La Chambre approuve de nombreuses lois à l’aube des élections
La séance plénière de la Chambre de ce jeudi s’est terminée tard dans la nuit de jeudi à vendredi suite au vote de nombreuses lois. On fait le point sur les différents textes qui sont passés devant le Parlement.
Obligation de l’arrondi lors du paiement
La Chambre a approuvé une proposition de loi qui impose aux commerçants de pratiquer l’arrondi symétrique, c’est-à-dire d’arrondir leur addition à un multiple de 5 centimes, lors d’un paiement en liquide. Les auteurs du texte veulent de la sorte réduire la circulation des pièces d’un et deux centimes. Selon une enquête réalisée en 2012, respectivement 91% et 83% des Belges sont favorables à leur suppression.
Depuis 2014, les commerçants avaient la faculté d’arrondir leur addition mais seuls 30% d’entre eux l’utilisent, d’après une enquête menée par le Syndicat neutre des indépendants. Lors d’un paiement par carte bancaire, l’arrondi demeure une faculté offerte au commerçant. Les pièces d’un ou deux centimes ne disparaissent pas pour autant et demeurent un moyen de paiement valable.
Disparition de la mention “divorcé” sauf nécessité
La Chambre a approuvé à l’unanimité une proposition de loi qui fait disparaître l’obligation de mentionner si l’on est divorcé ou veuf sur des documents administratifs sauf si c’est nécessaire.
Actuellement, les personnes divorcées voient encore apparaître cette mention sur bon nombre de documents administratifs, par exemple dans la banque-carrefour de la sécurité sociale. Or, pour certaines d’entre elles, il s’agit d’une expérience stigmatisante qui les ramène systématiquement en arrière et leur rappelle des souvenirs pénibles. Il en va de même pour les veufs.
Le PS, le MR, l’Open Vld et la N-VA ont déposé des propositions de loi qui visent à corriger cette situation. Elles ont été intégrées dans un texte commun.
Le texte impose au ministre de l’Intérieur de dresser une liste des actes pour lesquels la mention du divorce ou du veuvage est nécessaire. Dans le cas, où elle n’est pas strictement nécessaire, elle n’apparaîtra qu’à la demande de l’intéressé. Le contenu des registres en revanche reste inchangé.
Plusieurs allègements fiscaux
La Chambre a approuvé une série de propositions de loi en matière fiscale.
Le parlement a ainsi décidé de faire passer le taux de TVA sur l’achat d’un vélo classique ou électrique de 21% à 6%. La mesure devra encore être soumise par le gouvernement aux instances européennes.
L’une des mesures de la réforme de l’impôt des sociétés les plus controversées dans la partie francophone du pays a été supprimée. À l’avenir, les PME qui ne rémunèreraient pas assez leur dirigeant – à hauteur de 45.000 euros par an – ne devront plus s’acquitter d’une pénalité de 5%. En revanche, elles ne pourront toujours pas bénéficier du taux réduit de 20%.
Pour promouvoir l’assurance protection juridique, une diminution d’impôt verra le jour. Elle s’élèvera en 2020 à 124 euros. Cette assurance couvre notamment les litiges liés au divorce et à la construction. Le plafond de garantie de l’assurance est fixé à au moins 13.000 euros par litige en matière civile et 13.500 euros en matière pénale. Pour un litige lié à un divorce ou à une cohabitation légale, la garantie s’élève à minimum 3.375 euros par personne assurée et 6.750 euros concernant les litiges contractuels dans la construction.
La TVA réduite dont bénéficient les livres, les journaux et les publications périodiques imprimés sera étendue aux publications numériques afin de garantir un traitement égal et prendre en compte la numérisation du secteur de la presse.
Pensions alimentaires : le plafond qui donne droit à une avance sera relevé
La Chambre a approuvé une proposition de loi qui doit améliorer la situation des ex-époux, surtout des femmes, en attente de paiement d’une pension alimentaire.
Des propositions du cdH et du PS visaient soit à relever à 2.500 euros le plafond de revenus mensuels donnant droit à une avance du Service des Créances Alimentaires (SECAL), soit à le supprimer. Un compromis a finalement été trouvé pour faire passer ce plafond de 1.800 euros actuellement à 2.200 euros.
