallu deux semaines pour se mettre d’accord sur cette répartition entre économies et recettes, et aussi, soyons justes, pour discuter du rythme de cet assainissement budgétaire : ce qu’on fera la première année, la deuxième, la troisième. Deux semaines aussi pour définir clairement le point de départ de cet assainissement : part-on du déficit actuel (1,5 milliard) ou du déficit tel qu’il aurait dû être (1,2 milliard), comme le souhaitait l’Open VLD ? Finalement, ce sera bien 1,5 milliard. Il restera donc un déficit de 500 millions en fin de législature. Cela représente (voyons le verre à moitié plein) une réduction aux deux tiers de ce déficit. Le retour à l’équilibre budgétaire, l’idée du zéro déficit, ce sera pour la législature suivante.

Honnêtement, la plupart de ces éléments étaient connus depuis quinze jours. Mais il aura fallu deux semaines pour que l’Open VLD de Frédéric De Gucht accepte l’épure. Deux semaines pendant lesquelles les libéraux néerlandophones ont tergiversé, fait des contre-propositions, tenté d’obtenir des garanties sur la suite des négociations, avant de finalement rentrer dans le rang. Vendredi, cinq des six partis avaient déjà accepté la proposition de David Leisterh, qui clarifiait le cadre adopté il y a quinze jours. Samedi matin, l’Open VLD a fini par dire oui, lui aussi. Un oui avec quelques regrets quand même. « Nous sommes plus ambitieux pour Bruxelles, mais malheureusement, nous sommes seuls dans cette ambition », indiquait le communiqué de presse, qui estimait même que ce trajet budgétaire allait poser des problèmes de financement, tout en reconnaissant dans le même temps que « l’alternative, à savoir la gestion des affaires courantes, serait encore pire ».

Pour les amateurs de détails – mais on sait qu’en politique belge, le diable est dans les détails – l’Open VLD parle d’ailleurs, dans ce communiqué, de 800 millions d’économies et non de 750 millions. L’Open VLD a-t-il déjà intégré dans son calcul un effet retour lié à une meilleure gestion de la dette, ou une partie du tax shift qui a aussi été acté entre négociateurs ? On sait que 100 millions de recettes fiscales vont changer d’origine. On laisse l’Open VLD s’expliquer avec les autres négociateurs ; on retient surtout que l’Open VLD a dit oui à la négociation.

D’un point de vue politique, on pourrait d’ailleurs s’interroger sur ce que l’Open VLD a réellement obtenu ces dernières semaines. Il avait dit : pas de gouvernement sans la N-VA. Il n’y a pas la N-VA. Pas de gouvernement sans majorité néerlandophone. Il n’y a pas de majorité néerlandophone. Et Frédéric De Gucht, adepte des formules chocs et du remède de cheval, parlait même d’un équilibre budgétaire à trois ans dans certaines interviews. Cet équilibre budgétaire est reporté à la prochaine législature.

Sans doute Frédéric De Gucht a-t-il pris conscience du bouchon qu’il ne fallait pas pousser trop loin, sous peine de devenir le fossoyeur de la Région bruxelloise. Peut-être a-t-il eu en tête que le nouveau rapport de Standard & Poor’s, attendu en fin de semaine, pouvait dégrader à nouveau la note de la Région bruxelloise, et qu’en cas de refus d’entrée en négociation, il aurait pu en être tenu pour responsable. Peut-être a-t-il intégré aussi qu’avec deux députés au Parlement bruxellois, il était arrivé au maximum de ce qu’il pouvait demander, et qu’après avoir joué pendant des mois à monsieur Non pour se faire un prénom, il était temps de corriger son image et de se montrer sous un autre jour : celui d’un dirigeant politique prêt à prendre ses responsabilités et capable de compromis.

Évidemment, la négociation n’est pas terminée. On a un cadre, on a des objectifs, on a le rythme de l’assainissement budgétaire. Maintenant, chaque parti va mettre ses demandes et ses lignes rouges sur la table. Oui, on peut diminuer les subsides prévus pour tel secteur ; non, on ne peut pas toucher à la politique du logement ou à la politique sociale ou aux aides aux entreprises. Oui, on peut augmenter la fiscalité sur l’automobile ou sur l’immobilier, à condition de la baisser de ce côté-là, etc. Ce sera un marchandage. Il y aura encore des points de blocage, et il faudra de la sagesse et du volontarisme pour pouvoir les dépasser.

Si les partis retrouvent entre eux un minimum de confiance et acceptent de travailler dans le sens de l’intérêt commun, cela devrait être possible. Pas facile, mais possible. On pourrait donc avoir un budget pluriannuel dans quelques semaines, peut-être même à la fin du mois si on s’y met sérieusement. Pour les négociateurs, c’est donc le moment ou jamais de démontrer leur bonne volonté et leur professionnalisme.

Après, une fois qu’on aura le budget, il faudra encore installer un gouvernement pour l’appliquer. Faute de double majorité, il faudra alors négocier un soutien extérieur. Ou opter pour un remplacement des ministres un par un, ce qui permet de contourner l’obligation de double majorité.  Côté francophone, MR, PS et Engagés pourront donc se répartir les mandats actuellement dévolus à Rudi Vervoort, Alain Maron et Bernard Clerfayt.  Côté néerlandophone, faute de double majorité, il faudra repartir avec les ministres actuels. Ça tombe bien : Groen, Vooruit et Open VLD, les partenaires actuels, sont aussi ceux qui négocient le budget. Parfois, il faut que rien ne change pour que tout change.

Après quinze mois d’un tunnel de non-négociations, on n’en est pas encore à ouvrir le champagne.  Mais on note qu’il y a enfin une lumière au bout du tunnel. Et par naïveté, ou par lassitude, pour sortir de notre exaspération, on a envie de s’y accrocher.

BX1
Résumé de la politique de confidentialité

Ce site utilise des cookies afin que nous puissions vous fournir la meilleure expérience utilisateur possible. Les informations sur les cookies sont stockées dans votre navigateur et remplissent des fonctions telles que vous reconnaître lorsque vous revenez sur notre site Web et aider notre équipe à comprendre les sections du site que vous trouvez les plus intéressantes et utiles.

Plus d'informations sur nos mentions légales