Deux criminologues étudient… les “mauvaises herbes” : “C’est une question profondément politique”
Toute plante a sa place dans le jardin : il n’y a pas de “mauvaises herbes”. Ce message souvent répété par les défenseurs de la nature reçoit aujourd’hui un écho original de la part de deux criminologues. Ils appellent à ne pas “criminaliser” ces plantes qui ont leur utilité.
Arrachées pour “faire propre”, les plantes spontanées deviennent le terrain d’enquête de deux criminologues. Entre l’analyse du crime et la préservation de la nature, il n’y a qu’un pas : “Étudier la place des mauvaises herbes en ville, c’est étudier les normes. C’est étudier ce qui est jugé comme sale et ce qui est jugé comme propre. C’est étudier ce qui est jugé comme étant admissible dans la ville, acceptable ou non. C’est une question qui est à la fois profondément criminologique et profondément politique“, explique David Scheer, criminologue à l’UCLouvain.
Les deux chercheurs analysent la manière dont citoyens et autorités perçoivent, tolèrent ou rejettent les plantes spontanées en ville. Pour cela, il faut passer par des études de terrain : lors de promenades botaniques, ils observent herbes, fleurs et tiges fragiles mais aussi les réactions, les discours et les émotions suscitées par ces plantes.
Car connaître ces plantes, c’est déjà les reconnaître. “Pour protéger ces fleurs de trottoir, il faut d’abord les connaître, savoir qu’elles existent, qu’elles ont même parfois une utilité, qu’elles sont belles et qu’elles suscitent de l’émotion”, fait remarquer Alexia Jonckheere, criminologue à l’Institut national de criminalistique et de criminologie. “Ça, on ne pouvait le faire qu’à travers une observation sur le terrain, puisque, à l’heure actuelle, il n’y a pas d’études qui s’intéressent à cette végétation urbaine”.
“Il y a une forte inégalité géographique dans la manière dont les citoyennes et les citoyens ont accès aux espaces verts“, rappelle David Scheer. “On le voit quand on regarde une carte des espaces verts de Bruxelles. Certains habitants ou habitantes, en fonction de là où ils résident, habitent plus loin de certains espaces. Il y a vraiment une question d’égalité sociale et d’égalité par rapport au droit à la nature qui se pose à travers cette étude“.
■ Reportage de Jamila Saidi M’Rabet et Charlotte Pire





