Le vaccin contre le Covid perturbe la vaccination en milieu scolaire

Des services de médecine scolaire débordés, des parents réticents à faire vacciner leurs enfants, de fausses infos faisant croire à tort que les élèves seront vaccinés à leur insu contre le Covid-19 : la méfiance vis-à-vis de la vaccination des enfants est en hausse. Avec des risques pour la qualité de la couverture vaccinale?  

« Ne vous étonnez pas le jour où vos enfants rentreront de l’école vaccinés contre le Covid » : cette phrase tirée d’un message vocal se propageant sur les réseaux sociaux est un exemple des fake news visant les parents d’élèves dans les écoles fondamentales. Un mois après l’autorisation de la vaccination contre le Covid pour les enfants de 5 à 11 ans, et alors que le débat sur la vaccination obligatoire est en cours, ces rumeurs complètement fantaisistes fleurissent, ajoutant à la confusion sur un sujet déjà sensible. Dans l’une des écoles concernées, la direction a décidé de communiquer aux parents qu’il était inutile d’envoyer des courriers pour manifester leur refus de faire vacciner leur enfant contre le Covid, se sentant obligée de préciser au passage qu’aucune campagne de vaccination contre le coronavirus « n’est programmée à votre insu dans les écoles fondamentales. » Fort heureusement, ce genre de hoax n’ont qu’un impact marginal, commente la directrice de l’inspectrice pédagogique de la commune d’Anderlecht. Quelques écoles communales ont en effet vu circuler ces messages, qui n’ont finalement suscité que peu de réactions.

Méfiance

Il n’empêche. Une réticence se fait jour vis-à-vis des campagnes de vaccination en milieu scolaire, nous confirme Sylvie Anzalone, porte-parole de l’ONE. Certes, les opposants aux vaccins préexistaient à la crise sanitaire, mais la méfiance semble gagner du terrain, se nourrissant de la peur autour du vaccin contre le Covid-19, avec un impact sur la vaccination classique. Ainsi certains pensent qu’en donnant leur accord, par exemple, pour le vaccin RRO (Rougeole, rubéole, oreillons), ils le donnent également pour l’injection contre le Covid.

Rien n’est plus faux. La vaccination contre le Covid-19, autorisée en Belgique depuis le 21 décembre pour les 5-11 ans, se pratique en dehors de l’école, singulièrement dans les centres de vaccination, et avec l’accord express des parents. Il est vrai que dans le secondaire les écoles ont été associées à la vaccination des jeunes à partir de 12 ans, mais cela ne concerne en aucun cas les enfants de moins de 11 ans.

Quant aux vaccins « classiques » (contre la rougeole, la rubéole, les oreillons, le tétanos, etc), ils peuvent être administrés dans le cadre scolaire, dans les consultations de l’ONE ou chez le médecin traitant. Dans le milieu scolaire, aucune injection ne sera réalisée sans l’accord des parents, consigné dans un document écrit du Service PSE ou du Centre PMS. Ce document indique précisément le nom de la maladie contre laquelle une vaccination est proposée. C’est sur base des informations données par les parents que le médecin scolaire injectera le produit. Sans accord, aucune vaccination ne sera entreprise.

Vaccination en baisse

Cette baisse de confiance, certains PSE bruxellois l’observent bel et bien. « La vaccination contre le Covid crée de la confusion dans l’esprit de certains. », observe cette infirmière scolaire. « Nous rencontrons des parents inquiets de ne pas être présents lors de la vaccination de leur enfant, craignant qu’il ne soit vacciné contre le Covid, ou tout simplement qu’il ne soit vacciné contre leur gré, et préfèrent dès lors refuser toute vaccination quelle qu’elle soit Mais nous ne vaccinons jamais contre la volonté des parentsCes difficultés se ressentent dans toutes les écoles de la communeCette atmosphère ne facilite pas notre travail. »

Une tendance qui ne s’observe pas dans la vaccination des bébés. Chez les tout petits, la couverture vaccinale reste bonne, précise Tessa Goetghebuer, pédiatre au CHU Saint-Pierre et conseillère pédiatre à l’ONE. Mais on ne peut en dire autant de la population scolaire. Il est vrai qu’on vaccine moins aujourd’hui en milieu scolaire, confirme-t-elle. Pour plusieurs raisons : la médecine scolaire est débordée par ses missions de tracing, il y a davantage d’absentéisme en raison des maladies et des quarantaines, d’écoles fermées suite à des cas positifs, les absents pour maladies, ont un impact sur le taux de vaccination.

Selon les chiffres de l’ONE, depuis 2018-2019, la vaccination RRO chez les enfants de 11-12 ans ne fait que diminuer en Belgique francophone, passant de 18711 vaccins administrés en 2018-2019 à 13242 pour l’année académique 2020-2021. Avec seulement 5418 vaccins, l’année 2021-2022 ne s’annonce pas des meilleures en la matière, mais les données ne sont pas encore complètes. L’ONE rappelle pourtant l’importance de suivre le calendrier vaccinal. De quoi s’inquiéter ? Selon Tessa Goetghebuer, les couvertures sont déjà limite pour la rougeole, singulièrement pour les secondes doses, dont l’âge d’injection est passé de 12 à 7-9 ans. “Il est tout a fait possible d’assister à une récurrence de cas dans les prochaines années.”, conclut la pédiatre.

S.R. – Photo : Arch. Bx1