Sommet européen, Palais royal : retour sur la visite bruxelloise du président Zelensky

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a atterri jeudi matin peu avant 10h à Bruxelles. Il s’est exprimé devant le parlement européen, puis lors du Conseil européen. Il s’est ensuite entretenu avec différents chefs d’Etat lors de réunions bilatérales, avant d’être reçu par le roi Philippe au Palais royal.

Il a été accueilli sur le tarmac par le Premier ministre belge Alexandre De Croo, la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen et le président du Conseil Charles Michel, qui l’avait invité à assister au sommet européen extraordinaire de ce jeudi.

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Volodymyr Zelensky s’est adressé au Parlement européen avant de participer au Conseil extraordinaire. Le président ukrainien s’était envolé jeudi matin près de Paris en compagnie de son homologue français Emmanuel Macron pour se rendre au sommet européen de Bruxelles.

“Un jour historique”

Pour le président du Conseil Charles Michel, il s’agit d’un sommet “absolument exceptionnel et unique” de par la présence physique de Volodymyr Zelensky à Bruxelles. Il s’agit d’un “jour historique pour l’Europe”, a commenté sur Twitter la présidente du Parlement européen Roberta Metsola, se disant “fière” de cette venue du président dans la “Maison de la démocratie européenne”.

“Alors que l’invasion russe brutale, illégale et injustifiée d’une Ukraine souveraine et indépendante continue, la défense de la liberté et de nos valeurs communes devient encore plus critique. Nous pouvons être très fiers qu’au fil de l’année écoulée, notre Parlement a mené les efforts pour soutenir l’Ukraine et son chemin en tant que pays candidat à l’adhésion à l’UE”, ajoute-t-elle dans ce message écrit aux eurodéputés, transmis avant que le président ukrainien n’apparaisse dans un hémicycle bien garni d’élus, de commissaires européens et de représentants de la presse, pour une courte plénière extraordinaire.

Volodymyr Zelensky s’est déjà adressé par visioconférence six fois aux Vingt-sept depuis l’agression russe du 24 février dernier, mais pas encore en présence physique. “Une réunion physique aura bien plus d’importance que dix réunions virtuelles: on verra ses réactions, la confiance dans les yeux du président Zelensky, et cela ne peut que nous inspirer tous”, a affirmé le président lituanien, Gitanas Nauseda, à son arrivée au sommet. Nous sommes plus unis que jamais“, a martelé le président Michel, en soulignant l’importance d’accroître l’effort militaire et le soutien politique à l’Ukraine.

“Nous nous défendons, nous vous défendons”

Dans l’hémicycle bruxellois du Parlement européen, le président ukrainien a pris la parole vers 11h05 et pour une quinzaine de minutes, remerciant d’abord l’assemblée, sa présidence et l’UE dans son ensemble pour son “attention” et ses “efforts” pour Kiev.

À plusieurs reprises, aussi bien en début qu’en fin d’allocution, il s’est interrompu pour lui-même applaudir les personnes dans la salle, ces personnes qui sont “à la fois des représentants et dirigeants de l’Europe”.  “Nous voulons défendre l’Europe face aux forces les plus anti-européennes du monde, avec vous, sur le champ de bataille“, a lancé le président ukrainien. Soulignant la “chance” de l’Europe d’avoir une démocratie solide “qui soutienne les principes que nous défendons”, il a assuré que cette démocratie européenne “est, pour nous en Ukraine, notre maison, et le chemin que nous défendons”. “Tous les Ukrainiens, peu importe leur âge, leur parcours, partagent cette volonté. (…) Nous avons une histoire commune, c’est celle de l’Europe. Nous sommes Européens“, a-t-il ajouté. “Je me présente devant vous aujourd’hui pour défendre cet accès à cette maison, cette porte d’entrée“.

Son discours au Parlement n’a pas pris le ton revendicateur que certains attendaient peut-être, le président n’évoquant d’ailleurs pas les fournitures d’armes et de matériel militaire supplémentaire ardemment désirées à Kiev. Jouant davantage sur les sentiments, il a dépeint un Kremlin pour lequel “la vie humaine ne compte pas”, considérant ses citoyens comme “de la chair à canon”, face à une Europe qui a à offrir “un mode de vie où l’individu et le droit prévalent, où les États essaient de s’entraider et comprennent leur diversité (…), où les frontières ne sont pas violées”.

