Jessica a pu légalement changer son genre mais pas son prénom: elle dénonce une incohérence dans la loi
Jessica est une femme transgenre d’origine roumaine qui vit à Etterbeek. Elle a pu changer son genre sur sa carte d’identité, mais pas son prénom un blocage administratif qui lui pose beaucoup de problèmes.
Voilà presque 10 ans que Jessica habite Bruxelles. D’origine roumaine, elle a fui son pays dans lequel, en tant que personne transgenre, elle s’expose à des crimes de haine. Depuis peu, la Belgique la reconnaît comme étant une femme : “J’ai fait ce changement en mars 2023 à la commune d’Etterbeek. Je suis une femme“, raconte-t-elle.
Sur sa carte d’identité et son acte de naissance, la mention “F” est désormais visible. Mais son prénom lui, reste inchangé, malgré ses demandes. Une situation aux lourdes conséquences, professionnelles notamment. “Quand je présente ma carte d’identité, la personne devant moi ne regarde pas mon CV, mon parcours professionnel. Elle regarde mon prénom. Il y a une femme devant lui, qui a assez d’expérience. Quand on parle au téléphone, pour lui, tout va bien. Dès que je présente ma carte d’identité avec un prénom masculin, ça bloque“, déplore Jessica.
Une incohérence dans la loi
Alors pourquoi un changement de sexe a-t-il été possible et non le prénom ? Parce qu’une incohérence existe dans la réglementation pour les personnes étrangères. Si elles peuvent faire une demande en Belgique pour changer la mention “sexe” sur les documents d’identité, la réglementation prévoit que seuls les Belges, les apatrides ou les réfugiés reconnus peuvent demander de changer de prénom.
Céline Verbrouck, avocate spécialisée en droit des étrangers, reconnait l’incohérence : “Cela arrive souvent lorsque le législateur modifie ou prévoit de nouvelles dispositions”, commence-t-elle.
L’avocate précise que ces incohérences sont dû au fait que tous les cas de figure ne sont pas toujours pris en compte : “On a peine à envisager toutes les situations pratiques, personnelles, qui peuvent se produire. Nos lois sont régulièrement incomplètes. Souvent, avant qu’on ne corrige ce genre d’effets négatifs de la loi, il faut qu’énormément de personnes se soient manifestées, qui aient dénoncé et expliqué cette situation pour alerter sur l’incohérence et la discrimination“, ajoute l’avocate.
Jessica explique que les autorités communales l’ont renvoyée vers son pays d’origine pour changer son prénom. “Je rappelle que la Roumanie, c’est un pays malheureusement homophobe. Je ne veux pas retourner en Roumanie pour être discriminée, agressée“, insiste-t-elle.
Contactée, la commune d’Etterbeek dit prévoir une nouvelle analyse du dossier de Jessica.
Elle espère que cette situation changera rapidement : “Je demande qu’ils soient plus indulgents avec nous et qu’ils acceptent de faire le changement de sexe qui donne la possibilité de changer de prénom aussi“. De sorte à empêcher une situation discriminante de se reproduire pour d’autres.
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■ Reportage de Marine Guiet, Arnaud Dedier et Paul Bourrières