L’édito de Fabrice Grosfilley : choisir ses arguments

Un plan good move temporairement gelé dans le quartier de la Cage aux Ours. C’est la décision prise par la commune de Schaerbeek. Le temps de consulter à nouveau la population et d’essayer de trouver un relatif consensus entre des points de vue qui sont fortement divergents.

Je vais l’avouer franchement : il n’est pas si facile d’écrire deux jours de suite un éditorial sur ces incidents de Schaerbeek. J’avais déjà dit beaucoup de chose hier sur le manque d’écoute et sur le recours illégitime à la violence. Cette analyse-là s’est hélas vérifiée sur le terrain. Avec des policiers et des pompiers blessés, ce qui est inacceptable, et une volonté d’imposer par la force ce que l’on n’arrive pas à obtenir par la conviction et les moyens démocratiques.

Certains veulent aujourd’hui faire la parallèle avec la désobéissance civile. La comparaison a ses limites. La désobéissance civile, c’est une méthode de protestation qui consiste à attirer l’attention par des moyens pacifique, cela n’autorise pas la mise en danger d’autrui. Hier soir ce n’était pas Gandhi qui était dans les rues de Schaerbeek. Les manifestants ne se sont pas gentiment enchaînés au milieu de la chaussée. Ils ont démonté et cassé du mobilier urbain, ils ont déclenché un début d’incendie et jeté des projectiles sur les policiers.

Pour faire avancer le débat j’aurai pu par exemple vous parler d’un accident de la circulation survenu ce matin à Schaerbeek. Un piéton renversé par une moto et grièvement blessé. Et vous dire que c’était bien la preuve qu’on a besoin d’une circulation apaisé et de mesures qui protègent les usagers faibles. Sauf que cela n’a évidement rien à voir, que cela ne se passe pas exactement dans le même quartier  et qu’on m’aurait taxé à juste titre de mauvaise foi.

Je prends malgré tout cet exemple pour indiquer qu’on peut dire un peu tout et n’importe quoi dans ce débat autour de Good Move. Et que beaucoup d’arguments qui sont régulièrement invoqués dans les discussions n’ont en réalité rien à voir avec la mobilité. L’un de ces arguments consiste à dire qu’on essaye de faire la guerre aux classes populaires. Que le processus de gentrification est une volonté politique, avec des relents racistes. Ou que les échevins néerlandophones ne sont pas assez représentatifs pour gérer ces dossiers. Tous ces arguments n’en sont pas. La gentrification existait avant Good Move, et les élus néerlandophones sont aussi représentatifs que les autres, même s’ils défendent des idées différentes des vôtres.

Pour qu’on puisse mener un débat il faut d’abord s’appuyer sur des faits et des affirmations qui correspondent à la réalité. Affirmer que Good Move empêche le passage des ambulances, ou vide Bruxelles de ces entreprises ce n’est pas la réalité. Affirmer à l’inverse que tout le monde peut circuler à vélo et que plus personne n’a  besoin de voiture ce n’est pas la réalité non plus. Et le problème c’est que quand on se bat à coup de slogan on finit par tomber dans l’irrationnel. On doit discuter sur des faits pas sur ses peurs ou ses préjugés, et cesser de considérer que c’est d’office le camp d’en face qui est minoritaire quand on n’en sait rien. En ce sens la décision prise à Schaerbeek  de geler le projet quelques mois  pour tenter de renouer le dialogue est une bonne décision. Il faut sortir des postures irrationnelles et de la haine de l’autre pour avoir une chance s’entendre.

Je vais terminer en m’adressant aux élus. On ne peut pas siéger dans un conseil communal ou au parlement régional, avoir pour  pour mission de  représenter les autres en portant leur parole dans des forums  démocratique et cautionner ce qui ressemble à un processus d’insurrection. Il serait utile que la condamnation de ces gestes là soient très clairs de la part des partis démocratiques. Ce sera même un moyen assez efficace pour savoir qui est démocrate et qui ne l’est pas. La politique c’est l’art de gérer la cité. Vouloir défendre une position coute que coute sans aucun compromis ce n’est pas de la politique, c’est juste de l’idéologie.

 

Fabrice Grosfilley

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26 octobre 2022 - 18h03
Modifié le 27 octobre 2022 - 16h16