“De toute façon on n’a pas l’argent pour la payer”: vives tensions à Saint-Josse lors du vote de la suppression de la prime de fin d’année
La décision du conseil communal de Saint-Josse-ten-Noode de supprimer la prime de fin d’année du personnel communal a provoqué mercredi soir une séance sous haute tension, illustrant la dégradation profonde du climat social au sein de la commune bruxelloise, confrontée à une grave crise financière et placée sous tutelle régionale.
À l’appel du front commun syndical (CGSP, CSC-Services publics et SLFP), les travailleurs se sont mobilisés en nombre devant la maison communale. Leur accès à la salle du conseil a toutefois été strictement limité: seules une centaine de personnes ont été autorisées à monter, tandis que d’autres travailleurs et plusieurs journalistes ont été refoulés, suscitant incompréhension et colère.
Face à une assemblée hostile, le bourgmestre Emir Kir a assumé pleinement la décision. Il a parlé d’un “effort demandé une seule fois” à l’ensemble des acteurs communaux, estimant que la situation financière ne permettait plus le paiement de la prime. “On a voté, et de toute façon on n’a pas l’argent pour la payer“, a-t-il affirmé, ajoutant que la mesure avait été prise “avec la Région“.
“Saint-Josse est une commune modèle. Je n’accepte pas les critiques“
Le bourgmestre a également mis en avant ce qu’il considère comme des avantages déjà consentis au personnel communal, évoquant notamment les régimes de fin de carrière pour les plus de 55 ans et le montant des chèques-repas. “Saint-Josse est une commune modèle. Je n’accepte pas les critiques“, a-t-il lancé, allant jusqu’à exhorter, en hurlant, les syndicats à “se réveiller“. Ces déclarations ont été vivement contestées tant par l’opposition que par les représentants syndicaux.
Chef de file du PS dans l’opposition, Philippe Boitkete a dénoncé une décision “injuste, brutale et opaque“. Selon lui, elle est injuste parce qu’elle touche uniquement les travailleurs et non les membres du collège, et opaque en raison de l’absence totale d’éléments chiffrés dans le dossier soumis au vote. “Nous ne connaissons même pas l’économie réelle que représenterait cette suppression“, a-t-il souligné, pointant également l’absence de documents annexés au dossier administratif et dénonçant un climat d’intimidation à l’égard du personnel, notamment sur les réseaux sociaux. “Ce qui m’a le plus marqué ce soir, c’est de voir certains membres du personnel applaudir la suppression de leur propre prime“, a-t-il ajouté.
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Même son de cloche du côté d’Ahmed Mouhssin, chef de file Ecolo-Groen, qui a estimé que le conseil avait été appelé à se prononcer “à l’aveugle”. “Le dossier ne contenait aucun document comptable. Il nous était impossible de savoir exactement de quoi on parlait“, a-t-il déclaré, annonçant l’introduction de “tous les recours possibles” pour empêcher ce qu’il qualifie de “vol de la prime des travailleurs”.
“La liste du bourgmestre a montré son vrai visage”
Les syndicats dénoncent, eux, une rupture totale de la concertation sociale. Hanane El Bouzakhi, secrétaire régionale de la CSC-Services publics, a expliqué qu’un protocole d’accord visant à modifier le règlement du statut pécuniaire avait été soumis aux organisations syndicales le matin même du conseil communal. “Nous avons tous refusé de le signer“, a-t-elle précisé. À l’annonce officielle de la suppression de la prime, elle a crié sa colère dans la salle du conseil, tout en assurant que “le combat continue” et que la voie judiciaire serait empruntée.
Pour Maxime Nys, secrétaire régional de la CGSP-ALR Bruxelles, la décision pose de sérieux problèmes de légalité. “Emir Kir ne veut pas payer, c’est illégal“, a-t-il affirmé, annonçant des recours devant le Conseil d’État et le tribunal du travail. Il a estimé que “la liste du bourgmestre a montré son vrai visage“. Nathalie Bockstal, mandataire permanente SLFP-ALR Bruxelles, a quant à elle accusé le bourgmestre de “raconter des mensonges”. “Toute cette séquence est une preuve supplémentaire de son mépris pour le personnel“, a-t-elle conclu.
Cette séance tendue s’inscrit dans une mobilisation sociale qui dure depuis plusieurs semaines. Fin novembre déjà, les syndicats dénonçaient l’absence totale de communication de l’autorité communale sur les conséquences de la crise financière pour le personnel communal et celui du CPAS. Lors d’une réunion du Comité particulier de négociation, le bourgmestre avait annoncé unilatéralement son intention de ne pas verser la prime de fin d’année, alors même que celle-ci est prévue dans le statut pécuniaire. Depuis, les actions se sont multipliées. Le personnel communal et du CPAS a observé plusieurs arrêts de travail et menacé de nouvelles journées de grève.
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Avec Belga





