Commission Covid : “Nous avons eu des contacts quotidiens avec les maisons de repos”

Alain Maron, le ministre bruxellois de la Santé, est venu défendre sa gestion de la crise covid. Dates à l’appui, il estime que la Région n’a pas ménagé ses efforts. L’opposition déplore un manque d’initiatives qui a coûté cher aux maisons de repos.

La réunion débute de manière chaotique, lorsqu’Alain Maron (Ecolo) entame son exposé. Certains députés suivent l’intervention ministérielle à distance. Dont Guy Vanhengel (Open VLD) qui interrompt brusquement “les services peuvent-ils couper leurs micros s’il vous plaît? On vous entend-là…“. La demande claque dans la salle, bien plus fort que l’intervention du ministre Maron qui s’interrompt. Premiers rires… Guy Vanhengel semble perdu “je crois que la réunion n’a pas encore débuté“. Tout le monde s’esclaffe, “Guy, c’est un sketch” lance la cdH Céline Fremault. Le Président Madrane apprécie moins et demande qu’on coupe tous les micros perturbateurs “l’audition est sérieuse, j’aimerais qu’elle puisse avoir lieu“. Tout le monde se reconcentre, sourires en coins.Sur le fond, la commission spéciale covid s’interroge sur son avenir. Le MR – soutenu par la NV-A – réclame une suspension des travaux. Pour ces partis, ministres et experts ont fort à faire avec la vague actuelle de covid “mieux vaut les laisser se concentrer sur l’urgence” dit la cheffe de groupe libérale Alexia Bertrand. En bureau, il est décidé de suivre les recommandations du Comité de Concertation de ce vendredi. En gros, s’il y a lockdown, la commission spéciale s’arrêtera. Jusque-là, elle poursuit son étude de l’origine et de la gestion de la première vague.Alain Maron rappelle d’emblée la méconnaissance du virus au début de la pandémie, citant l’audition d’un expert au parlement fédéral. Pour lui, la covid restait comparable une grosse grippe, nécessitant dans le pire scénario l’hospitalisation de deux à trois mille personnes. Et le ministre de soupirer “personne le savait mais il s’avère malheureusement que le virus était déjà présent dans la population à ce moment“.A coup de dates notamment, Alain Maron rappelle l’action de son cabinet et de l’administration Iriscare en faveur des maisons de repos. “C’est nous qui avons mobilisé l’organisation MSF et non l’inverse, un médecin était dépêché pour évaluer les procédures et les moyens. Un coaching renforcé était proposé.
A propos des transferts de malades vers les hôpitaux, Maron se fait plus insistant “AUCUNE CONSIGNE DE NON HOSPITALISATION n’a été transmise, au contraire nous avons stipulé dans une circulaire que le transfert d’un résident ne peut être plus stricte qu’avant.“Il détaille ensuite par le menu le matériel de protection livré aux maisons de repos et de soins : 243.000 masques FFP2, deux millions de gants, huit mille masques avec visières transparentes. La liste est longue jusqu’à la constitution d’un stock de réserve. Alain Maron rappelle que “ce n’était pas la mission d’Iriscare qui s’en n’était jamais acquitté jusqu’alors et qui l’a fait avec énormément de diligence“.
Attentisme bruxellois?
Sur les bancs de l’opposition, le MR, par la voix d’Alexia Bertrand, estime d’abord que la région bruxelloise a fait beaucoup moins bien que Région flamande voire que les communes. “En Flandre, le matériel était gratuit tout l’été, une plateforme permettait de le commander en quelques clics. Pourquoi n’avez-vous pas pris ces initiatives?
