Décès de Jo Dekmine : retour sur la carrière d’un découvreur de talents
Il a fondé le théâtre 140, mais aussi La Poubelle, La Tour de Babel et L’Os à Moelle. Jo Dekmine est décédé ce samedi 23 septembre 2017, à l’âge de 86 ans.
Plusieurs fois, il était l’invité des émissions culturelles de Télé Bruxelles (actuelle BX1). Retour sur sa carrière rythmée en quelques moments forts.
Reportage de Catarina Letor
L’équipe du 140 lui rend hommage dans un communiqué
“Jo Dekmine est né à Schaerbeek en 1931, formé en Arts Plastiques à la Cambre, il ouvre en 1949 son premier cabaret littéraire La Poubelle. L’Assemblée générale et le Conseil d’administration de l’asbl Spectacles d’Aujourd’hui, l’équipe du 140 vous font part avec émotion et tristesse du décès de Jo Dekmine en ce samedi 23 septembre 2017.
Jo, le découvreur, Jo l’agitateur des beaux-arts.
« Allons ! une cocotte en papier qui se transformerait en trois-mâts, toutes voiles dehors… » Jo Dekmine
Jo Dekmine et le 140, une aventure unique
On y lit du Prévert, Queneau, Apollinaire et Michaux à la bougie, sur fond de dixieland et de musique baroque.
Lors de son service militaire en Allemagne, il y fait venir des artistes, dont Barbara qui chantera durant deux soirs dans les baraquements établis en Nordrhein-Westfalen.
Puis en 1955 il lance La Tour de Babel au numéro 7 de la Grand-Place à Bruxelles. S’y succèdent Boris Vian, Léo Ferré, Catherine Sauvage, Roland Dubillard… et quand personne ne monte sur scène, c’est Jo lui-même qui lit du Michaux ou du Desnos.
Ensuite L’Os à Moelle en 1960, où il programme de la chanson française toujours, et du jazz : Bobby Jaspar, Dexter Gordon…
En septembre 1963, il fonde le Théâtre 140 avec une première saison qui accueillera entre autres Serge Gainsbourg, Dimitri le clown d’Ascona, Alex Métayer, Romain Bouteille, Roland Dubillard. C’est le début de cinquante-deux années de découvertes tant en danse, qu’en musique et en théâtre et qui feront de Jo un programmateur légendaire grâce à son approche visionnaire des arts de la scène :
4 litres 12, Alain Platel, Alex Vizorek, Anne Teresa De Keersmaeker, Archie Shepp, Ariadone, The Art Ensemble of Chicago, Benjamin Biolay, Black Sabath, Brigitte Fontaine, le British Rubbish, le Café de la gare, Carlotta Ikeda, Carolyn Carlson, Cecilia Bengolea et François Chaignaud, Christophe Alévêque, Dick Annegarn, Dominique A, Emily Loizeau, Fellag, Frank Zappa, Georges Appaix, Grand Magasin, Guy Bedos, Jacques Higelin, Jérôme Savary et le Grand Magic Circus, Joël Pommerat, John Scofield, John Lee Hooker, Kazuo Ohno, Karim Gharbi, Koen Augustijnen, le Théâtre National Palestinien, Léo Ferré, The Living Theater of New York, Maguy Marin, la Mama de New York, Michèle Anne De Mey, Motus, Pierre Desproges, Pierre Droulers, Pina Bausch, Pink Floyd, Queen, Les Radeis, Raymond Devos, The Ridiculous Theatre of New York, Romain Bouteille, Serge Gainsbourg, Tadeusz Kantor, Thelonious Monk, Vincent Delerm, William Sheller, Wim Vandekeybus, The Yes, Zappa, Zouc… impossible de tout énumérer.
Cette programmation assumant une prise de risque et une volonté d’ouverture est restée dans l’imaginaire de chacun. Ceux qui ont pu voir La classe morte de Tadeusz Kantor en parlent encore.
« Dans ma ville, peut-être la plus riche en théâtre du continent, mais oui, la création est sans rapport avec la morne logique industrielle qui se satisferait largement de quelques salles des fêtes et autres casinos à jackpots. La logique Républicaine n’y a pas cours, mais bien la Démocratie de l’imaginaire » Jo Dekmine
Co-fondateur des Halles de Schaerbeek et instigateur de l’émission Cargo de Nuit à la RTBF, il publie en 1983 Le Décalage Horaire, Vingt années d’aventures au Théâtre 140.
Dès 1989, Jo Dekmine était également président de la Commission consultative de l’art de la danse.
Il est nommé Chevalier de l’Ordre des Arts et des Lettres de la République Française, Commandeur de l’Ordre de Léopold II et Chevalier de l’ordre de la Couronne en Belgique, il a reçu la médaille Beaumarchais (prix de la SACD France), et le Prix de la Libre Académie de Belgique.
« Un bonheur inconnu, arrêté dans le temps, fragile, que faire avec ça ? » Jo Dekmine
Merci Jo
Adieu l’ami et bon voyage”