Hadja Lahbib, commissaire européenne à la Gestion des crises et à l’Egalité : “Notre présence mérite plus de visibilité”
Hadja Lahbib, qui prend ses fonctions dimanche comme commissaire européenne à la Gestion des crises et à l’Egalité, souhaite rendre davantage visible l’aide humanitaire apportée par l’UE.
“Les Européens sont fiers de l’aide apportée par l’Union européenne“, a souligné la commissaire. En tant que responsable de l’aide humanitaire européenne, elle aura de nombreuses situations à gérer, que ce soit dans la bande de Gaza, en Ukraine, mais aussi ailleurs. “L’UE est active au Soudan malgré les difficultés de terrain. En Afghanistan aussi, on ne le sait pas assez. On développe même une stratégie de résilience avec la population sans passer par le gouvernement des talibans que l’UE ne reconnaît pas“, a expliqué Hadja Lahbib. “Notre présence mérite plus de visibilité.”
Le manque de visibilité de l’aide européenne est liée à sa structure, selon elle. “Ce qu’on voit ce sont les drapeaux des Nations unies par lesquelles passe l’aide européenne“, constate-t-elle.
La commissaire souhaite travailler davantage par les acteurs locaux, ce qui pourrait aussi permettre d’améliorer l’efficacité de l’aide. Actuellement, 60 à 80% des dépenses partent dans le transport, s’est-elle étonnée.
L’Union européenne est le plus grand pourvoyeur d’aide humanitaire au monde. Et les besoins ne font qu’augmenter: depuis l’entrée en fonction de son prédécesseur Janez Lenarcic en 2019, le nombre de personnes en besoin d’aide humanitaire a doublé. En 2023, selon l’ONU, 339 millions de personnes avaient besoin d’une aide humanitaire et d’une protection. Pourtant, les ressources disponibles ne sont pas extensibles, a admis Hadja Lahbib.
Elle a toutefois promis d’être “vigilante” à ce que le budget de l’aide humanitaire soit préservé. Elle compte aussi rappeler aux Etats membres leur engagement de consacrer 0,7% de leur PIB à l’aide humanitaire.
Elle souhaite en outre solliciter davantage le secteur privé, notamment à travers un forum européen de l’aide humanitaire qui doit se tenir à Bruxelles en mai 2025.
Interrogée sur l’éventualité de réduire le personnel dans les ambassades européennes à l’étranger, comme évoqué par le média Politico jeudi, la libérale a appelé à être “plus efficaces“. “On sait tous qu’il va y avoir des réductions budgétaires”, a-t-elle déclaré, invitant à une attitude “rationnelle et pragmatique“.
“Le reflet du paysage politique”
La nouvelle Commission européenne entrera en fonction ce dimanche, avec dans ses rangs deux commissaires issus de l’extrême droite, dont l’Italien Raffaele Fitto, désigné vice-président. Hadja Lahbib voit dans cette configuration “le reflet du paysage politique d’aujourd’hui en Europe et peut-être dans le monde, avec une montée des extrêmes de gauche et de droite“. “Je le regrette personnellement, mais c’est le résultat d’un choix démocratique posé par les citoyens“, a-t-elle confié lors d’un entretien avec des journalistes belges.
La ministre sortante des Affaires étrangères a rappelé que le choix des candidats-commissaires revenait aux États membres. “Il a appartenu à des gouvernements qui sont dirigés aujourd’hui par des membres de l’extrême droite de choisir leurs commissaires. Cependant, lorsqu’ils deviennent commissaires, ils sont tenus de se mettre au service” de l’Union européenne, a-t-elle affirmé, appelant à juger la Commission “sur ses actes“.
Si deux commissaires sont affiliés à l’extrême droite, le collège en compte 25 autres dont le travail devra être mis en évidence, a-t-elle suggéré.
Elle estime que son portefeuille de la Préparation et de la gestion des crises peut être un levier pour combattre la montée des extrémismes en Europe : “Nous devons travailler sur la perception de la menace, l’identifier de façon plus cohérente et apporter des réponses. Déjà rien que ça, être préparé aux risques permet de diminuer l’anxiété, l’angoisse, et je suis sûre que cela contribuera à diminuer les extrémismes.”
Le vote de confiance du Parlement européen cette semaine a exposé une base de soutien réduite pour la Commission Von der Leyen II. Il y a cinq ans, l’équipe d’Ursula von der Leyen avait obtenu 461 voix. Elle n’en a récolté que 370 sur 729 cette fois-ci, notamment en raison de la nomination de Raffaele Fitto comme vice-président. Aucun eurodéputé belge francophone n’a soutenu le nouvel exécutif.
Le travail législatif s’en trouvera-t-il compliqué? “J’ai envie de voir les choses de façon optimiste“, a répondu la libérale. “Malgré un paysage politique fragmenté, il est crucial d’apporter des réponses adéquates aux citoyens pour éviter qu’ils ne se tournent vers des solutions simplistes, qui séduisent évidemment.”
“Le recul des droits demande notre plus grande vigilance”
Durant son mandat de commissaire européenne à l’Égalité, Hadja Lahbib entend défendre les droits acquis, à un moment où les droits et libertés fondamentales sont sous pression dans certains pays de l’Union européenne. “Pour moi, le recul des droits demande notre plus grande vigilance“, a-t-elle déclaré.
Sa mission comprendra l’élaboration de stratégies pour l’égalité des genres, les droits des LGBTQI et la lutte contre le racisme, ainsi que la poursuite des initiatives pour les Roms et les personnes handicapées. Mais la présence plus ancrée de l’extrême droite au Parlement européen notamment, pourrait compliquer la réalisation de ces objectifs.
“Le recul des droits demande notre plus grande vigilance“, a mis en garde la commissaire belge. Elle a cité Simone de Beauvoir pour rappeler que les droits acquis par les femmes et les minorités pouvaient être remis en question à tout moment. “Le recul des droits, c’est le recul de la démocratie“, a-t-elle invoqué.
Promouvoir l’égalité et l’inclusion permet en outre de tirer parti de tout le potentiel de la société, selon la libérale. “Les sociétés où il y a de l’injustice, du racisme, de l’exclusion, ce sont des sociétés malades qui ne peuvent pas être compétitives parce qu’elles ne prennent pas tout le monde à bord.”
Elle s’est attardée un moment sur la définition du viol, qui avait dû être retirée de la directive sur les violences faites aux femmes – faute de consensus entre les Etats membres – pendant la présidence belge en début d’année. “C’est une frustration“, a-t-elle confié. Elle a promis de “poursuivre le travail” au sein de la Commission, à un moment où “l’actualité nous montre qu’il est nécessaire d’introduire le viol dans la législation européenne et de se mettre d’accord sur la notion de consentement“.
Son mandat, qui doit durer cinq ans, débutera concrètement avec sa participation au Conseil EPSCO (Emploi, politique sociale, santé et consommateurs) lundi. Elle y prendra la parole au nom de la Commission pour promouvoir les droits des Roms et des personnes handicapées. Un forum sur l’égalité hommes-femmes doit également se tenir à Bruxelles les 10 et 11 décembre.
Belga – Photo :