Formation fédérale : six mois après les élections, De Wever toujours en piste mais les mains vides

bart de wever

La coalition Arizona qui s’imposait comme une évidence le 9 juin n’est toujours pas sortie du désert. Une “percée décisive” est toutefois attendue pour le début de l’année prochaine.

Le président de la N-VA, Bart De Wever, a vu sa mission prolongée une nouvelle fois vendredi. Pourtant, plus de six mois après les élections, il n’est toujours pas parvenu à former un gouvernement fédéral.

Les électeurs ont sanctionné la coalition Vivaldi sortante: débâcle des écologistes, perte historique de la première place du PS, Open Vld laminé… seul le MR et Vooruit sont sortis vainqueurs des urnes, tandis que le CD&V a limité la casse mais n’a pas arrêté son érosion. Depuis l’opposition, les Engagés ont en revanche fait oublier les mauvais scores du cdH et ont réussi un exploit en triplant presque leur représentation à la Chambre.

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Quant à la N-VA, après cinq ans d’opposition, elle a contenu le Vlaams Belang. Un résultat qui est la réussite d’un homme, Bart De Wever, dont tout le monde prédisait la fin de carrière si l’extrême droite arrivait en tête au nord du pays. Le 12 juin, le nationaliste flamand est désigné informateur. Deux semaines plus tard, il devient préformateur. Une alliance de la N-VA, du MR, des Engagés, de Vooruit et du CD&V semble couler de source. Certains optimistes prédisent une majorité qui pourrait se constituer pour le 21 juillet, une première en 20 ans, ou, plus réalistes, le 20 septembre. Le Roi lui-même dans son discours salue un “projet cohérent pour le pays” et appelle à saisir “l’opportunité”. Mais la mèche a fait long feu. Il a d’abord fallu constituer les majorités régionales. Si le MR et les Engagés ont conclu le 11 juillet, jour de la Fête flamande, les partis flamands ont eu plus de mal.  Les 21-22 août, les événements s’accélèrent. Au cours d’une nuit de négociation, le formateur tente d’arracher un accord sur le cœur de la négociation, à savoir le budget et les réformes à mener en matière de fiscalité, pensions et emploi. Les finances publiques belges sont dans le rouge et le futur gouvernement doit présenter à l’Europe des réformes structurelles dans ces trois domaines pour bénéficier d’une trajectoire de redressement en quatre ans plutôt que sept ans. Une procédure en déficit excessif pend au nez de la Belgique, comme d’autres pays européens. Même si chacun est conscient de l’enjeu, les points de vue sont trop éloignés. L’effort à fournir est colossal: autour des 20 milliards d’euros à trouver pour rejoindre les critères européens. La taxation des plus-values constituera le point de rupture entre Vooruit et le MR, et leurs deux médiatiques présidents: Conner Rousseau et Georges-Louis Bouchez.

Sa “super note” rejetée, Bart De Wever remet pour la première fois sa démission au Roi. Au sein de la future Arizona, la rapidité de ce geste étonne certains protagonistes. Si la N-VA est arrivée en tête des élections, les centristes forment la première et seule famille de l’Arizona. Le Roi charge le 23 août le président des Engagés, Maxime Prévot d’une mission de médiation. Le bourgmestre de Namur doit “rapprocher les points de vue entre les différents partenaires dans l’optique d’une reprise des négociations dans les meilleurs délais”. Le 2 septembre, il rend son rapport au chef de l’État. Bart De Wever n’entend pas perdre le gouvernail. Il est remis en selle le jour même et est chargé d’une nouvelle “super note”. Mais la méthode de travail change. Les négociateurs des cinq partis vont d’abord progresser sur les autres thèmes (défense, énergie, climat, sécurité, mobilité, immigration, etc.) avant d’en revenir au cœur de la discussion. La perspective de la formation rapide d’un gouvernement s’est définitivement refermée. Il n’y a plus d’avancée à attendre avant les communales du 13 octobre.

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D’importantes objections

Quatre des cinq présidents de l’Arizona sont candidats bourgmestres. M. De Wever ne s’en cache pas: l’omnibus a remplacé le TGV. Les partis de l’Arizona s’en sont plutôt bien sortis le 13 octobre. Mais l’accélération attendue ne se produit pas. En cause une nouvelle fois: le budget et les réformes socio-économiques. Vooruit cale net devant la nouvelle mouture de la super note. D’inspiration parfois très libérale, elle ne peut convenir au seul parti de gauche de l’attelage qui la juge “déséquilibrée”. Les Engagés et le CD&V formulent eux aussi d’importantes objections mais estiment que c’est à la table des discussions que les choses se régleront. La piste d’une coalition avec l’Open Vld est vite écartée: elle ne tiendrait qu’à un siège, les centristes n’en veulent pas. Il faudra près d’un mois pour ramener les socialistes flamands dans les négociations au prix d'”ouvertures” à leurs revendications. Les choses vont-elles s’accélérer? L’on prédit alors un gouvernement sous le sapin… Encore raté: les négociateurs passent la nuit du 1er au 2 décembre sur le cadre budgétaire mais se quittent sans accord. Les points de vue se sont rapprochés, assure-t-on. C’est pourtant un nouveau coup d’arrêt: la méthode est une nouvelle fois contestée. Les Engagés, le CD&V et Vooruit ne veulent pas conclure un cadre budgétaire sans que les mesures prises en matière de fiscalité, emploi et pensions soient clarifiées. Des bilatérales et des séances d’échange sur ces thèmes reprennent entre les cinq partis, qui n’avaient plus discuté ensemble de ces sujets depuis la fin août. Des séances fructueuses, assure-t-on, mais alors que les fêtes approchent, la formation du nouveau gouvernement recule encore. Le 2 janvier, Bart De Wever sera installé en tant que bourgmestre d’Anvers.

Quittera-t-il dans les semaines qui suivent le “Schoon Verdiep” de l’Hôtel de ville pour le 16 rue de la Loi? Aujourd’hui, nul dans l’Arizona ne remet en cause son avenir de Premier ministre. Autour de la table, plusieurs partis jugent qu’il est préférable de voir le leader nationaliste diriger les négociations plutôt que de le retrouver en tant que président à côté des autres. Mais il tient le gouvernail des négociations depuis plus de six mois. Il n’a plus droit au surplace qui constituerait un nouvel échec et pousserait à la comparaison avec certains de ses prédécesseurs à l’égard desquels il s’était montré sans pitié.

Belga