David Leisterh (MR) embraie : “vous dites que toutes les maisons de repos ont un plan, il me revient que 10 n’ont toujours pas de plan et 26 ont un plan inachevé” et celui qui préside le CPAS de Watermael-Boistfort de raconter le cas d’une personne qui a contracté la covid à l’hôpital avant d’être renvoyée dans sa maison de repos. “On rajoute des cas dans des clusters“.A gauche, le PTB s’interroge de l’absence de stocks préalables dans les maisons de repos “si les bourgmestres ont pu procéder à des commandes de masques par petits lots, pourquoi pas vous?” A propos des testings “pourquoi avoir attendu avril et le fédéral pour procéder à des tests? On voit clairement que les plans sont un échec“. Le PTB déplore le fait que la Région s’est souvent retranchée derrière le fédéral pour les centres de testings ou les commandes de matériel (le MR pour le coup boit du petit lait!). Françoise De Smedt affirme par ailleurs que la commune d’Anderlecht a proposé de l’aide pour ouvrir un centre de testing, une offre déclinée par la Région. Avant de conclure : “on peut comprendre que la première vague ait surpris, mais pas la suite”
L’audition d’Alain Maron se poursuivait dans l’après-midi. Le Ministre Bruxellois de la santé revenait notamment sur le taux de contagion qui serait plus élevé dans certains réseaux de maisons de repos que dans d’autres. Et il appelait à la plus grande prudence : “le fait qu’une maison de repos soit plus ou moins touchée par un virus dépend de très nombreux facteurs“.  Sur les commandes de masques, l’écologiste affirme qu'”aucune région n’est en retard sur les autres, à l’exception des masques FFP2 que nous commandons auprès de Médecins Sans Frontières et livrons le 13 mars donc avec un peu d’avance sur les autres. La Flandre ne livre pas avant Bruxelles qui ne livre pas avant la Wallonie“.
Opposition remontée
Interpelé par le MR sur les plans d’actions dans les maisons de repos et de soins, le Ministre exclu tout retard systématique, “Il existe 136 plans propres pour 138 maisons de repos. Seuls deux plans d’actions envoyés très en retard sont toujours en cours d’analyse”.
Concernant le plan Influenza à grande échelle concocté au début des années 2000 et jamais mis en œuvre, Alain Maron le juge en dessous des besoins requis “il prévoyait la constitution d’un stock total de 200.000 masques à destination exclusive des malades. Nous en avons livré deux millions…“. Le PTB ne se montre toutefois pas convaincu et rappelle l’audition de l’épidémiologiste Marius Gilbert “il nous a clairement expliqué que les Maisons de Repos qui avaient un plan Grippe ont beaucoup mieux résisté à l’épidémie. Vous ne pouvez pas négliger l’importance et l’efficacité de ceux-ci” pointe Françoise De Smedt.
C’est aussi sur le contrôle par les bourgmestres des foyers de contamination que le ton monte avec l’opposition. “On en est nulle part dans le contrôle des clusters” s’énerve Gilles Vander Straete (NVA). Juste avant, Vincent De Wolf mettait le feu aux poudres “je ne suis pas calme, vous dites qu’il n’y a pas de base légale ni d’accord pour ce faire. En Flandre, chaque jour les bourgmestres peuvent vérifier par une application où se concentrent les foyers. A Bruxelles, rien!”. Malicieusement, De Wolf ajoute “sondez le Ministre-Président (ndla, bourgmestre empêché d’Evere), il est du même avis que moi!”.
De son côté pour le cdh, Céline Frémault a déploré l’absence de préparation. “Le manque de planification était clair dès le trois mars” a pointé l’ancienne Ministre. Avant d’insister sur le Tracing qui selon elle manquait de budget clair. “Le résultat c’est que seuls 41% des appels donnaient lieu à un suivi complet“. Alain Maron estimant que les travailleurs des call-centers n’avaient que cinq appels à donner par jour.
A la sortie, le Ministre Maron ne paraissait pas affaibli par les tirs pourtant nourris de l’opposition, mais celle-ci restait remontée. Dans un communiqué, le MR évoquait une région “à la traine”, “dépassée” et “ne prenant pas conscience de l’ampleur de la crise“.
Michel Geyer / Photo: BX1