Le SECAL, le service des créances alimentaires (Secal), a payé l’an dernier 29,9 millions d’euros d’avances au profit de 18.521 enfants. Si le montant était en hausse de 22% par rapport à l’année précédente, il est bien loin des arriérés en la matière qui s’élevaient à 432 millions d’euros.
Nouvelle loi sur sur les jeux de hasard
La Chambre a approuvé le projet de loi sur les jeux de hasard. Le texte durcit les conditions d’installation de tels jeux dans les cafés. Jusqu’à présent, ces jeux n’étaient pas réglementés. Le nombre de ces jeux à mise réduite sera réduit à deux, un contrôle de l’âge aura lieu par le biais d’un lecteur de carte d’identité, une autorisation sera nécessaire et la Commission des jeux de hasard exercera son contrôle sur les mises et les pertes ou les gains. L’installation de ces jeux dans d’autres endroits impliquera en outre de recevoir une autorisation de la commune.
Les conditions à remplir pour recevoir une autorisation seront durcies. Les exploitants de café devront ainsi se soumettre à une enquête d’antécédents. Le paiement des taxes régionales sera également contrôlé. Les agences de pari ne pourront pas s’installer à proximité d’une école, d’un hôpital ou d’endroits qui pourraient être fréquentés par des mineurs et des personnes présentant un problème d’accoutumance.
Le rôle de la commune est renforcé. Les agences de pari seront par exemple tenues de conclure une convention avec la commune sur le territoire de laquelle elles s’installent. Les communes pourront également constater des infractions. Les agences de pari se verront imposer l’application de l'”Excluded Persons Information System” (EPIS), ce qui signifie qu’ils ne seront plus accessibles aux joueurs exclus ainsi qu’aux mineurs.
Les jeux virtuels exploités dans les agences seront interdits aux moins de 21 ans. Les jeux de la Loterie nationale seront interdits aux moins de 18 ans.
Le texte octroie également la compétence à la Commission des jeux de hasard de mettre un terme aux paris susceptibles de fraude. Sa capacité d’infliger des sanctions en cas d’infraction est accrue. Des officiers de police, aux compétences étendues, seront détachés. Il octroie aussi la compétence à la Commission des jeux de hasard de mettre un terme aux paris susceptibles de fraude, par exemple des paris sur des joueurs inconnus, des matchs arrangés ou encore des matchs sur lesquels il est brusquement et massivement parié sans raison.
Le pouvoir de la Commission d’infliger des sanctions en cas d’infraction est accru. Des officiers de police, aux compétences étendues, seront détachés.
Les paris “en live” (pendant un match) ne seront pas interdits mais le ministre compte notamment sur le système EPIS pour lutter contre les abus auxquels ils pourraient donner lieu.
Nucléaire : mécanisme de récupération de capacité
La proposition de loi-cadre sur le mécanisme de rémunération de capacité (CRM) a reçu vendredi un large appui à la Chambre. Le texte vise à soutenir les centrales au gaz pour assurer la sortie du nucléaire en 2025. Seuls la N-VA et le PTB ont voté contre. Le sp.a et DéFI se sont abstenus.
Le CRM doit lever les incertitudes qui entravent les investissements dans les centrales au gaz. Il rémunère un producteur pour la mise à disposition d’une capacité, et celui-ci s’engage à rembourser la différence éventuelle entre le prix de l’option et le prix du marché quand cette capacité est utilisée. Il s’appuie sur un système d’enchères 4 ans avant la fourniture d’électricité et un an pour être en mesure d’adapter le volume demandé. La première enchère est prévue en 2021.
Le CRM est l’un des projets du gouvernement Michel qui n’a pu être approuvé définitivement avant la chute de l’exécutif. Le texte préparé par la ministre de l’Energie, Marie-Christine Marghem, a été inscrit dans une proposition de loi.
La coalition gouvernementale a dû chercher des voix dans l’opposition pour faire passer la proposition. La N-VA, ex-partenaire de majorité, en conteste le bien-fondé et continue à plaider pour le maintien du nucléaire au-delà de 2025. Le PS, les écologistes et le cdH ont voté pour.
Nouveau droit de la preuve
La Chambre a approuvé une réforme du Code civil qui modifie le droit de la preuve.
