Contaminations : devra-t-on fermer davantage de classes à la rentrée à Bruxelles ?

Les experts tirent la sonnette d’alarme.

C’est un fait : la couverture vaccinale à Bruxelles est bien inférieure à celle des autres Régions du pays. Ainsi, ce mercredi, 61% de la population bruxelloise majeure est complètement vaccinée, contre 89% en Flandre et 78% en Wallonie. Une situation qui a notamment justifié la mise sur pause des assouplissements dans la capitale, annoncée lors du dernier comité de concertation.

Et Bruxelles suit la même tendance à la traîne quant à sa vaccination des jeunes : 12% des 12-17 ans de la capitale ont été vaccinés complètement (23% en couverture partielle), contre 42% en Flandre (76% en couverture partielle) et 41% en Wallonie (55% en couverture partielle).

Face à ce constat, quelle sera la situation à la rentrée dans les écoles bruxelloises ? Selon le microbiologiste Emmanuel André, ancien porte-parole interfédéral dans la lutte contre le coronavirus, et désormais en charge du laboratoire de référence belge en matière de Covid, “durant les semaines qui viennent, le nombre d’infections va recommencer à monter, et des classes d’école vont de nouveau devoir fermer“, indique-t-il sur Twitter, ce mercredi.

Et ce bien plus souvent à Bruxelles qu’ailleurs, car une couverture vaccinale plus faible freine de façon moins efficace la propagation du virus“, ajoute Emmanuel André.


Une prédiction que nous confirme également Nicolas Dauby, infectiologue au CHU Saint-Pierre et spécialiste post-doctorant FRS-FNRS à l’ULB. “Depuis l’émergence du variant Delta, différents pays ont rapporté une augmentation des infections concernant les personnes non-vaccinées, et donc le cas échéant les enfants. Il est clair qu’il y a une sous-vaccination en Région bruxelloise, et plus particulièrement dans la classe d’âge des 12-17 ans, par rapport aux autres régions“.

Il n’y a pas encore de vaccin approuvé pour les moins de douze ans, et donc il est très probable que le virus, qui circule déjà fortement en Région bruxelloise, va circuler de manière très importante chez les enfants en âge scolaire“, ajoute le spécialiste, “C’est attendu, et par ailleurs, on le voit déjà aux Etats-Unis : après une semaine de cours, de nombreuses écoles sont déjà fermées. On va devoir s’attendre à cela en Région bruxelloise, et plus particulièrement dans les zones de la Région qui sont moins bien vaccinées“.

Des classes fermées dès une ou deux contaminations

Dès lors, quelles seront les règles à la rentrée en matière de fermeture de classes ? Celles-ci n’ont pas changé depuis l’année dernière.

Ainsi, en maternelle, les classes ne sont fermées, durant sept jours, que si l’instituteur est testé positif, ou que deux cas sont confirmé parmi les enfants au sein de la même classe.En primaire, une classe est fermée dès qu’il y a plus d’un cas, que ce soit deux élèves, ou un élève et un enseignant.

Ce n’est qu’en secondaire qu’une différence est faite entre contact à faible et à haut risque : lorsqu’un cas est confirmé dans une classe, les contacts étroits se font tester, et la classe n’est mise en quarantaine que si un deuxième cas positif est détecté parmi les élèves qui n’étaient pas contact à haut risque avec l’élève en question, et qu’il est prouvé que cette contamination commune n’est pas extérieure à la classe.

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Néanmoins, une confirmation devrait intervenir en fin de semaine quant à la conservation de ces règles. “Concernant les protocoles de suivi et de gestion des cas au sein des écoles, ils sont actuellement analysés pour évaluer s’il y a lieu de les faire évoluer pour la rentrée de septembre, pour l’ensemble des élèves“, nous indique le cabinet de Bénédicte Linard, qui ajoute être fermé à l’idée d’un traitement différencié dans les classes en fonction du statut vaccinal.

