Attentats du 22 mars : la clôture de l’instruction est imminente
L’instruction du dossier des attentats de Bruxelles est dans sa toute dernière phase, alors que cela fera quatre ans dimanche que les attaques ont eu lieu dans la station de métro Maelbeek à Bruxelles et dans le hall des départs de l’aéroport de Bruxelles-National à Zaventem. L’enquête s’est achevée en juin 2019. La chambre du conseil puis la chambre des mises en accusation doivent se prononcer, dans les prochaines semaines, sur le renvoi des inculpés devant le juge du fond. Ceux-ci devraient être renvoyés devant la cour d’assises – et la justice organise déjà les modalités pratiques d’un tel procès – mais deux d’entre eux pourraient comparaître devant un tribunal correctionnel.
La chambre des mises en accusation de Bruxelles doit se prononcer dans les prochains jours sur les demandes de devoirs d’enquête complémentaires déposés par des avocats de la défense, devoirs qui ont été dans un premier temps rejetés par les juges d’instruction, début mars.
Le 19 février, Me Stanislas Eskenazi, l’avocat de l’inculpé Mohamed Abrini, a demandé une enquête complémentaire concernant le contexte des faits, plus précisément pour éclaircir les raisons qui ont poussé les auteurs des attentats à partir en Syrie puis à revenir sur le sol belge pour y commettre des attaques au nom de l’Etat Islamique. Egalement, Me Jonathan De Taye, le conseil de l’inculpé Ali El Haddad Asufi, a demandé une vingtaine de nouveaux devoirs d’enquête. Seule sa demande concernant le fait d’entendre des témoins de moralité de son client a été acceptée par les juges d’instruction.
Une fois la question des devoirs d’enquête complémentaires définitivement tranchée par la chambre des mises en accusation, le dossier retournera devant la chambre du conseil qui décidera de la suite à donner: qui doit être renvoyé devant la cour d’assises? Qui doit être renvoyé devant un tribunal correctionnel? Qui doit bénéficier d’un non-lieu?
In fine, la chambre des mises en accusation confirmera ou non la décision de la chambre du conseil. L’instruction devrait ainsi être tout à fait clôturée fin juin. Un procès aux assises pourrait alors se tenir au plus tôt en septembre 2021, dans les anciens bâtiments de l’Otan à Evere, endroit pouvant accueillir un tel méga-procès où de nombreuses personnes sont constituées partie civile.
Au total, treize hommes sont inculpés. Le parquet fédéral souhaite que huit d’entre eux soient renvoyés aux assises pour assassinats et tentatives d’assassinat dans un contexte terroriste, ainsi que pour appartenance à un groupe terroriste. Il s’agit de Salah Abdeslam, d’Oussama Atar (qui serait mort en Syrie en novembre 2017), de Mohamed Abrini, de Sofien Ayari, d’Osama Krayem, d’Ali El Haddad Asufi, de Bilal El Makhoukhi et d’Hervé Bayingana Muhirwa.
Concernant les frères Smail et Ibrahim Farisi, le parquet souhaite leur renvoi devant un tribunal correctionnel.
Quant à Brahim Tabich et Youssef El Ajmi ainsi qu’un homme qui a déjà été complètement mis hors de cause depuis plusieurs années, le parquet fédéral se dit favorable à un non-lieu.
Le 22 mars 2016, Bruxelles a été la cible d’attentats. A 07h58, deux hommes se sont fait exploser dans le hall des départs de l’aéroport de Bruxelles-National à Zaventem. Un peu plus tard, à 09h11, un autre individu s’est fait exploser dans une rame de métro à la station Maelbeek, dans le quartier européen à Bruxelles. Outre les trois kamikazes, 32 personnes sont décédées et 340 autres ont été blessées.
Au bout de trois ans d’enquête, la police a identifié et arrêté treize suspects. L’un des principaux inculpés, Mohamed Abrini, avait été filmé en compagnie des kamikazes Najim Laachraoui et Ibrahim El Bakraoui, à l’aéroport. Il avait abandonné une valise pleine d’explosifs avant de s’enfuir.
Autre principal inculpé, Ossama Krayem avait été filmé dans la station de métro Pétillon en train de parler à Khalid El Bakraoui, le kamikaze de la station Maelbeek, quelques minutes avant que ce dernier ne déclenche sa bombe, cinq stations plus loin. Ossama Krayem se serait débarrassé de ses charges explosives dans les toilettes de l’appartement de l’avenue des Casernes à Etterbeek, l’une des planques de la cellule terroriste.
Bilal El Makhoukhi est quant à lui inculpé pour avoir participé à la confection des explosifs. Son ADN a été retrouvé sur des piles dans ce même appartement.
Hervé Bayingana Muhirwa est inculpé pour avoir caché Osama Krayem et Mohamed Abrini dans son appartement, rue Tivoli à Laeken, après les attentats.
Les frères Ibrahim et Smail Farisi sont, eux, suspectés d’avoir prêté leur appartement de la rue des Casernes à Khalid El Bakraoui. Ils auraient aussi nettoyé et vidé le logement juste après les attentats.
Ali El Haddad Asufi et Youssef El Ajmi sont également inculpés pour leurs liens étroits avec les frères El Bakraoui. Par ailleurs, Youssef El Ajmi travaillait jusqu’à peu de temps avant les attentats à l’aéroport de Bruxelles-National. Des données concernant des dates de vols, provenant d’une clé USB de Khalid El Bakraoui, ont été découvertes sur son ordinateur.
L’inculpé qui fait défaut, Oussama Atar, est quant à lui soupçonné d’avoir coordonné les attentats de Paris et de Bruxelles depuis la Syrie où il agissait pour une branche du service de renseignements de l’Etat Islamique.
Salah Abdeslam et Sofien Ayari sont également soupçonnés d’avoir fait partie de la filière terroriste responsable des attentats de Bruxelles. Ils ont déjà été condamnés par le tribunal correctionnel de Bruxelles en 2018 à 20 ans de prison pour la fusillade de la rue du Dries. Les deux hommes avaient été débusqués dans leur planque rue du Dries à Forest, le 15 mars 2016, alors que Salah Abdeslam était activement recherché dans le cadre des attentats à Paris de novembre 2015. Ils avaient pu s’échapper, tandis que leur comparse Mohamed Belkaïd a été tué par la police, mais avaient finalement été rattrapés trois jours plus tard à Molenbeek-Saint-Jean.
Enfin, Brahim Tabich est inculpé pour avoir fourni des produits qui ont servi à la confection des explosifs.
Il est encore à noter qu’un dernier inculpé a déjà été mis hors de cause. Il avait été pris à tort pour “l’homme au chapeau” vu sur les images des caméras de vidéo-surveillance de l’aéroport de Zaventem. Cet “homme au chapeau” a plus tard été identifié comme étant Mohamed Abrini. Néanmoins, la procédure pénale en Belgique veut qu’une personne inculpée le reste jusqu’à ce que les juridictions d’instruction (chambre du conseil et chambre des mises en accusation) aient statué sur le renvoi ou non des inculpés devant le juge du fond. Il ne fait aucun doute que celui-ci obtiendra le non-lieu.
Cinq des inculpés, Salah Abdeslam, Mohamed Abrini, Ossama Krayem, Sofien Ayari et Ali El Haddad Asufi, sont également inculpés en France dans le cadre du dossier judiciaire des attentats à Paris le 13 novembre 2015.
Belga