Imam au Parlement: “J’ai été trompée et je le dénonce fortement”, affirme Nawal Ben Hamou
Ce vendredi, la Secrétaire d’Etat à l’Egalité des Chances Nawal Ben Hamou (PS) a répondu aux questions des parlementaires sur la présence d’un imam qui a récité une sourate au Parlement bruxellois en janvier dernier. “Je n’aurais jamais participé si j’avais eu les informations complètes avec l’invitation, a-t-elle affirmé. “J’ai été trompée par cette association. Je le dénonce fortement à l’aune de mes années d’engagement”. Hasan Koyuncu (PS), à l’origine de la visite, n’était pas présent.
“J’aurais peut-être posé les mêmes questions si j’étais parlementaire, tant les images qui ont circulé ne sont pas adéquates”, a commencé Nawal Ben Hamou, avant d’expliquer plus en détail le déroulé de l’événement. “Je n’ai pas organisé cet événement. Je n’ai pas invité ces personnes. Je ne les ai pas sélectionnées et je ne finance pas non plus cette association. Et d’ailleurs, les autres membres du gouvernement non plus”, a-t-elle rappelé.
“J’ai été invitée à un événement de l’association Friends for Brussels pour, selon les termes de l’invitation reçue: ‘lors d’une visite pour environ 80 citoyens bien intégrés dans la communauté bruxelloise vous joindre à nous et prendre quelques photos en notre compagnie pour valoriser des citoyens bien intégrés et devenus des éléments utiles de la société bruxelloise. Il s’agit d’étudiants, d’étudiantes, de médecins, d’entrepreneurs – entrepreneuses, de sportifs et d’hommes d’affaires qui vivent à Bruxelles et qui sont un bon exemple pour le reste de la communauté, et ce, de 13 h 30 à 14 h 30’. Quelques jours avant l’évènement, on me précise que des prix allaient être remis au cours de cette visite à, je cite à nouveau: ‘des personnes bien intégrées dans la société bruxelloise en reconnaissance de leur métier et de leur créativité’.
► LIRE AUSSI | Imam au Parlement: indignations et nouvelles règles
Pas toutes les informations
La Secrétaire d’Etat affirme ne pas disposer de la liste de ces 80 invités annoncés, ni de leur profil, “ce qui, en somme, ne me semble pas nécessaire car cela arrive régulièrement que je sois sollicitée pour des événements similaires”, et que l’hémicycle était “bondé”. “Ce monsieur a pris place à la tribune et a entonné ce qui s’avère être une récitation religieuse. Je n’ai pas de connaissance approfondie des récitations religieuses. Je ne sais pas exactement ce qui se passe, mais j’ai compris immédiatement que cela avait une dimension religieuse. Directement, j’ai tenu à m’en distancier symboliquement et aussi physiquement, en prenant l’initiative de quitter l’hémicycle avec mes collègues députés présents. Une fois revenue dans l’hémicycle, profondément évidemment dérangée par ce qui vient de se passer, je fais part aux organisateurs de ma volonté de partir définitivement.”
“L’organisateur me dit compter sur moi et insiste pour remettre des prix aux lauréats. Et face à cet hémicycle rempli, j’ai accepté de remettre une partie des prix à une partie de l’assemblée, mais seulement à une partie. Et là, à mon grand étonnement, alors qu’on me confie le premier prix à décerner, je me rends compte que c’est la personne qui vient d’entonner une récitation religieuse qui se présente face à moi et, à nouveau mise devant le fait accompli, je lui donne ladite médaille. Tout s’est passé en quelques secondes et bien sûr, je vous rejoins. Comment imaginer que cette personne qui vient d’entonner une récitation religieuse à la tribune du parlement bruxellois puisse faire partie des lauréats choisis par l’association ? Comment imaginer que les organisateurs me demandent de lui remettre un prix alors que je viens de sortir à l’instant de l’hémicycle en signe de désapprobation devant tout le monde? Je le déplore mais je ne dispose pas de toutes les informations qui étaient nécessaires pour pouvoir faire un choix délibéré en quelques secondes”.
En profonde opposition avec mes valeurs
Nawal Ben Hamou précise enfin qu’elle a demande à ne pas partager cette séquence sur les réseaux sociaux pour ne pas être “associée à ce qui s’était passé et non pas pour la cacher”; et qu’elle supposait que les fonctionnaires présents allaient signaler l’incident.
“J’ai donc été mise devant le fait accompli en profonde opposition avec mes valeurs politiques, féministes et laïques”, conclu-elle. “Je tiens à répéter une nouvelle fois premièrement, non seulement évidemment mon engagement et mes valeurs, mais également mon combat en faveur de la laïcité et de la séparation des pouvoirs. Deuxièmement, ces récitations religieuses ont évidemment aucune leur place dans une assemblée parlementaire dont le rôle est avant tout de protéger les valeurs chères à notre démocratie.”
“Nous restons sur notre faim”
“Ca allait trop vite mais cela reste étrange. Nous restons sur notre faim: quelles conséquences pour votre parti, et comment allez-vous fonctionner à l’avenir?” a réagi Cieltje Van Achter (N-VA). “Je ne mets pas en doute vos engagements à titre personnel mais vous ne répondez pas à toutes les questions”, a de son côté rebondi Céline Frémault (Les Engagés), “est-ce l’ASBL ou les députés de votre parti qui ont organisé cette visite? Et sur base de quels éléments avez-vous juger correct de vous y rendre?” Pourquoi n’avez-vous pas fait interrompre cette longue sourate de 3 minutes? Nous sommes abasourdis”, pour Clémentine Barzin (MR)
Quant à Fouad Ahidar, “Quand l’extrême droite prend la parole ici, ça ne dérange pas certains. Ce bâtiment est utilisé pour tout et n’importe quoi. Apparemment, un imam a voulu être bienveillant et vous avez quitté l’hémicycle. Avez-vous compris ce que cet imam a dit?”
BX1
■ Reportage d’Arnaud Bruckner, Alexandre D’Haeseleer, Béatrice Broutout et Manu Carpiaux