Dans cette bataille, UE et Ukraine sont unies, a-t-il bien fait comprendre. “Une fois que l’Ukraine tombera, c’est votre mode de vie qui tombera. Nous ne devons pas le permettre“. Paix, sécurité et maintien des acquis européens ne seront possibles “que si nous battons les forces anti-européennes qui essaient de vous dérober cette Europe que vous avez créée“, ajoute Volodymyr Zelensky, qui a conclu son discours sur une invitation à tous à se rendre en Ukraine.

Le président est reparti avec un drapeau de l’Union européenne, qui lui a été remis par Roberta Metsola.

“Vos noms seront gravés dans l’histoire de l’Europe”

Peu avant 12h30, le président ukrainien est arrivé au Conseil européen, pour d’abord se prêter à l’exercice d’une photo de groupe avec les chefs d’État et de gouvernement des 27. Il s’est ensuite adressé aux chefs d’État et de gouvernement de l’Union européenne, lors d’un sommet européen extraordinaire à Bruxelles, le premier en sa présence physique.

Si nous parvenons à garantir la sécurité de l’Europe à long terme, je peux vous garantir que vos noms seront gravés dans l’histoire de l’Europe, comme ceux de Robert Schuman et de Jean Monnet“, leur a-t-il lancé, en évoquant ces pères fondateurs du projet européen. Remerciant les Européens pour leur “soutien sans faille”, qu’il soit militaire, financier ou humanitaire, le président ukrainien a assuré que le projet européen s’était renforcé depuis l’agression russe de son pays, le 24 février 2022.

Conférence de presse Conseil européen Ursula Von der Leyen Charles Michel Volodymyr Zelensky - Belga Nicolas Maeterlinck
La présidente de la Commission européenne Ursula Von der Leyen, le président ukrainien Volodymyr Zelensky et le président du Conseil européen Charles Michel

L’Europe est devenue plus forte, cette dernière année, grâce à vos décisions personnelles. Et même s’il y a eu des doutes, et parfois des débats, vous êtes toujours parvenus à prendre ces décisions ensemble, des décisions fortes, et je vous en remercie“, a-t-il déclaré aux chefs d’État et de gouvernement. À ses yeux, l’unité de l’Europe est le chemin fondamental vers la sécurité. Le président ukrainien n’a pas manqué de rappeler son espoir de voir s’ouvrir, d’ici la fin de l’année, les négociations d’adhésion de son pays à l’Union européenne. Il a rappelé aussi les besoins en artilleries, munitions, chars modernes, missiles à longue portée et autres avions de chasse modernes.

Merci d’en faire davantage, nous devons aller plus vite que notre agresseur qui est en train de se mobiliser“, a-t-il averti. Volodymyr Zelensky s’est montré satisfait des mesures européennes visant à se défaire de la dépendance aux énergies russes, afin que Moscou ne puisse plus utiliser l’énergie comme une arme de guerre. Quant aux sanctions, il a appelé à plus de proactivité, tout en reconnaissance ne pas pouvoir encore en mesurer l’impact. “Nous ne savons pas encore si les sanctions ont vraiment limité le potentiel d’agression de la Russie, nous n’en sommes en réalité qu’au début, il faudra donc analyser l’impact, mais nous devons être plus proactifs“, a affirmé M. Zelensky. Il souligne notamment l’importance de sanctionner les technologies permettant de développer des drones.

“Pas le droit de rentrer à la maison sans résultats”

Le président ukrainien a entamé pendant l’après-midi des réunions bilatérales avec des chefs d’États et de gouvernement de l’UE au sommet de Bruxelles, afin de tenter d’obtenir des engagements militaires supplémentaires.

Je n’ai tout simplement pas le droit de rentrer à la maison sans résultats. Il est très important que les échanges que nous allons avoir portent leurs fruits“, a déclaré M. Zelensky devant la presse, après s’être entretenu avec les Vingt-sept réunis en Conseil extraordinaire. Pour le président du Conseil Charles Michel, le sommet ne peut en effet constituer seulement “une tribune médiatique supplémentaire”. “Nous mesurons bien que ce qui fait la différence, ce ne sont pas tant les mots que les capacités militaires pour repousser l’agression” russe. Les bilatérales avec M. Zelensky se dérouleront en réalité par petits groupes, la Belgique étant versée avec le Luxembourg et le Portugal, a-t-on appris à bonne source.