La première mouture du Code remonte à 1804. La réforme du ministre de la Justice, Koen Geens (CD&V), fait droit à l’évolution de la société faite d’e-mail ou de SMS. Un courrier électronique ou un sms constitueront désormais des preuves suffisantes pour des achats et ventes dont le montant ne dépasse pas 3.500 euros. Au-delà un accord écrit est obligatoire. Le texte permet également au juge de renverser la charge de la preuve. Un tel cas pourrait par exemple se produire si le client d’une banque ne reçoit pas d’argent lors d’un retrait au distributeur mais que son compte est débité.
Extension de la pension “ménage” aux couples indépendant-fonctionnaire
Parmi les votes adoptés la nuit dernière à la Chambre figurait également l’octroi d’une pension à taux ménage aux couples indépendant-fonctionnaire. “Une avancée qui permet de mettre un terme à une inégalité de traitement entre salariés et indépendants”, a souligné vendredi le ministre des Indépendants Denis Ducarme, cité dans un communiqué.
À partir du 1er juillet, les couples mariés indépendant-fonctionnaire pourront bénéficier d’une pension à taux ménage lorsque cela les avantage, comme c’est déjà le cas pour les salariés.
La pension à taux ménage est octroyée au travailleur marié dont le conjoint ne dispose pas de revenus ou de prestations sociales. Le taux ménage correspond à un supplément de 25% par rapport au taux isolé.
Chaque conjoint peut renoncer au paiement de la prestation dont il est bénéficiaire afin de permettre à l’autre conjoint d’obtenir une pension à taux ménage, ce qui est plus avantageux pour les couples qui ont une importante différence de revenus.
Dès lors, un indépendant avec une carrière complète qui bénéficie du taux ménage pourra prétendre à une pension mensuelle de 1.566,79 euros par mois, soit un gain potentiel de 312,96 euros par mois par rapport au niveau isolé, selon M. Ducarme.
Les dossiers concernés par cette mesure ont été identifiés par l’administration et la pension recalculée à la hausse sera automatiquement payée aux couples concernés à partir du 1er juillet. Aucune démarche administrative ne doit donc être entreprise.
Au 1er janvier 2018, 28.553 indépendants à titre principal étaient mariés avec un fonctionnaire. En janvier 2018, pas moins de 32.021 indépendants pensionnés étaient mariés avec un fonctionnaire pensionné, tandis que 3.607 indépendants pensionnés étaient mariés avec un fonctionnaire actif.
Le PTB recevra sa dotation pour les voix obtenues en Flandre
La Chambre a rejeté les conclusions de la commission des dépenses électorales à propos des dotations du PTB et de DéFI et approuvé une motion du PTB. Ce faisant, le parti communiste recevra 1,6 million d’euros pour les voix qu’il a obtenues en Flandre en 2014 sans pour autant y avoir décroché un élu.
Le dossier était en souffrance depuis les dernières élections législatives. Il a été influencé par une décision rendue en faveur de DéFI pour un cas comparable. Lors de sa dernière réunion, le 26 mars, la commission des dépenses électorales avait refusé d’octroyer cette dotation dite variable au motif que le PTB s’était présenté sous des numéros nationaux différents dans les trois Régions du pays. L’Open Vld et la N-VA avaient soutenu cette thèse ainsi que deux des quatre experts de la commission. Le MR et les deux autres experts s’étaient abstenus. Les voix du PS, du cdH, du CD&V et du sp.a, en faveur de la dotation pleine et entière au PTB, n’avaient pas été suffisantes. Les écologistes étaient absents. Le PTB a déposé une motion qui rejette ces conclusions. Il a obtenu le ralliement du cdH, du PS, d’Ecolo-Groen, du sp.a et de DéFI. Le MR et le CD&V se sont abstenus. L’Open Vld et la N-VA ont voté contre.
Le rejet des conclusions implique également qu’il n’y aura pas d’appel de la décision favorable à DéFI. Il est question ici d’une somme de 183.000 euros majorée des intérêts. La Chambre a en revanche rejeté une motion similaire introduite par le député Aldo Carcaci (PP) au bénéfice de son parti.
Avec Belga – Photo : Belga/Dirk Waem