Comment expliquer le blocage politique à Bruxelles ? “Le système ne correspond plus aux réalités démographiques” (Analyse)
Philippe Van Parijs, philosophe et économiste, revient sur le modèle politique bruxellois qui semble aujourd’hui montrer ses limites.
Tout d’abord, celui-ci est revenu sur les chiffres publiés ce mercredi qui visent à rendre compte de la présence de francophones et de néerlandophones en Région bruxelloise en se basant sur la langue des déclarations fiscales de 2023. Il en ressort 91,3% de francophones et 8,7% de néerlandophones. “Des chiffres trompeurs“, selon Philippe Van Parijs, “qui reflètent une perception binaire de Bruxelles. C’est comme si on avait un paysage multicolore qu’on essayait de regarder et d’interpréter avec des lunettes qui ne permettent de ne voir que deux couleurs. Une telle approche ne perçoit pas la transformation radicale de la population depuis l’époque où on a créé les institutions bruxelloises.”
Ces institutions bruxelloises, justement, sont aujourd’hui obsolètes, estime le spécialiste. Ce sont elles qui expliquent en partie le blocage politique aujourd’hui à Bruxelles. “[Le principe d’un collège néerlandophone et d’un collège francophone] ne correspond plus au Bruxelles d’aujourd’hui. C’était quelque chose de concevable dans les années 80, lorsqu’on a concocté ce système pour protéger les néerlandophones contre une oppression francophone, mais plus aujourd’hui. Ce système a totalement éclaté en raison de l’évolution démographiques de Bruxelles.”
“Il y a un gros problème de suffrage universel à Bruxelles”
Par ailleurs, pour Philippe Van Parijs, “il y a aujourd’hui un gros problème de suffrage universel à Bruxelles“. “Près de 40% des Bruxellois n’ont pas la nationalité belge et n’ont donc pas le droit de vote aux élections régionales. Chaque année, à mesure que l’on transfère – à juste titre – des compétences de l’échelon communal à l’échelon régional, cela s’aggrave.” Il faudrait donc, selon lui, revoir les règles de vote à Bruxelles pour permettre à davantage de personnes de voter.
Par ailleurs, le philosophe se dit favorable à la “suppression du double collège linguistique sans suppression de la représentation garantie“. “Il faut mettre les gens autour de la table pour explorer les différentes options qui permettent d’assurer la représentation des néerlandophones au sein du Parlement et du gouvernement régional, tout en évitant le système de ‘vétocratie’ dans lequel on se trouve et qui permet de tel blocage.”
■ Interview de Philippe Van Parijs, philosophe et économiste, au micro de Fabrice Grosfilley dans Bonjour Bruxelles