Egalité des chances : 73 recommandations pour améliorer l’efficacité des lois anti-discrimination

Le premier rapport d’évaluation des lois anti-discrimination a été publié. Il est à présent à la disposition du parlement, chargé d’évaluer les textes visés tous les cinq ans. Julie Ringelheim, juriste spécialisée dans les questions de discrimination, professeure à l’UCLouvain et co-rédactrice du rapport, était l’invitée du 12h30 ce jeudi.

Lors de l’adoption des lois anti-discrimination en 2007, il était prévu que leur application serait évaluée tous les cinq ans par le parlement sur la base du rapport d’une commission. “Notre rapport fait le point sur la mise en oeuvre de cette législation. Il identifie une série de limites, de lacunes et formule 73 recommandations pour améliorer leur efficacité.”, explique Julie Ringelheim.

Trois lois visent à lutter contre les discriminations et les discours de haine : la loi anti-discrimination, la loi Moureau contre le racisme et la loi sur le genre. A cet égard, l’une des recommandations des rapporteurs est de fusionner les trois textes en un seul pour faciliter leur accès au grand public.

Mais le constat global qui se dégage de nos travaux, est que si ces lois apportent des choses importantes, elles reposent essentiellement sur un instrument : le recours en justice.” Problème : les nombreux obstacles à l’accès à la justice limitent dans les faits l’effectivité de ces lois. En conséquence, beaucoup ne vont pas en justice et les victimes qui saisissent la justice rencontrent souvent de grosses difficultés à faire reconnaître la discrimination, notamment pour des raisons de preuve. “Ainsi, nos recommandations vont globalement dans deux directions : d’une part de travailler à l’amélioration de l’accès des victimes à la justice, mais aussi de dépasser ce modèle pour développer des dispositifs préventifs et proactifs.”

Le rôle essentiel des employeurs en matière de prévention

Pour améliorer l’accès à la justice, le rapport plaide entre autres pour une réduction des indemnités de procédure; pour la mise en place de mesures destinées à faciliter l’accès à la preuve en renforçant le rôle de l’inspection du travail.

En matière de prévention, les auteurs proposent l’introduction d’une obligation de prévention à charge des employeurs privés et publics, comme cela existe pour les risques psychosociaux, explique encore Julie Ringelheim. “Il s’agirait pour les entreprises de faire un état des lieux et d’identifier les problèmes, d’interroger leurs pratiques et de vérifier si celles-ci n’ont pas des effets pénalisants, avant d’établir un plan de prévention pour modifier ces pratiques. Ces dispositifs permettent d’apporter des solutions structurels.”

Correctionnaliser les délits de presse

La question des discours de haine reste problématique. “Lorsqu’un discours de haine prend la forme d’un délit de presse, il ne peut être jugé que par une cour d’assises. Or, en pratique, on ne met quasi jamais en place une cour d’assises pour un discours de haine. Ceux-ci ne sont dès lors jamais poursuivis.” La commission plaide pour l’extension de la correctionnalisation de ces délits, comme cela existe pour les discours de haine racistes et xénophobes, avec des garanties pour préserver la liberté d’expression.

■Écoutez l’interview de Julie Ringelheim, juriste, professeure à l’UCLouvain et co-rédactrice du rapport, en direct dans le 12h30

Le rapport de la commission d’évaluation des lois anti-discrimination est disponible ici