Le Premier ministre belge Alexander De Croo accueille le président ukrainien Volodymyr Zelensky à l’aéroport de Melsbroek – Photo : Belga/Présidence ukrainienne

Interrogé à son arrivée au sommet, le Premier ministre belge Alexander De Croo avait rappelé que la Belgique avait déjà décidé il y a deux semaines d’un important paquet d’aide militaire à l’Ukraine. Quant à fournir des avions de chasse, ce ne sera pas possible pour elle. “Notre pays a vraiment besoin de ses avions de chasse, nous ne pouvons pas nous en passer. Ils sont utilisés pour défendre l’OTAN, on le fait depuis des années dans les États baltes et ils sont appréciés pour cela“, avait déclaré M. De Croo, ajoutant que ces avions défendaient aussi les espaces aériens de la Belgique et des Pays-Bas.

Pas de réelle nouveauté pour la Belgique

M. Zelensky a quitté vers 18h30 le bâtiment Europa, après y avoir passé six heures à discuter avec les Vingt-sept d’un renforcement possible de leur soutien à son pays.

Concernant la Belgique, pas de réelle nouveauté, le pays ayant décidé il y a quinze jours à peine d’une fourniture d’aide militaire supplémentaire pour un montant de 92 millions d’euros. “Il n’y a pas eu de demande supplémentaire de la partie ukrainienne“, selon une source belge.

Face aux préoccupations de l’Ukraine pour son image internationale attaquée par la propagande russe, le Premier ministre Alexander De Croo a proposé de sensibiliser des pays d’Afrique, centrale en particulier, dans les cénacles internationaux, pour tenter de contrer la désinformation.

Concernant les avoirs russes gelés en Belgique, les deux dirigeants partagent la volonté de trouver une solution juridique pour pouvoir saisir ceux qui seraient liés avec des activités criminelles, afin de les utiliser pour la reconstruction de l’Ukraine. La Belgique est le pays qui a gelé le plus d’avoirs russes: près de 4 milliards d’euros sur les 20 milliards gelés dans l’UE, avait indiqué dernièrement le commissaire à la Justice Didier Reynders. La Belgique a en outre gelé des actifs du National Settlement Depository (NSD), pour plusieurs dizaines de milliards.

Le sujet est d’autant plus sensible que la Belgique ne veut pas à nouveau subir les foudres qu’elle a endurées dans le dossier des fonds libyens gelés.

Quant aux diamants russes qui continuent de transiter par Anvers, la Belgique a expliqué au président ukrainien vouloir miser sur un système de traçabilité à une échelle plus large que l’UE. Elle a répété que ce travail était en cours avec la Commission européenne et le G7. Particulièrement observée sur ce point, la Belgique affirme qu’interdire ce commerce ne ferait que le détourner vers d’autres places mondiales, sans tarir le moins du monde les recettes de la Russie. Elle veut aussi que soit envisagé le produit fini, pas seulement le diamant brut, car ce dernier reviendrait poli par d’autres voies.

Zelensky reçu au Palais royal

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a été reçu jeudi en fin d’après-midi au Palais royal par le roi Philippe et le Premier ministre Alexander De Croo à l’issue de sa courte visite à Bruxelles.

 

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky reçu par le Roi Philippe. Photo : Belga

Lors de cette audience au Palais, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a offert un cadeau hors norme au Roi Philippe. Il lui a remis un fragment d’un avion russe SU25 abattu en Ukraine, a signalé le Palais jeudi soir dans un message posté sur Twitter.

Les mots en anglais ‘together we win’ (‘ensemble, nous gagnons’, NDLR) avaient été rédigés par des soldats ukrainiens sur cette pièce aéronautique.

Pour le souverain belge, cette entrevue lui a permis d’être informé par M. Zelensky de la situation en Ukraine et de lui témoigner du soutien de la Belgique.

■ Reportage de Meryem Laadissi, Béatrice Broutout et Apolline Feron.

Avec Belga – Photo : Belga/Nicolas Maeterlinck