Les professeurs inquiets

Le constat partagé par Emmanuel André et Nicolas Dauby est évidemment loin de réjouir les enseignants, à quelques jours de la rentrée. “On se doute qu’il va y avoir pas mal de risques à la rentrée, en sachant que les enfants sont partis en vacances, comme les enseignants, et qu’il y a des risques de ramener le virus malgré les contrôles et les restrictions. D’autant que les enfants, contrairement aux adultes, ne sont majoritairement pas vaccinés. Dans mon entourage, beaucoup d’enseignants sont vaccinés, moi aussi d’ailleurs, je pense donc que parmi les professeurs il y a moins de risque… mais pas chez les enfants. C’est ce qu’on craint, nous explique l’un d’eux, instituteur en troisième et quatrième primaire à Schaerbeek, “On se prépare déjà en se disant qu’on va devoir garder le masque pendant les cours, on a toujours en place des poubelles spécifiques pour les mouchoirs, les essuies pour éviter qu’il n’y ait quoi que ce soit. Mais la fermeture de classes, c’est préoccupant même si aujourd’hui on a plus l’habitude des plateformes informatiques. Mais on n’a toujours pas eu de formations, on a tous fait ça en auto-didacte, en sachant que l’enseignement en Belgique est très en retard quant au numérique”.

Fermer une classe, cela impose aussi du retard dans les matières : en distanciel, c’est vachement plus difficile d’apprendre la matière aux enfants. Cela varie d’une école à l’autre, d’un enfant à un autre. Tout le monde n’a pas les mêmes moyens : tout le monde n’a pas un iPad, un iPhone, et encore moins dans l’enseignement communal“, ajoute-t-il également.

Augmenter la vaccination chez les jeunes

Contacté par nos soins, le cabinet de Bénédicte Linard (Ecolo), vice-présidente du gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles et ministre de l’Enfance et de la Santé, a réagit à ces déclarations. “La ministre Linard a bien sûr à cœur de préserver à la fois la santé et les droits des jeunes. Dans le contexte de la crise sanitaire, cet objectif est rencontré par la décision de la CIM Santé qui, sur la base de l’avis du Conseil Supérieur de la Santé, a ouvert aux adolescents le droit à se faire vacciner afin de participer à l’effort collectif. Il s’agit en effet de diminuer le plus possible la circulation du virus, protéger les personnes plus fragiles, limiter ses déclinaisons en de nouveaux variants et éviter les formes graves de la maladie. Plus le taux de vaccination global sera élevé, plus cette circulation diminuera et ces risques seront circonscris. Cette attention doit également pouvoir être portée à l’échelle mondiale si nous voulons endiguer efficacement l’épidémie“, nous indique-t-on au cabinet de la ministre.

Pour revenir chez nous, des initiatives de vaccination plus proches des publics (via les généralistes ou les équipes mobiles) se sont intensifiées et devraient produire leurs fruits. Les campagnes de vaccination régionales se poursuivent et avancent. Il est cependant évident que les efforts d’information, de sensibilisation et d’accessibilité aux lieux de vaccination doivent particulièrement s’accentuer à Bruxelles pour pouvoir toucher les adultes non vaccinés, mais aussi les jeunes qui peuvent, outre leur propre vaccination, contribuer à sensibiliser et informer leur entourage et famille“, évoque Lauriane Douchamps, la porte-parole de Bénédicte Linard, “La Fédération Wallonie-Bruxelles participe à ces efforts pour multiplier les espaces où il est possible de venir se faire vacciner et, en ce qui concerne les adolescents, d’exercer leur droit à se faire vacciner. Ainsi, via la COCOM, pourront venir des vacci-bus ou des équipes mobiles de vaccination, avec le concours de l’équipe mobile vaccination, du personnel des consultation de l’ONE, aux abords ou au sein d’établissements scolaires secondaires situés dans des zones où les taux de vaccination sont plus bas. Complémentairement et afin de compléter l’offre vaccinale à Bruxelles, nous travaillons avec l’ONE afin d’identifier les services PSE (médecine scolaire) dont les ressources permettent de proposer cette vaccination“.

 

Arnaud Bruckner – Photo : Belga (illustration)